Regardes bien ce gosse.
C’est un petit mendiant algérien, riant, aux bras maigres, aux pieds nus. Photographié (par mon père), en 1952, quelque part à Alger, dans cette Algérie coloniale où ce môme n’avait pas d’avenir car pas la bonne couleur de peau.
Un sous-homme dans son propre pays, un indigène…
Regardes ces gamines.
C’est joli, c’est couleur locale, avec leurs voiles et leurs hardes, et ces seaux d’eau qu’elles doivent charrier, toujours pieds nus. Elles sourient, mais pour combien de temps encore ?
La guerre d’Algérie,
qui commence le 1er novembre 1954,
a été dégueulasse.
Il y a eu des atrocités de part et d’autre, les massacres de civils européens, la torture généralisée, les attentats aveugles du FLN, les crimes des Harkis, le napalm sur les villages, les assassinats entre FLN et MNA, les meurtres gratuits de l’OAS, les enlèvements, les appelés français tombés dans les djebels, des jeunesses gâchées, l’exode des pieds noirs, le massacre des Harkis…
Le peuple algérien a eu entre 300 000 à 400 000 victimes (Guy Pervillé)
Les pertes françaises : 27 500 militaires tués et un millier de disparus.
Pour les civils français d’Algérie, le nombre est de 2 788 tués et 875 disparus jusqu’au cessez-le-feu du 19 mars 1962. Il faut y ajouter 2 273 disparus entre le cessez-le-feu et le 31 décembre 1962, dont plus de la moitié sont officiellement décédés.
La fin de cette guerre mérite d’être fêtée.
Et maintenant lis leur prose à tous ces nostalgiques de l’Algérie française. Ils viennent d’obtenir des maires de Samatan et de Lombez, dans le Gers, l’interdiction d’une rencontre festive pour saluer le cinquantième anniversaire de la fin de la guerre d’Algérie. Elle était organisée par plusieurs associations. Ces courriers sont adressés à Alain Lopez, un des organisateurs:
Madame, Monsieur,
Je découvre avec consternation l’affiche concernant votre projet de “Fête du cinquantenaire de la fin de la guerre d’Algérie”. Pourriez-vous m’expliquer ce qu’il y a de “festif” à célébrer dans les drames qui ont jalonné l’année 1962 ?
Je me permets de vous rappeler, ou de vous apprendre, qu’après le 19 mars 1962 ce sont 100 à 150 000 Harkis, fidèles à la France, qui ont été massacrés dans des conditions épouvantables (avec leurs familles), plus de 10 000 Pieds-Noirs qui ont été égorgés ou enlevés, 530 soldats du contingent qui ont disparu. 1962, c’est aussi l’exode dramatique d’un million de Français
d’Algérie.
Pensez-vous que ces événements doivent donner lieu à des festivités avec en prime un couscous… histoire de faire couleur locale… et de tomber dans des clichés aussi péjoratifs que dégradants ? C’est d’une rare indécence.
La communauté rapatriée commémorera en 2012 ses morts et son douloureux exil. Pensez-vous que votre “fête”, dans un département qui accueillit tant de vos compatriotes d’Algérie, ne sera pas vécue comme un outrage et une injure ?
L’obscure association 4ACG que vous accueillez a une vision bien particulière de cette douloureuse période. Je vous suggère la lecture de son site internet sur lequel elle fait par exemple l’apologie du “Manifeste des 121″… 121 intellectuels français qui appelaient à soutenir les combattants algériens… contre les soldats français ! Parmi ces intellectuels, un certain JP Sartre qui écrivait “abattre un Européen, c’est faire d’une pierre deux coups, supprimer
en même temps un oppresseur et un opprimé”, lançant ainsi un véritable appel au meurtre des Français d’Algérie.
Association 4ACG qui salue également le “courage” du réseau Janson ou “porteurs de valises”… ces Français qui procuraient des fonds à la rébellion algérienne, fonds qui servaient à acheter des armes… pour tuer des soldats et des civils français !
Tous ces drames méritent donc des festivités ? Qui plus est avec ceux qui honorent les assassins de leurs propres soldats et compatriotes ?
Je transmets votre initiative à l’ensemble des associations de rapatriés en vue d’un éventuel rassemblement de protestation.
J’alerte également la Mission Interministérielle aux Rapatriés.
J’envisage également se saisir la préfecture car votre initiative risque de provoquer une réaction indignée de la communauté rapatriée, avec les risques de trouble à l’ordre public que cela suppose.
Je ne donne pas le nom du signataire…
Monsieur, J’accuse réception de votre courriel.
Permettez-moi de vous dire que votre prose humaniste de façade est totalement vide de sens. Vous ne répondez pas aux questions essentielles.
Estimez-vous que le cinquantenaire de 1962 doive donner lieu à une “fête” ? Que faites-vous des Harkis qui sont considérés par vos amis du FLN (je crois savoir que
vous vous rendez chaque année en République algérienne, l’une des dernières dictatures
de la planète) comme des traîtres ? Comment osez-vous inviter l’association 4ACG qui érige en héros les assassins de vos propres compatriotes ? Etc etc
Vous avez réussi un tour de force, celui d’apparaître aux yeux de la communauté rapatriée comme l’archétype du “falso”. La totalité des associations de PN se mobilise contre votre indécent projet. Nous saisissons également le préfet du Gers concernant les risques de troubles à l’ordre public que votre initiative suppose puisque les associations de rapatriés envisagent un grand rassemblement symbolique à Samatan le 25 février prochain pour protester contre votre méprisable projet. Concernant le maire de Samatan, et au regard de votre réputation dans le canton, nous n’avons guère d’inquiétudes. Les dizaines de milliers d’adhérents de nos associations connaissent aujourd’hui votre nom. Mais sans doute pas comme vous l’auriez souhaité… Monsieur, vous êtes peut-être Pied-Rouge ou Pied-Vert, mais certainement pas Pied-Noir ! Nous ne vous laisserons pas insulter impunément les Français d’Algérie.
Je ne donne pas le nom du signataire… C’est le même.
La projection du film “El gusto” est maintenue
pour le 25 février à Samatan.
Nous y serons, j’espère, très nombreux.
Caillou, le 12 février 2012
Le 25 février
J’avais alerté il y a quelques jours sur une censure de la liberté d’expression, par la mairie de Samatan, qui interdisait une salle municipale sous la pression et les menaces de trouble à l’ordre public d’une poignée de nostalgiques de l’Algérie française. Nous voulions y fêter le cinquantième anniversaire de la fin de la guerre d’Algérie. Heureusement le cinéma nous restait disponible pour projeter un film: El Gusto et avoir un débat grâce à l’association qui le gère.
Beaucoup de monde, une salle remplie, un film superbe, des témoignages émouvants, un débat riche sur la guerre d’Algérie et le travail de mémoire… Hier soir, à Samatan, nous avons donné une grande claque à la face de la haine et de l’intolérance.
Caillou, le 26 février 2012