Le canapé est un château, si j’en tombe c’est les crocodiles, qui me mangeront en ratatouille. Déjà des heures que ma Juliette, qui a 6 ans, chante en criant cette scie qui m’arrache la tête. Sœur Anne ne vois tu rien venir ? Je lui réponds de plus en plus faiblement : Je ne vois rien que le soleil qui poudroie et l’herbe…
Depuis déjà plusieurs semaines nous avons les enfants dans le studio. Mais c’est quoi cette magouille ? Je lève les yeux de mon clavier. Elle me réclame de nouveau des chatouilles ? Son frère Arnaud attaque les murs, avec des feutres. Il gribouille. J’ai beau crier qu’il ne faut pas le faire, même avec des feutres lavables, il me faudra bien retapisser plus tard. Je ferais venir un artisan, à moins que je les pose moi-même tous ces rouleaux de papiers peints. Il faudra que je patouille dans la colle. Rendre le studio en état.
Leur mère s’isole sous la douche, le seul endroit où l’on est seul, avec les toilettes bien sûr. Je repense au journal d’Anne Franck*où l’adolescente se moque de ce monsieur qui y passe des heures. Et moi j’essaie bien de bosser sur mon ordinateur rebelle mais le wifi se met en veille. Je n’en peux plus ! Des heures pour télécharger 2 feuilles A4 ! Le télétravail, facile à décider dans l’Olympe des dieux et leurs bureaux ministériels et bien plus difficile à mettre en place dans mon studio de 35 m2 Alors vivement qu’on sorte, tous les quatre, hurler dans la rue.
* Hubris : Orgueil et démesure * https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Journal_d’Anne_Frank#Personnages
Ce texte est écrit avec une contrainte de 6 mots, donnée par Yves: Chatouille, gribouille, patouille, ratatouille, magouille et rebelle Vous pouvez m’en envoyer 6 autres.
Caillou le 18 avril 2020
Et un autre texte envoyé par Annick
Pour la énième fois Gribouille grésille sur le disque usé tandis que d’une main nonchalante, Elle gratouille le cou du chat qui n’apprécie plus du tout les chatouilles depuis qu’Elle lui a interdit de sortir De patouilles en ratatouilles, elle se dit qu’elle pourrait bien s’énerver, se révolter, s’anarchiser, mais ce n’est pas une rebelle et reprend d’une main nonchalante les gratouilles et les papouilles.
Elle a le front posé sur le frais de la vitre. Elle observe la rue qui descend vers le fleuve. Il fait encore bien froid dehors et le soleil qui peine à percer les nuages n’a pas encore chauffé la ville qui s’éveille. Mais voilà les enfants qui partent pour l’école. Après ces longues semaines d’enfermement enfin pouvoir se retrouver. Elle entend les rires et les portes qui claquent. Elle suit de son regard les mamans qui les mènent, qui se saluent, heureuses, de pouvoir se revoir, échanger sur le temps, se donner des nouvelles… Une radio, derrière elle, lui parle de Christophe, celui qui vient de disparaître, ce chanteur marqué par les années d’excès. Il l’avait fait rêver, il l’avait fait danser, bien des années plus tôt quand elle dansait encore. Et on entend son chant qui prend bien tout l’espace, dans la chambre peut-être, surtout dans ses souvenirs. Les enfants à l’école, la rue se met au calme. Les fenêtres ouvertes se parent de tous les draps. On aère. On secoue. Le printemps est partout. Les murs vêtus de brique se colorent en rouge sous la caresse chaude de ce très beau matin. Elle y voit un chemin. Comme un message, juste un moment de grâce. Sentir l’instant présent, en jouir pour ce qu’il est, sans chercher à le retenir. Tourner le dos, définitivement aux regrets qui la hantent. Ne plus se souvenir et ce matin, choisir enfin la vie.
Ce texte est écrit avec une contrainte de 6 mots, donnée par Josette: Soleil, chant, rouge, chemin, regrets, vie. Vous pouvez m’en envoyer 6 autres.
Le chemin sentait la noisette. Nous étions en octobre 2020 et pour la première fois l’homme sortait se promener, seul, dans ce bois, le long du fleuve. Âgé, grand, mince, il marchait un peu vouté, d’un pas lent, comme exténué par ces quelques huit mois d’immobilisation forcée. Sa marche était celle d’un grand convalescent faisant ses premiers pas dans les couloirs des hôpitaux. Les cheveux, très longs, cachaient son front et on ne pouvait voir que ses yeux puisqu’un masque en tissu lui mangeait littéralement le visage.
Dans sa maison, pour fêter cette libération, ils avaient bu un peu de champagne en grignotant quelques toasts aux crevettes. La veille au soir, le président avait annoncé la levée partielle du confinement sanitaire au journal télévisé. Et ils avaient préparé cet apéritif pour en fêter le premier jour. Allait-on retrouver le sentiment de faire partie de la société ? D’être utile ? D’être fort ? Il ne le croyait pas. Presque certain que cette assignation à résidence avait cassé en lui bien plus que sa vitalité musculaire, il avait voulu sortir seul, pour la première fois.
L’homme qui marchait dans le sous bois retrouvait cette sensation ancienne : la liberté, celle d’aller où il voulait. Mais il avait compris que cette liberté ne serait plus jamais, pour lui, associée à l’innocence et à l’inconscience de sa propre faiblesse. Il n’y aurait plus jamais de nudité face au soleil.
Ce texte est écrit avec une contrainte de 6 mots, donnée par ma compagne: noisette, masque, champagne, crevette, nudité, soleil. Vous pouvez m’en envoyer 6 autres.
Face à l’ampleur du bouleversement provoqué par la pandémie Covid-19, près de 230 médecins, infirmiers, réanimateurs, paysans, artistes, chercheurs, scientifiques, syndicalistes, éditeurs et autres personnalités appellent à l’entraide et à l’auto-organisation dans cette période de confinement : « Il n’y aura pas de “sortie de crise” sans un bouleversement majeur de l’organisation sociale et économique actuelle » Depuis une semainela France est entrée dans une nouvelle réalité vertigineuse. Le Covid-19 n’est plus une « petite grippe », selon nos gouvernants, mais la « pire crise sanitaire depuis un siècle ». Un choc intime qui nous fait trembler pour nos proches et toutes les personnes particulièrement fragiles. Une secousse géopolitique qui fait s’effondrer la mondialisation néolibéralecomme un château de cartes. 2019 avait été une année d’incendies ravageurs en Australie, Amazonie et ailleurs, et d’immenses soulèvements populaires. 2020 a d’ores et déjà les traits d’une paralysie totale, une crise systémique majeure.
Cette pandémie achève de rendre irrespirable la vie dans un système politique et économique délirant, néfaste, mais surtout inutile au moment où un immense besoin de soin se fait sentir. Après être resté attentiste pendant un mois et demi, Emmanuel Macron a promis, pour ne pas perdre la face, que « l’État paiera […] quoi qu’il en coûte ». La « mobilisation générale » est décrétée. « Nous sommes en guerre », paraît-il, contre un « ennemi invisible ».
Face à cette rhétorique militariste, nous affirmons une autre logique. À « l’union nationale » nous préférons l’entraide générale. À la guerre, nous opposons le soin, de nos proches jusqu’aux peuples du monde entier et au vivant. En France, comme dans les autres pays, nous allons tenir ensemble pour faire face à l’épidémie. Nous allons transformer l’isolement imposé en immense élan d’auto-organisation et de solidarité collective.
Avec nos voisin-e-s, nos ami-e-s, nos familles, nos proches, nos collègues ; dans nos immeubles, nos rues, nos quartiers, nos villes et nos villages ; notamment en utilisant les réseaux sociaux, nous allons construire l’entraide à la base. Pour aider les plus fragiles qui ne peuvent pas sortir à obtenir de la nourriture. Pour garder les enfants de celles et ceux qui doivent continuer de travailler. Pour partager des informations vérifiées sur la situation. Pour se donner des nouvelles et se réconforter dans cette situation déchirante. Pour soutenir les plus précaires dans leurs luttes pour vivre. Pour faire face à une crise économique, bancaire et financière qui s’annonce dévastatrice malgré les annonces faussement rassurantes des banques centrales. En restant chez nous pour le moment, mais dans la rue dès que possible.
Face à l’ampleur du bouleversement, même Emmanuel Macron appelle à « innover dans la solidarité ». Mais nous ne sommes pas dupes du fameux « en même temps » : l’entraide que nous construisons n’est pas l’auxiliaire d’un État néolibéral défaillant. Elle ne sera pas le cheval de Troie d’une future « stratégie du choc » à base de télétravail, de « volontariat citoyen » dans des services publics détruits, et de poursuite dans la destruction des acquis sociaux au nom de « l’état d’urgence sanitaire ».
Notre solidarité est celle du peuple, de ceux d’en bas, qui se serrent les coudes pour survivre et pour vivre dignement. Elle n’a rien à voir avec celle des élites mondiales – facilement dépistées, elles -, qui se retranchent dans leurs palais dorés, protégés et désinfectés pendant que les soignant-e-s sont « au front » sans moyens et fabriquent leurs propres masques de protection en prenant tous les risques.
Pendant que les travailleurs-euses et instituteurs-trices gardent leurs enfants, sans consigne officielle pour se protéger, s’exposant à une contamination. Pendant que les plus précaires, les sans logis, sans papiers, sans réseaux sociaux, les intérimaires sans chômages partiels, les « indépendants » contraints au travail en danger ou sans activité, seront encore plus frappé-e-s par la crise. Pendant que les « déjà confiné-e-s », les migrant-e-s enfermé-e-s en centres de rétentions et les prisonnier-e-s voient leur situation encore aggravée.
Jamais l’alternative n’a été si claire, le scandale si palpable : nous jouons notre vie pendant qu’eux gèrent l’économie.
L’entraide que nous allons construire s’inscrit dans le sillage du soulèvement des peuples partout dans le monde au cours des derniers mois, du Chili au Liban, de l’Algérie au Soudan. Cette vague a répandu sur la planète la nécessité de mettre nos corps en jeu. Le Covid-19 rend indispensable, pour l’heure, leur confinement. Mais révolté-e-s ou confiné-e-s, nous mourrons d’un système qui recherche le profit et l’efficacité et pas le soin, le pouvoir et la compétition et pas l’entraide.
Cette épidémie ravageuse n’est pas une simple réalité biologique. Elle est amplifiée par les politiques néolibérales, la destruction méthodique de l’hôpitalet de l’ensemble des services publics. Si ce virus tue autant, c’est aussi parce qu’il n’y a plus assez de soignant-e-s et de lits, pas assez de respirateurs ou parce que l’hôpital tend à devenir une entreprise à flux tendu. Et si nous applaudissons chaque soir à 20h les soignant-e-s, c’est aussi pour contenir notre colère contre les gouvernant-e-s qui savaient que la tempête arrivait depuis deux mois sans rien faire.
Nous appelons donc à renforcer la solidarité et l’auto-organisation pour faire face à la pandémie et la crise systémique, partout où c’est possible, sous toutes les formes imaginables, tout en respectant la nécessité absolue du confinement pour freiner la propagation. Plus particulièrement, nous appelons à rejoindre le réseau de solidarité auto-organisé #COVID- ENTRAIDE FRANCE (https://covid-entraide.fr/)qui se constitue dans des dizaines de lieux depuis une dizaine de jours. Nous invitons à créer des groupes d’entraides locaux en ligne et sur le terrain, de notre hameau à notre village, de notre immeuble à notre ville. Nous appelons à recenser les centaines d’initiatives qui se créent à travers une cartographie collaborative (https://covidentraide.gogocarto.fr).
Ne restons pas sidéré-e-s face à cette situation qui nous bouleverse, nous enrage et nous fait trembler. Lorsque la pandémie sera finie, d’autres crises viendront. Entre temps, il y aura des responsables à aller chercher, des comptes à rendre, des plaies à réparer et un monde à construire. À nous de faire en sorte que l’onde de choc mondiale du Covid-19 soit la « crise» de trop et marque un coup d’arrêt au régime actuel d’exploitation et de destruction des conditions d’existence sur Terre. Il n’y aura pas de « sortie de crise » sans un bouleversement majeur de l’organisation sociale et économique actuelle.
Il y aura un avant et un après. Nous sommes pour l’instant confiné-e-s, mais nous nous organisons. Et, pour sûr, nous reprendrons les rues, les jardins, les outils de travail, les moyens de communication et les assemblées, ensemble.
La stratégie du choc doit s’inverser. Cette fois-ci le choc ne servira pas à affermir le contrôle, le pouvoir central, les inégalités et le néolibéralisme, mais à renforcer l’entraide et l’auto-organisation. À les inscrire dans le marbre.
Signature pour les associations et organisations : merci d’envoyer votre signature à entraidepandemie@riseup.net(en précisant l’organisation dans l’objet du mail)
Premiers signataires :
Corinne Morel-Darleux, autrice, élue régionale et militante éco-socialiste Pablo Servigne, chercheur in-terre-dépendant Éric Beynel, co-délégué général de Solidaires Cécile Gondard-Lalanne, co-déléguée générale de Solidaires Hugo Huon, pour le Collectif Inter-Urgences Matthieu Bellahsen, psychiatre et praticien hospitalier Sarah Kilani, médecin anesthésiste-réanimateur Benoit Blaes, président du Syndicat National des Jeunes Médecins Généralistes (SNJMG) Sayaka Oguchi, médecin généraliste, trésorière du SNJMG Emmanuelle Lebhar, interne en médecine générale, chargée de mission au SNJMG Julien Aron, médecin néphrologue, chargé de mission au SNJMG Vladimir Adrien, interne de l’AP-HP Jonas Pochard, anesthésiste réanimateur Amaury Delarge, réanimateur Françoise Brun, infirmière Catherine Fayet infirmière Benjamin Royer, psychologue clinicien Franck Prouhet, médecin généraliste Claire Bourgogne, médecin généraliste Marcy Pondi, anesthésiste-réanimatrice Joachim Müllner, médecin psychiatre Amina Ben Salah, médedecin doctorante en Neurosciences Sabrina Ali Benali, médecin à Paris Ben Omrane Choukri, médecin à Paris Stéphane Lerivray, infirmier anesthésiste Michel Robin, infirmier Marie Llorens, infirmière urgences Mathilde Martinot, psychiatre en hôpital public Dominique Seydoux, médecin retraité Aurélien Barrau, astrophysicien Annick Coupé, secrétaire générale d’Attac Aurélie Trouvé, porte parole d’Attac Raphaël Pradeau, porte parole d’Attac Maximes Combes, porte parole d’Attac Nicolas Girod, porte-parole de la Confédération Paysanne Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole du Droit au Logement Cyril Dion, réalisateur Geneviève Azam, essayiste Benoît Teste, secrétaire général de la FSU Annie Déan, porte-parole du MAN Jean-François Pellissier, porte-parole d’Ensemble! Josep Rafanell i Orra, psychologue et écrivain Patrick Farbiaz, cofondateur du collectif Pour une Ecologie Populaire et Sociale (PEPS) Virginie Maris, philosophe Christophe Bonneuil, historien Leslie Kaplan, écrivaine Dominique Méda, sociologue Céline Pessis, historienne Baptiste Monsaingeon, sociologue Ludivine Bantigny, historienne Johan Badour, éditeur Cervaux non Disponibles Partager c’est Sympa Miguel Benasayag, philosophe François Cusset, philosophe Dominique Bourg, philosophe Jean Gadrey, économiste Samuel Hayat, politologue Isabelle Cambourakis, éditrice Jean-Marie Harribey, économiste Audrey Vernon, comédienne Xavier Ricard Lanata, essayiste et haut-fonctionnaire Yves Cochet, président de l’institut Momentum Pierre Khalfa, économiste, Fondation Copernic Catherine Zambon, autrice Serge Quadruppani, écrivain Nathalie Quintane, écrivain Sezin Topçu, sociologue Alain Damasio, écrivain Jérôme Baschet, historien Bernard Friot, sociologue Stéphane Lavignotte, théologien Elise Lowy, cofondatrice de PEPS “L’1consolable”, rappeur Kolin Kobayashi, journaliste in-terre-dépendant Jean-Jacques Delfour, philosophe Gauthier Chapelle, chercheur in-Terre-dépendant et co-auteur Paul Ariès, politologue, Dénètem Touam Bona, écrivain-artiste Vincent de Gaulejac, président du réseau international de sociologie clinique François Jarrige, enseignant-chercheur en histoire Arnaud Muyssen, médecin à Lille Anne Thebaud Mony, sociologue Jacques Fradin, économiste Laure Noualhat, documentariste Pierre André Juven, sociologue de la santé Cyril Pedrosa, auteur de bande dessinée Anne-Sophie Novel, journaliste Fabrice Flipo, philosophe Sophie Gosselin, revue Terrestres Maxime de Rostolan, fondateur de Fermes d’Avenir Frédéric Boone, chercheur en astrophyisque Vanessa Morisset, critique d’art et enseignante Federico Tarragoni, sociologue Sofia Meister, chercheuse IRD Lucie Davy, avocate membre du Syndicat des Avocat de France Annie Ghiloni, militante du MAN Louis-Marie Barnier, syndicaliste, sociologue du travail Lecomte Gabrielle, sociologue Antoine Back, conseiller municipal à Grenoble Léna Dormeau, chercheuse en philosophie politique Laurent Cauwet, auteur, éditeur Julien Théry, historien Anne Marchand, chercheuse en socio-histoire Fabrice Vigne, écrivain Rose-Marie Lagrave, sociologue Stéphane Douiller, professeur émérite de philosophie de l’Université Paris 8 Gérard Bras, philosophe Aurélien Gabriel Cohen, revue Terrestres, Université de Paris Philippe Boursier, professeur de SES Loïc Steffan, co-fondateur La Collapso Heureuse Pierre-Eric Sutter, co-fondateur de l’OBservatoire des VEcus du COllapse (OBVECO) Marie Didier, écrivain médecin Ana Rougier, journaliste indépendante Alexis Judic, artiste plasticien Roger Champ, militant de la Confédération Nationale du Logement Nelly Massera, artiste et réalisatrice Camille Riquier, scénographe Fred Ortuno, association Art Factories Étienne Ciapin, sociologue Anthony Laurent, journaliste scientifique, co-fondateur de Sciences Critiques Lola Ostier, médiatrice socio-éducative Patrice Bride, coopérative “Dire le travail” Anne Jollet, historienne Jean-Luc Gautero, enseignant-chercheur Raphaelle Doyon, maîtresse de conférences François Jacquet, ingénieur de recherche Gilles Guégan, scénographe-jardinier Cyril Piou, chercheur en écologie Agnès Valentin, comédienne Coraly Zahonero, comédienne Nicolas Le Coq, professeur des écoles Sandrine Costamagno, directrice de recherche CNRS Philippe Merlant, journaliste et conférencier gesticulant Grégory Poinsenet, cofondateur de Sorry Children Pierre Charrier, cofondateur de Sorry Children Fabienne Brugel, metteuse en scène Raphaël Sarfati, libraire Pierre-Jean Heude, régisseur Guillaume Bagnolini, philosophe Saskia Cousin, anthropologue David Dupuis, anthropologue et psychologue clinicien Delphine Schmoderer, plasticienne Josépha Dirringer, juriste Makis Solomos, musicologue Leïla Frouillou, sociologue Igor Babou, professeur à l’université Paris Diderot Stéphane Bikialo, enseignant-chercheur en littérature Gwen de Bonneval, auteur de bande dessinée Bernard Schéo, enseignant-chercheur Olivier Roueff, sociologue Sidi Mohammed Barkat, enseignant-chercheur Guillaume Lecamus, metteur en scène Stephen Bouquin, sociologue Sarah Mekdjian, enseignante-chercheure Myriem Augier, sociologue Hélène Tordjman, économiste Kolja Lindner, politiste Antoine Leblois, économiste Solène Derrien, plateforme pyrénéenne d’observation atmosphérique Laurence Protteau, sociologue Laurence Charlier, anthropologue Mari Oiry Varacca, géographe Clément Barthélémy, docteur en écologie Jean-Michel Hupé, chercheur CNRS en neurosciences et écologie Mattia Paco Rizzi, architecte Denys Piningre, cinéaste Rosemary Faulkner, traductrice Pascal Maillard, univesitaire et syndicaliste Othmar Eipeltauer, paysan arboriculteur François Gèze, éditeur Christelle Rabier, maîtresse de conférence Pierre Lénel Sociologue Rada Iveković, universitaire Julien Wosnitza Fondateur Wings of the Ocean Thomas Berther, fédération Habicoop Nicolas Voisin, La Suite du Monde Christophe Masutti, chercheur Stuart Pluen Calvo, éditeur Audrey Boulard, le Vent se Lève Floryan Reyne, naturopathe Chantal Charlot, formatrice Sonja Dicquemare, architecte enseignante Samuel Pinaud, sociologue Françoise Bressat-Blum, présidente de l’Université Populaire de Lyon Philippe Arnaud, co-secrétaire de Solidaires 33 Anne Macou-Lescieu, el’cagette Roubaix Adèle Cassigneul, chercheuse Mikael Motelica, enseignant-chercheur Philippe Birgy, enseignant-chercheur Claude Crestani, psychologue du travail Maria da Fonseca, enseignante-chercheuse Brian Padilla, écologue Philippo Michel, association LESA Frédéric Verhaegen, université de Lorraine Guillaume Pellerin, physicien et informaticien Marjorie Keters, association ACIDES Agatha Frankowska-Thuinet, professeur des écoles Sophie Hoarau, comédienne Benoît Hodeu, archéologue Emmanuel Ferrand, association La Générale Sarah Labelle, maîtresse de conférence Jean Fauché, pour Alternative et Autogestion Philippe Eustachon, metteur en scène Tunvezh Gwlagen-Grandjean, journaliste radio Amel Dahmani, secrétaire de Sud Collectivités Territoriales Florence Vallero, intermittente du spectacle et auteure Cyril Dutech, chercheur en biologie évolutive Anthony Pecqueux, sociologue François Piquemal, enseignant en lycée professionnel Jean Bourdoncle, animateur de Lien et Changement Laurent Eyraud-Chaume, comédien Anne Isla, économiste Jérémy Bonner, enseignant Frédérique Bey, ingénieure Julien Jourdan, enseignant Stéphane Pauvret, artiste scénographe Étienne Gérard, sociologue Marie-Paule Frisot, trésorière du Man Moselle Katja Ploog, enseignante-chercheuse Anne-Emmanuelle Berger, universitaire Josiane Bru, anthropologue Jim Petit, musicien Sibylle d’Orgeval, réalisatrice Catherine Scheer, anthropologue Antoine Lamer, Data Scientist Nicolas Paris, informaticien Stéphanie Mariette, chargée de recherche à l’INRAE Marina Sou, pour Libres Apprenants du Monde Frédéric Bourdon, conseiller municipal de Vitry-sur-Seine Jules Desgouttes, coordinateur de Art Factories Hélène Oblet, ingénieure territorial Marie Cuillerai, professeure des universités Nadine Forte, enseignante Françoise Bénet, professeur de danse Jacques Pabst, comédien Monique Dental, réseau féministe Ruptures Franck Gaudichaud, enseignant-chercheur Thierry Élias, docteur en optique-atmosphérique Philippe Élusse, réalisateur Laure Teulières, historienne Jimmy Markoum, enseignant Marc Pion, paysan gesticulant Martine Minne, pour Attac Flandres
Cette tribune est publiée simultanément sur plusieurs médias : Médiapart, Reporterre, Bastamag, Lundi-Matin, Terrestres, Politis,Rapports de Force, Mouvements, Regards et Contretemps
La remise en cause du progrès infini du genre humain est en marche. Le progrès, qui était une caractéristique de la gauche politique et sociale, est battu en brèche par les découvertes effarantes du gouffre dans lequel le néolibéralisme mondialisé précipite la planète entière: le réchauffement climatique, l’eau de plus en plus rare, la biodiversité qui s’effondre, les guerres interminables, les migrations des plus faibles … La crise sanitaire actuelle peut-elle nous faire prendre conscience de cette situation ? Sommes nous à l’aube d’une révolution ou d’un effondrement ? Le train lui est en marche. On peut lire le texte ci-dessous. Bonne lecture. Caillou.
Geneviève Azam : « Ce virus illustre la fin d’un monde »
La crise du coronavirus montre les limites de la mondialisation. Mais selon l’économiste Geneviève Azam, aucune solution ne sera efficace sans une remise en question globale.
Une épidémie aura donc eu plus d’écho que le discours altermondialiste, martelé depuis plusieurs décennies. La mondialisation est enrayée et le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, prône désormais la relocalisation des chaînes de production stratégiques, dont certaines ont été délocalisées il y a seulement quelques années. Selon Geneviève Azam, également militante chez Attac et chroniqueuse pour Politis, ces quelques annonces ne suffisent pas. Si le monde est malade du néolibéralisme, il l’est surtout de son rapport au vivant, trop souvent négligé au profit… du profit.
Quelle radiographie le Covid-19 fait-il de la mondialisation ?
Geneviève Azam : On voit l’effondrement des bourses, les difficultés des entreprises, qui pointent les problèmes de la mondialisation et de la dépendance. C’est le symptôme d’une organisation du monde qui peut favoriser la prolifération de ce type d’événement et en faire un événement global et incontrôlable.Cela fait quarante ans que nous sommes sous un régime de globalisation économique absolument forcené avec l’intensification des échanges lointains, de la concurrence et des délocalisations. Un chiffre qu’on a donné est très parlant : 80 % des principes actifs des médicaments sont importés de Chine et d’Inde, contre 20 % il y a trente ans. On entend aujourd’hui qu’il s’agit d’engager une sorte de protectionnisme sanitaire et de relocaliser. Cependant, ce qui est en jeu, c’est bien sûr la globalisation, la délocalisation d’industries polluantes (on le dit peu), mais aussi la modification de notre rapport à la santé. Si on a pu autant délocaliser, c’est parce qu’on a simplifié les besoins de santé, les besoins sanitaires, réduits à un capital santé et à la production de quelques molécules par l’industrie chimique. Au nom d’une vision économique et industrielle, on a simplifié ce qu’est la santé des populations et détruit les barrières biologiques présentes dans la nature.
Plus qu’un nouvel ordre économique, le coronavirus permettrait donc de mettre l’humain au centre des préoccupations ?
Le Covid-19, une maladie aussi économique
La baisse des exportations mondiales se chiffrerait à hauteur de 320 milliards de dollars de biens et de services en un trimestre, selon l’assureur Euler Hermès. C’est environ ce qu’avait coûté en un an la guerre commerciale sino-américaine.
350 000 conteneurs ont été retirés du marché selon l’International Chamber of Shipping, alors que la Commission européenne indique que les départs de conteneurs depuis la Chine ont été réduits de moitié ces quatre dernières semaines. Mardi 10 mars, une reprise « encadrée et limitée » du trafic reprenait toutefois en Chine.
Dans le transport aérien, Air France enregistre une baisse de 7 % de son activité, et les réservations sur les lignes du groupe ont chuté de 70 %. Selon Le Monde, une note d’information envoyée aux salariés les inviterait à « prendre des congés sans solde ou à anticiper leurs vacances ».
En Chine, les particules fines dans l’air ont diminué de 20 à 30 % au mois de février par rapport aux trois dernières années. Une fois l’épidémie maîtrisée, une reprise de l’activité accrue pourrait toutefois annuler cette amélioration.
Après une baisse de la demande pétrolière de la Chine, l’entente des producteurs de pétrole volait en éclats et le prix du baril s’effondrait ce lundi 9 mars, passant sous la barre des 30 dollars, avant de rebondir. Combiné à la poursuite de l’épidémie, le phénomène entraînait une dégringolade des indices boursiers d’environ 7 % en moyenne. Pour la première fois depuis 2008, un coupe-circuit, gelant les échanges quelques minutes, a même été déclenché à Wall Street.
Tous les secteurs ne sont néanmoins pas perdants. Dans certains pays comme la France, l’Allemagne et surtout l’Italie, la consommation des produits de première nécessité a explosé tout comme le e-commerce.
Pas seulement l’humain, le vivant ! On se rend compte de notre vulnérabilité et de la nécessité de barrières protectrices. Mais lesquelles ? Des barrières protectrices face à l’expansionnisme capitaliste, à sa conquête violente du vivant et pas seulement des droits de douane sur tel ou tel produit. Les virus passent les frontières. Il faut donc revenir à l’idée que nous sommes pris dans un tissu complexe de vivants. Et si nous fracturons ce tissu pour se l’approprier, nous nous exposons à ces menaces. On dit que le coronavirus est transmis aux humains par la faune sauvage. Or nous avons massivement détruit les habitats du monde sauvage, nous avons anthropisé la Terre. L’humain est partout, si bien que les barrières biologiques avec le monde sauvage sont rompues. Cela accroît les potentialités de ce type de virus.
S’arrêter à un questionnement purement économique occulterait donc les aspects écologiques nécessaires pour résoudre cette crise ?
Je suis bien sûr convaincue de la nécessité d’une relocalisation et d’une reterritorialisation des activités. Mais comment et lesquelles ? C’est une question politique. Par ailleurs, qu’est-ce que la santé quand les résistances immunitaires des humains sont dramatiquement diminuées avec les perturbateurs endocriniens, la consommation à outrance d’antibiotiques, une alimentation industrielle polluée et appauvrie, avec les perturbations climatiques et une vie rivée à des écrans ?
Pourtant, l’actuelle remise en cause du système a du mal à dépasser l’aspect économique…
Oui parce qu’il y a des intérêts très forts et un formatage de la pensée. Avec des effondrements boursiers, des problèmes d’emploi, la difficulté d’organiser une production globalisée, où des pénuries à certains endroits bloquent toute la chaîne de production, devient évidente. En se globalisant le système s’est aussi fragilisé. D’où la panique des puissants.
Qu’est-ce que cette crise peut ouvrir comme perspective ?
Espérons que nous allons en tirer les leçons. J’en doute du côté des institutions actuelles. L’Union européenne vient de signer un accord de libre-échange avec le Vietnam. La Chine est devenue plus chère, il y a donc encore la possibilité de délocaliser dans des pays plus « compétitifs ». Il faudrait donc remettre sur la table tous les accords de libre-échange négociés avec l’Asie, l’Afrique ou l’Amérique. Mais relocaliser, encore une fois, pas pour faire la même chose et de la même manière. De nombreuses expériences et résistances de base ouvrent dès à présent des voies en ce sens. C’est la reconstruction de milieux de vie, la communalisation de l’eau, des semences, de la terre, c’est le soin apporté au vivant, humain et autre qu’humain.
Bruno Le Maire parle de réguler, de relocaliser les secteurs stratégiques et dit qu’il y aura un avant et un après cette épidémie sur l’organisation de l’économie. Cela ne témoigne-t-il pas d’une prise de conscience ?
Oui, il parle. Quelle relocalisation ? Trump aussi « relocalise ». Mais s’il s’agit de faire du Trump, bon… On aura des relocalisations compétitives et nationalistes sans répondre aux défis terribles qu’on a devant nous. Un exemple, ce sont les terres rares (1). La plupart des terres rares exploitées sont situées en Chine. Si nous voulons relocaliser, nous le pouvons car il y a des terres rares dans la Méditerranée. Quelle est la solution ? Aller les chercher dans la Méditerranée ? Laisser ces activités polluantes à la Chine ? Ou bien poser en amont la question du modèle industriel dévoreur de ces terres et de la santé des populations ?
Ces changements promis peuvent-ils s’inscrire sur du long terme ?
Le débat présent est centré sur l’organisation dans la panique d’une réponse sanitaire et bien sûr économique. C’est-à-dire sauver les meubles, car ils ont perdu des leviers. Les chaînes de production mondiales sont tellement imbriquées, que ce ne sont pas les discours martiaux de M. Le Maire qui vont permettre l’arrivée des pièces manquantes dans tel ou tel secteur.
Néanmoins, je crois que ce virus illustre la fin d’un monde. Toutes les promesses du néolibéralisme se sont cassé la figure. On arrive à l’étouffement du monde globalisé. Qui pourrait parler avec Alain Minc de « mondialisation heureuse » ? Et, surtout, le discours biologisant du néolibéralisme, avec pour maîtres mots l’adaptation, la mutation, la compétition, la sélection, et pour promesse majeure l’amélioration de la santé et de la vie, est par terre. Ce virus est aussi le symptôme d’une dévitalisation profonde dans tous les domaines, du travail aux milieux de vie. Il peut en rester cependant le renforcement d’une gestion biopolitique des populations, appuyée par les algorithmes, avec contrôles, confinements, tris, autorépression.
On parle de santé, d’écologie, d’économie, mais cette épidémie a-t-elle également une dimension sociale ?
Aux États-Unis, 28 millions de personnes n’ont aucune protection sociale. Ces personnes ne peuvent pas être remboursées des coûts du dépistage, qui peuvent osciller entre 2 000 et 4 000 dollars. Or si des personnes ne peuvent pas faire le test parce que c’est trop cher, ça renforce le risque de propagation du virus. C’est plus qu’une dimension sociale, ce sont des choix politiques et éthiques d’organisation des systèmes de santé.
En englobant tous ces aspects, le coronavirus peut-il permettre un déclic ?
J’étais à Toulouse dans la manifestation des femmes pour le 8 mars. Tonique et vitale. Le coronavirus était ironiquement présent. Une manière de déplacer les peurs et d’identifier les menaces.
(1) Les terres rares sont un groupe de métaux (scandium, yttrium, lanthanides), très utilisés dans de nombreuses industries, en particulier la téléphonie mobile, l’électroménager et les éoliennes.
Geneviève Azam Chercheuse à l’université Toulouse-Jean-Jaurès.
Depuis quelques semaines, avec cette épidémie qui arrive, une chanson me trotte dans la tête. C’est mon père qui la chantait. En voici les paroles:
Dans la campagne verdoyante Le train longeant sa voie de fer Emporte une foule bruyante Tout là-bas, vers la grande mer Le mécanicien Jean, sur sa locomotive Regarde l’air mauvais Blaise, le beau chauffeur La colère dans ses yeux luit d’une flamme vive De sa femme chérie, Blaise a volé le cœur !!
Roule, roule, train du plaisir Dans la plaine jolie Vers ton bel avenir D’amour et de folie L’homme rude et noir qui conduit Cette joyeuse foule Sent de ses yeux rougis Une larme qui coule
Des heureux voyageurs, on entend les refrains Suivant les rails et son destin C’est le train du plaisir qui roule
Le pauvre Jean, perdant la tête, Rendu fou par la trahison, Sur son rival soudain se jette Criant :”Bandit, rends-moi Lison !”
Le chauffeur éperdu fait tournoyer sa pelle Jean lui sautant au cou, l’étrangle comme un chien Et tous les deux rivés par l’étreinte mortelle Tombent de la machine, abandonnant leur train ! Roule, roule, train du malheur Dans la plaine assombrie Roule а toute vapeur D’un élan de folie
Les paysans, saisis, te voyant Tout seul fendant l’espace Se signent en priant Et la terreur les glace ! Des heureux voyageurs on entend les refrains Suivant son terrible destin C’est le train du malheur qui passe .
Tiens, la chose est vraiment bizarre On devait s’arrêter ici ! Le train brûle encore une gare Ah, ça, que veut dire ceci ? Alors du train maudit, une clameur s’élève On entend des sanglots et des cris de déments Chacun revoit sa vie dans un rapide rêve Puis c’est le choc, le feu, les appels déchirants
Flambe, flambe, train de la mort Dans la plaine rougie Tout se brise et se tord Sous un vent de folie Les petits enfants, leurs mamans S’appellent dans les flammes Les amoureux râlant Réunissent leurs âmes
Pourquoi ces pleurs, ces cris, pourquoi ces orphelins Pour un simple, un tout petit rien : L’infidélité d’une femme !
Le Train fatal est une chanson française de Charles-Louis Pothier dont la musique a été composée par Charles Borel-Clerc. Elle a été interprétée pour la première fois en 1916 par Adolphe Bérard. Et si on enlève le thème (vieillot et sexiste) de la femme infidèle pour ne garder que la fuite éperdue vers l’effondrement collectif et la mort cette chanson parle tout a fait de ce que nous sommes tous en train de vivre. Caillou, le 19 mars 2020
Et un grand merci à Robert qui m’a permis de remettre cailloutendre sur ses rails
Samedi 7 mars 2020, dans le Tarn et Garonne à la gare de Borredon.
En 1939, c’est là que discrètement, loin des villages où les autorités pouvaient craindre l’émotion des voisins, l’Etat français déversait les soldats vaincus de la République Espagnole: pour désengorger les camps du Roussillon, Argelès, St-Cyprien, Le Barcarès, Rivesaltes, et pour les enfermer derrière les grillages du Camp de Jude à Septfonds.
Pour beaucoup ce fut l’antichambre du camp de concentration nazi de Mauthausen.
Nous faisons le chemin que ces prisonniers devaient emprunter, sous bonne garde, pour rejoindre le camp.
Une petite troupe marche dans la campagne. Un drapeau catalan…
Le temps est changeant. Presque froid et venteux et puis parfois des éclaircies et un soleil qui réchauffe. Alors on se regroupe, on chante.
Le drapeau de la République espagnole.
Et on repart.
Mais pour moi le cœur n’y est pas. Je m’attendais à une grosse mobilisation. A une arrivée massive de gens indignés par l’insulte faite à la mémoire des camps d’internement. Et nous ne sommes pas très nombreux. Une grande partie venue d’Espagne, des Asturies, de Madrid, de Catalogne et d’autres de plus près. Mais qu’un industriel veuille répandre des tonnes de lisier de cochon juste en face d’un mémorial ne semble pas soulever une colère locale. Triste époque!
Au fond de la prairie les bâtiments de la porcherie industrielle de 10 000 cochons sont déjà construits. Devant, sur cette étendue verte où se trouvait le camp de Septfonds en 1939, vont s’étendre les tonnes de lisier.
Sur une petite colline, voilà tout ce qui reste pour la mémoire. Un monument, des panneaux d’explications, quelques photos.
Vient le temps des discours…
Vient le temps de la colère et de la honte.
Cela peut paraître de l’Histoire mais ce qui se passe en ce moment avec les migrants aux portes de l’Europe et des Etats-Unis relève de la même colère et de la même honte. Les puissants, qui nous dirigent, préfèrent toujours l’Économie (le lisier de porc) aux valeurs d’humanité dont pourtant ils se gargarisent.
Le silence des médias français sur ce qui se passe en Algérie en ce moment est assourdissant. Pourtant le mouvement (HIRAK) continue, tous les vendredis, et les arrestations se multiplient.
NIME est un artiste et un brillant manager d’une célèbre agence de communication dans la wilaya d’Oran.
Mardi après-midi, des éléments des services de sécurité ont débarqué dans son bureau et saisi tout son matériel informatique.
Durant son interrogatoire, son facebook a été ouvert et son smartphone décortiqué.
Les services ont tenté de savoir quels étaient ses accointances politiques comme si le désir de liberté était un crime puni par la loi.
Il lui est reproché d’avoir croqué quelques personnalités influentes de la junte militaire et politique qui ont spolié les Algériens de leur soif de démocratie. Il sera présenté aujourd’hui au procureur. NIME EST INNOCENT DE VOS INDIGNITÉS, IL EST UN ARTISTE TALENTUEUX, IL EST UN ESPRIT LIBRE D’ALGERIE !LIBÉREZ NIME, LIBÉREZ LES DÉTENUS POLITIQUES, ILS SONT LA DIGNITÉ DE L’ALGERIE !
Selon le Comité National pour la Libération des Détenus (CNLD),
l’artiste Abdelhamid Amine a été arrêté le 26 novembre 2019 dans les locaux de son agence de publicité et son matériel a été saisi.
Il a été présenté ce jeudi 28 novembre devant le procureur du tribunal de la Cité Djamel d’Oran et a été placé en détention provisoire.
Les charges retenues contre lui seront précisées lors de l’audition du 5 décembre prochain.
Toujours selon le CNLD, son arrestation serait relative à la publication d’œuvres de caricature politique dont celle ci-dessous publiée le 3 novembre, intitulée « L’élu ». Évoquant le roman « Cendrillon », elle représentant les cinq candidats à l’élection présidentielle prévue le 19 décembre 2019 et le Chef d’Etat-Major Ahmed Gaïd Salah chaussant Abdelmajid Tebboune, l’un des candidats à l’élection. En arrière-plan, on aperçoit la silhouette du président sortant, Abdelaziz Bouteflika.
Cartooning for Peace suit de près la situation de l’artiste et attend l’audience du 5 décembre pour connaître la raison de son incarcération et pour connaître les charges qui sont retenues contre l’artiste.
Sur l’histoire des Merlinettes, j’ai reçu une lettre formidable
et j’en fait part, avec leur accord…
Elle m’a été envoyée par l’Association de la Guerre Electronique de l’Armée de Terre.
Voici ce que nous savons sur la Cie 808:
Cette Cie fut créée le 1er avril 1943 à partir du Groupement des contrôles radioélectrique (GCR) d’Alger. L’origine de cet organisme remonte au 9 août 1940 (créé par le général Weygand) par le regroupement des éléments et des personnels assurant les écoutes et la radiogoniométrie du temps de paix et du temps de guerre.
Cette Cie participe à la campagne d’Italie au sein des éléments de réserve générale du commandement du Corps Expéditionnaire Français (CEF). Sa tache consiste à rechercher des renseignements par l’écoute et la localisations des stations et des réseaux radio de l’ennemi. Au cours de cette campagne, elle sera renforcée et morcelée selon les besoins opérationnels pour être enfin réorganisée le 1er janvier 1944 en 3 unités.
La 808 CER (Cie Écoute et Radiogoniométrie) en Italie, la 828 SER (Section Écoute et Radiogoniométrie) à Hydra en Algérie et la 838 CER à Oran.
La 808 CER débarque en Provence le 16 août 1944 et suivra l’Armée du Général de Lattre jusqu’au bout de son périple en Allemagne et en Autriche. Elle sera dissoute le 1er mai 1945 et la plus part de ses personnels dirigés sur Paris pour affectation au GCR reconstitué début 1945. Quelques uns seront affectés à la Compagnie de Transmissions 815 à Berlin pour effectuer le même travail et un petit nombre de spécialistes seront regroupés avec les autres compagnies de réserve générale pour former le 18ème Régiment de Transmissions en Allemagne.
Ce 18ème RT prendra l’appellation de 42ème RT le 1er juillet 1947. Le reliquat de la 808ème CER donnera naissance, plus tard vers 1949, au sein de la 3ème Cie du 42ème RT à une unité écoute et gonio dont la filiation en ligne directe débouchera sur le 44ème RT aujourd’hui stationné à Mutzig.
Cette Compagnie 808 est considérée comme l’unité mère de toutes les unités de “Guerre Électronique” militaires de l’Armée de Terre (le GCR étant sous la tutelle des services spéciaux).
En ce qui concerne les Merlinettes, en fonction de leur formation, il existe 2 filières.
D’une part, celles qui se sont engagées dans le tronc commun des transmissions, formées sous l’autorité du capitaine COT et de madame TRABUT.
D’autres part, celles qui se sont engagées ou ont été reversées (après les tests d’aptitude) au GCR pour devenir des opératrices d’écoutes, des secrétaires d’analyse ou des interprètes / traductrices. Ces dernières furent assujetties au secret le plus absolu sur leur travail et quasiment aucune n’a transgressé ce contrat même dans les quelques textes mémoriaux qu’elles produisirent!
Les Merlinettes de ces unités (808,828 et 838) furent employées dans de nombreux cas, notamment en Italie, aux postes les plus avancés, parmi les équipes d’observateurs d’artillerie ou camouflées dans des ruines au plus près des lignes ennemie afin de capter ou de traduire les messages des radios à très courte portée en VHF des Allemands.
Cette activité d’espionnage de l’adversaire ne s’arrête jamais, 24 heures sur 24, le casque d’écoute sur les oreilles. Aucun bruits, aucun son, aucune conversation ou aucun appel ne dois échapper à l’opérateur ou l’opératrice. Il faut se faire remplacer pour aller faire pipi ou quoi que ce soit d’autre durant son temps de veille qui dure en moyenne 6 à 8 heures.
Quelque soit l’inconfort des lieux, il faut rester discret, ne pas faire de bruit, ne pas quitter son poste, supporter le bruit de fond permanent du spectre radioélectrique directement dans ses oreilles et manger froid car la fumée, de la nourriture ou de la cigarette est prohibée.
A l’arrière, durant son temps de repos, non seulement il ne faut pas trainer pour les taches quotidiennes (repas, toilettes, lessives et entretient des matériels ou de l’armement) mais il faut aussi se taire! Pas de conversation en société sur l’activité passée, pas même avec une autre membre de l’équipe car il peut toujours se trouver une oreille indiscrète.
Si vous ajoutez à tout cela les problèmes inhérents aux personnels féminins (promiscuité avec les hommes, toilette et lessive intime chaque mois et quelques particularités du paquetage non fournies). Un accueil particulièrement exécrable de la population Française qui les considère comme des filles à soldats ou des paillassons d’officiers alors que tous les hommes étaient accueillis en Héros. Il faut reconnaitre chez ces jeunes femmes des sacrés doses de courage, d’abnégation et de vaillance que l’on croisent rarement chez les hommes.
A toutes ces Merlinettes et plus particulièrement à celles des compagnies 808 et consoeurs, nous devons un éternel respect, une immense reconnaissance de leurs actions et la sauvegarde illimitée de leurs mémoires!
Bien malheureusement, aucun livre digne de ce nom n’a encore été publié sur leur histoire et même dans les derniers ouvrage parus elles ne font l’objet que de quelques lignes souvent truffées d’erreurs.
J’espère vous avoir apporté quelques précisions bien peu connues sur les quelques années de conflit auxquelles elles ont participé. Ces femmes, dont votre maman, furent des soldats remarquables dont le travail à permis d’épargner de nombreuses vie en décelant chez l’ennemie avec quelques heures, voir quelques minutes d’avance les choix d’attaques ou de bombardements permettant ainsi de soustraire les soldats des lignes visées. elles ont également permis, en renseignant précisément le commandement Français sur les moyens et les potentiels de l’adversaire, de mener des attaques décisives ou de choisir des itinéraires improbables.
Notre association est en charge de la partie “historique et mémoire de la Guerre Électronique” par délégation du musée des Transmissions de rennes. A ce titre, nous sommes preneur de toutes copies de documents officiels ou personnels ayant trait à ce domaine.
Cordialement
Éric K.
Et sur l’association:
Depuis début novembre, notre association à participé à plusieurs expositions dans notre région, l’Alsace, pour les commémorations du 11 novembre 1918 puis pour le 75ème anniversaire de la libération de Molsheim et Mutzig (26/11) ou se situe notre siège social.
Lors de ces expositions, la fille d’une Merlinette de la 808 CER, madame Divo, résidant sur place à progressivement mis à notre disposition les archives de sa maman pour en faire des copies numérique. Puis elle nous à offert des pièces d’uniforme et enfin, prenant confiance, elle nous à remis hier les cahiers de route de sa maman contenant force détails, photo et descriptions.
Pour notre association c’est un peu comme si l’on gagne le gros lot du loto sans avoir joué! c’est Noël avant l’heure! Le GRAAL!
C’est aussi la récompense de 15 années de recherche sur la Guerre Électronique Française qui elle aussi n’a pas d’histoire et aucune publication.
Enfin nous allons pouvoir donner corps et âme à ces jeunes filles qui, par devoir, sont restées d’une discrétion infinie sur les plus belles pages d’une histoire extraordinaire qui mérite de sortir au grand jour. Je vous joint deux photos de Merlinette: la première, en tenue de sortie d’hiver, provient du musée de Clerval dans le Doubs, la deuxième en tenue de sortie d’été, sur une base d’uniforme des WAC US perçue fin 1943, est celle que nous avons reçu récemment de madame Divo.
Et bien merci pour ce travail de mémoire, un grand merci ! Caillou, le 28 novembre 2019
LE CRIME
Meurtre de Vanesa Campos au bois de Boulogne.
Cinq suspects mis en examen
Une travailleuse du sexe a été tuée alors qu’elle tentait d’empêcher plusieurs hommes de dépouiller un client dans ce haut lieu de la prostitution à Paris.