Le moral dans les chaussettes
La moustache cachée sous la couette
Je n’ai pas rêvé : je m’ennuie !
Pas de jardin, pas de semis.
Si je me lève et quitte ce bagne
Ce sera pour boire du champagne
Sinon, tant pis.
Ce texte est écrit avec une contrainte de 6 mots, donnés par Maryse: Chaussettes, semis, ennui, rêve, couette et champagne. Vous pouvez m’en envoyer 6 autres
Caillou le 26 avril 2020
Et un texte de Maryse:
Olympe.
Elle s’était traînée d’ennui toute la journée. Les godets alignés sur le balcon attendaient les semis qu’elle avait projeté de faire. Elle songeait à tous ces projets avortés, lovée sous sa couette, le moral dans les chaussettes. Elle éteignit la lampe ferma les yeux et pria Morphée de l’emmener au pays des rêves. Son souhait fut entendu. Soudain un bruit de bouchon qui saute, elle se réveille et se souvient qu’elle était au sommet de l’Olympe contemplant le monde, un verre de champagne à la main.
Salut
AHU Qu’est ce que tu dis ? AHU, HEDI AHU AUZI OK HE NE GONFRAN PAS Je te disais OK HA ON Comment ça va aujourd’hui ? KE DI TU ? Je te demandais comment cela allait aujourd’hui ? HE NE GONFRAN BA ! COMMENT TU VAS ! O BA LA BEN DE CRIHER. HE VOI BIAN KE ZA TEMMERD DE FENIR ME VOIR. Qu’est-ce que tu dis ? Monsieur vous mettez des postillons sur la vitre ! Remettez votre masque s’il vous plaît ! Mais mon père ne comprend pas ce que je lui dis.
Hein Papa ? Tu lis mieux sur mes lèvres ? Monsieur vous remettez votre masque immédiatement où j’appelle la police. J’ai remis mon masque et avec mon père, derrière la vitre en plastique, à l’entrée
de la maison de retraite, nous nous sommes parlés avec les yeux.
De toute façon il n’y avait pas grand-chose à se dire.
C’était le quarantième jour du confinement.
Ce texte est écrit avec une contrainte de 6 mots,donnés par Alain: Salut, ok, comment çà va, aujourd’hui ?
Vous pouvez m’en envoyer 6 autres
. Caillou, le 25 avril 2020.
Et le texte d’Annick
Okke-Corral
c’était son prénom.
Elle était native de l’Arizona
Et vivait en France
depuis 30 ans maintenant.
Salut ok salut ok salut ok
Le lendemain rebelote… et dix de der
500 fois par jour sur son téléphone
salut comment ça va aujourd’hui ?
du bas de la fenêtre, de l’interphone
couci coussa c’est l’âge
Ah ok salut
et comme ça les jours passaient
Pourtant, avec l’été, les sonneries s’espacèrent peu à peu
pour laisser place à un silence épais et poussiéreux.
Poissant comme la glue
Elle n’avait pas remarqué
que les gens étaient sortis de chez eux
trinquant et riant à la terrasse des cafés.
Lyne lisait déjà, avec passion, avec joie
ce bouquin oublié dans sa bibliothèque L’Illiade et l’Odyssée, en vers, traduit du grec
Par Victor Berard, en 12 pieds bien droits.
Ulysse dans les nuages, ouvrait des éclaircies
Homère y échangeait ses mirages à foison
Roselyne, confinée, vivait leurs émotions.
Très loin déjà, très loin, de cette pandémie
qui transforme le monde tout autour de son lit.
(Je remercie Tesson !)
Ce texte est écrit avec une contrainte de 6 mots,donnés par Roselyne: mirage, passion, joie, échange, éclaircie, nuage Vous pouvez m’en envoyer 6 autres. Caillou, le 24 avril 2020.
*Sylvain TESSON.
On peut encore regarder ce formidable documentaire sur ARTE, ici.
Et un texte d’Annick
La grenaille autre nom du fruit de la passion
transperce sans joie les corps depuis plus d’une semaine
Sautille, boîte, du rouge autour des yeux
Et change la plainte languissante des éclopées
en un chant doré et suave
qui attend l’éclaircie et le ciel bleu sans nuage
Et un texte de Maryse
L’ascension
Quand elle se réveilla,elle regarda par la fenêtre, les nuages recouvraient entièrement les sommets enneigés et le thermomètre indiquait moins 5. Elle enfila un vieux poncho et sortit dans la cour, le froid la saisit et elle rentra attiser le feu dans la cheminée. Tout en buvant son café, le chien couché près d’elle, elle se dit que si une éclaircie venait à déchirer le ciel, elle irait aujourd’hui les chercher. Elle avait promis de les lui rapporter en échange des délicieux fromages qu’il lui avait donnés la veille. L’ascension lui demanderait 3 heures. 10h sonnèrent au clocher de l’église. Elle sortit sur le pas de la porte et regarda le ciel. Patou leva le museau et déçu repartit se coucher au coin du feu. Elle se dit qu’il fallait calmer son impatience et décida d’aller dans la grange que sa passion pour les vieilleries avait transformée en un inextricable bric à brac. Gisaient là des vieilles casseroles. Les outils du grand père, des vieilles chaises à rempailler……elle passa bien deux heures à défaire des tas…….pour en refaire d’autres. Au final, rien n’avait changé, elle avait juste créé un nouveau bric à brac.
Quand elle ressortit dans la cour, elle leva les yeux et vit quelques déchirures dans le manteau nuageux. Elle regagna la maison, enfila des vêtements chauds, prit son bâton et dit “allez Patou, on y va”. Aussitôt le chien se leva et émit des jappements de joie à l’idée d’arpenter la montagne avec sa maîtresse. Elle prit le chemin derrière la maison. La neige était lourde et ralentissait sa marche. Tout en avançant elle levait les yeux au ciel et voyait les nuages s’effilocher de plus en plus. Au bout de deux heures, le sommet commença à se faire voir. Elle accéléra la marche de crainte que ce ne fut qu’un mirage et bientôt elle atteignit son but. Ils étaient là, étincelants sur la neige. Elle s’agenouilla, les cueillit délicatement et les rangea dans un petit sac. Chaque année elle refaisait inlassablement cette ascension pour quelques edelweiss.
En début de semaine, il faisait beau, je l’ai vu tondre sa pelouse, bien proprement. Sa voiture était confinée mais il en a bien fait le tour. Moi, j’étais sur mon balcon, désœuvré, et je le regardais allongé sur ma chaise longue, avec mon grand chapeau de paille, un bon livre et un whisky tourbé de 12 ans d’âge. Hier matin, je le vois ressortir de sa maison. Je croyais qu’il partait en promenade (1 heure et pas plus d’un kilomètre) mais je le vois armé d’un drôle d’engin. Je reconnais ce que, vulgairement, on appelle une poêle à frire, un détecteur de métaux. Et le voilà parti à faire des allers et retours sur son bout de terrain. Au bout d’un certain temps je le hèle : Holà voisin, que cherchez vous donc avec cet engin ? Il me regarde d’un œil triste et me répond : En tondant ma pelouse, j’ai perdu mes clefs de voiture.
Ce texte est écrit avec une contrainte de 6 mots, donnés par Jacques: Promenade, chapeau, poêle à frire, whisky, livre et chaise longue Vous pouvez m’en envoyer 6 autres.
Caillou, le 23 avril 2020.
Et la réponse d’Annick: Merci pour ce petit exercice quotidien
Près de la chaise longue restée pliée tout le printemps Les pages du livre s’envolent doucement Le verre de whisky à la main, la poêle à frire dans l’autre Elle ne sait plus ce qu’elle doit faire. Boire la poêle ou faire frire le whisky. Elle regarde autour d’elle, un peu perdue, un peu confuse. Prend son chapeau. La promenade du matin lui fera du bien. Elle lève la tête, les nuages avalent doucement les pages tend les mains, se retourne, se retourne de nouveau, surprise d’être là.
Magali, Joy, Sofia , Ludo… Prostitué·es, sans-abri, migrant·es… Dans la rue, les situations d’extrême précarité sont encore accrues par la crise sanitaire. Il faut d’urgence lutter contre les violences sexuelles et sexistes et obtenir de l’État trois garanties « droits et dignité ». Le réseau Zéromacho cosigne cette lettre ouverte adressée à Emmanuel Macron, Président de la République, Edouard Philippe, Premier Ministre, et Marlène Schiappa, Secrétaire d’État à l’Égalité Femmes-Hommes. Ce texte, initiative du Mouvement du Nid, est cosigné par les associations membres, comme Zéromacho, du collectif Abolition 2012.
Il y a une bonne cinquantaine d’années, j’allais souvent dans un restaurant breton qui se trouvait derrière la gare Montparnasse, dans le 14èmearrondissement, à Paris. Nous étions toute une bande. Certaines faisaient du Vo-Vietnam1, un sport de combat, pour pouvoir se défendre contre les fascistes d’Ordre Nouveau. Je crois que la salle de sport était dans le quartier. J’ai perdu de vue la plupart de mes camarades de l’époque. Déménagements, éloignements, ruptures, replis… Certains sont morts, d’autres m’ont déçu et on ne se parle plus depuis longtemps. Peu importe, c’était une bande de potes, garçons et filles, et dans mon souvenir c’est la bande qui me reste, plus que les membres qui la composaient. Je me souviens qu’on chantait des couplets de La belle Hélène2 à pleine voix dans les rues en sortant des bars, avant de se séparer pour prendre les derniers métros. Nous étions beaux et minces, sobres et militants (pas tous), mais aussi pleins d’envies, pleins de vie, et pas toujours sérieux. Il faut mettre tout cela au féminin, bien sûr. Elles étaient aussi nombreuses que les garçons. Bref, assez de nostalgie désuète, revenons à ce restaurant populaire où j’ai bu pour la première et dernière fois du chouchen3. Je n’avais pas de chien Je n’aimais pas le chou4 C’était chouette chez Laurette5 Chouchou6 c’était le nom d’un personnage de Salut les Copains dont on ne voyait pas les yeux. Et puis, toute cette période est partie dans la charrette du temps qui passe et ce n’est plus qu’un vieux chiffon sale dans mon cerveau-grenier. Mais quel rapport, me direz-vous, entre tous ces mots si disparates ? C’est qu’ils se bousculent en courant pour aller se réfugier dans un vieux restaurant de prolétaires bretons du 14ème, quelque part derrière la gare Montparnasse. Allez savoir pourquoi ?
1° http://vo-vietnam.org 2° De Jacques Offenbach 3° Une sorte d’hydromel bien sirupeux 4° Fleur, surtout en béchamel ! 5° C’est ce que chantait Michel Delpech quelques années plus tôt. 6° Chouchou
Ce texte est écrit avec une contrainte de 6 mots, donnés par Gaby: Chou, Chien, Chouette, Chouchou, Charrette, Chiffon Vous pouvez m’en envoyer 6 autres.
Caillou, le 22 avril 2020.
Et le texte d’Annick avec les mêmes mots:
Chouchou viens Pas toi le chien La charrette passe regarde Pas si près, on va nous voir ils ont embarqué le voisin chouchou ah ben j’ui avais bien dit chouchette Si tu dénonces comme ça tes voisins Ca va mal finir Regarde regarde… il a pas de masque Qu’est ce qu’on mange à midi des choux raves cuit au torchon chouchou Chouette chouchette
Un vent très chaud sur la sierra fait rouler les buissons de foin. Whooo whooo whooo Une poule s’échappe en caquetant, sur la rue endormie du bourg. Cattt Cattt Cattt Arrive alors le beau Pedro, armé de colts et sombrero. Il marche au milieu de la rue et ses éperons font Cling Cling Les volets claquent : Bing Blang, Bling Bling. C’est le retour du grand lourd. Ils se terrent les habitants. Et lorsqu’il ouvre les battants du saloon rouge de Claudine Chlank, Chlank Les 2 habitués le regardent. Les chaises raclent sur le plancher. Reeee, Reeee La patron moustachu se baisse pour attraper sa winchester Les deux vieux filent à l’arrière. Mais Claudine souveraine descend le grand escalier de fer Elle est belle comme un ouragan. Pedro demande un verre de bière Silence et soulagement ! Sous l’effet de la brise sèche, on entend le lustre qui vibre C’est du cristal. Diling Diling. Le patron pose son calibre. Le beau Pedro qui a 8 ans embrasse la chanteuse aux rubans. Dans ce jeu, c’est un vieux pépère qui s’embête et joue à l’écran.
Ce texte est écrit avec une contrainte de 6 mots, donnés par Claudine: Chaud, brise, cristal, dormir, poule et lourd. Vous pouvez m’en envoyer 6 autres.
Caillou, le 21 avril 2020.
Et le texte d’Annick, en réponse, avec les mêmes mots:
DORMIR comme une poule sur une patte d’un sommeil lourd et accablant des nuits agitées peuplées de spectres verts et rouges aux reflets de cristal tailladent chaque rêve en une multitude de tessons qui finiront à la poubelle ramassée dans la douce brise du matin par des mains gantées de plastique et des visages voilés plein de solitude et de colère.
Le poste radio dans la cuisine chante à pleins poumons.
Mais les transistors n’ont pas de poumons ! Pourquoi suis-je si préoccupé
par les poumons ce matin tandis que je beurre, solitaire, ma biscotte.
Voyage voyage
Plus loin que la nuit et le jour (voyage
voyage)
Dans l´espace inouï de l´amour
J’ai
l’air fin avec ma biscotte beurrée dans l’espace
inouï de l’amour à onze heures du matin dans ma robe de chambre pleine
de cheveux ! Plus de pain, presque plus de beurre et plus du tout de confiture.
Mon confinement, c’est l’hibernation de l’ours des montagnes ! Avec
l’odeur…
Voyage voyage
Plus loin que la nuit et le jour (voyage
voyage)
Ah oui,
là c’est sûr ! La nuit et le jour ? Je ne vois même plus la
différence entre l’un et l’autre, entre séries télévisées et chaînes d’infos en
continu… Elle continue :
Voyage voyage
Ne t’arrête pas
Au d´ssus des barbelés
Des cœurs bombardés
Regarde l´océan
Desireless, chantait ça dans les années 80. Sans
désir elle était ! Elle en avait de la chance ! Moi j’en ai des
désirs ! Je veux des fleurs, du parfum, un jardin et du vin…
J’ai
juste un tire-bouchon inutile qui traîne sur la toile cirée entre biscottes et beurrier.
Lire ? J’ai un bouquin que ma sœur m’a offert à Noël, où l’ai-je mis ? Ah le voilà, c’est Le parfum de l’Hellébore de Cathy Bonidan. J’irai faire des courses plus tard… Là, je me recouche !
https://www.babelio.com/livres/Bonidan-Le-parfum-de-lhellebore/900530 (Je précise que je ne l’ai pas lu et que ce sont les mots imposés qui me l’ont… imposé) Ce texte est écrit avec une contrainte de 4 mots, donnés par Bernadette: Parfum, hellébore, tire-bouchon, et voyage. . Vous pouvez m’en envoyer 6 autres.
Caillou, le 20 avril 2020
Et un autre texte envoyé par Annick
Hellébore quand il pleut a les cheveux en tire-bouchon Il voyage dans sa tête pleine de trous où ventent les parfums funestes de la désespérance et les bruits du silence qui s’insinuent fatalement cherchant ses pensées salies par les odeurs fétides du bitume.
Un autre texte, avec les mêmes mots, envoyé par Françoise: On n’était pas bien loin ... Avec mes 6 mots, j’ai écrit ça ...
Aïe ! Une douleur dans les reins au bout d’un bon moment de travail dans le jardin.
Elle se redresse doucement, plante la bêche dans la terre, pose ses deux mains en coque sur le haut du manche, et son menton par dessus.
Un instant reposer le dos, un instant laisser le regard voguer au devant de soi.
Regarder avec bonheur et gratitude les oiseaux, ceux qui s’abreuvent dans le lac tout proche . Ils se laissent porter par le vent, puis se jettent vers la surface de l’eau où ils viennent prendre un peu de quoi continuer le chemin, et d’un coup d’aile, repartent vers le ciel, légers et déterminés.
Ça ressemble à un poème, parfois à un mirage: c’est si rapide, si simple, si merveilleux...c’est déjà fini ?
Les yeux reposés reviennent vers le jardin. La main reprend la bêche, les jambes se replacent et le travail reprend . Il a tout son sens . Dans la fermeture de la terre, il y a toute l’ouverture de la vie .
Francoise
Et un autre texte envoyé par Annick
Depuis quelques jours les oiseaux s’en donnent à coeur joie Au milieu des aiguilles de pin qui jonchent mon balcon Le vent, violent, s’est levé et tourne en bourrasque et bourrisque les têtes échevelées et décérébrées Au loin, un mirage. Covid ne vois-tu rien venir ? Tandis que la bêche de bois attendrit le sol asséché La douleur et la perte avancent à grand pas vers le ciel Avant qu’une voix de stentor annonce la fermeture de Carrefour City plus tôt que prévu.
Le vent secoue les arbres, disperse un peu partout les fleurs des cerisiers. Le jardin est si blanc. Elle pourrait croirait qu’il neige. Demain il va pleuvoir, le vent va se calmer. Alors elle prend sa bêche. Pour préparer des lignes où elle ira planter ses semis de tomates. Les merles vont se cacher. Sous la haie. Ils attendent. La bonne terre tendre est un garde manger. Les oiseaux sont comme ça, ils mangent au bon moment ce qu’il y a à prendre et n’ont même pas idée d’en mettre de côté. (Depuis la Préhistoire les hommes prévoient, engrangent, les récoltes s’entassent, pour enrichir les uns, pour nourrir des armées !)
La ligne d’horizon au dessus de l’Ariège est fermée par la crête du premier grand coteau, dominée par un arbre très beau, comme un gardien, à l’entrée de Goyrans, en dessous des nuages. Ce n’est pas un mirage. C’est une vraie position. Un guetteur magnifique dominant la région. Si un jour ils le scient et l’abattent pour construire, la superbe villa d’un riche toulousain, (un docteur, un notaire, ou bien un PDG) elle vivra cette douleur si dure à oublier. Le temps des assassins se nomme immobilier. En attendant, elle est, toute seule, dans son jardin. C’est un matin d’avril et c’est autorisé.
Ce texte est écrit avec une contrainte de 6 mots, donnée par Françoise: Oiseau, vent, bêche, mirage, douleur et fermeture. Vous pouvez m’en envoyer 6 autres.