Archives de catégorie : Poésie

PARTIR, PARTIR ENFIN…

La ville artificielle
surpeuplée et brutale
est incivique et sale.
La voiture y est reine
les voyous sont légions.

Elle sent dessous les bras
la sueur de l’angoisse.
Les nuits y sont trop pleines
l’ivresse y est trop creuse
et les faussetés mêmes
des mensonges à soi-même…

Elle est comme un creuset
de toutes les espérances
mais elle meurt en même temps
de changer tout le temps
et bien plus vite qu’une vie
qui n’y compte
de toute façon
pour rien !

Caillou, juillet 2001

LA SEMAINE

Les lundis sont immenses et désolés, sauvages
Ils restent devant moi comme des plateaux sans fin
où le vent s’abrutit et cogne les nuages
où l’heure n’avance pas, où tout semble trop loin.

Les mardis sont sous terre. Je n’y vois plus le jour.
J’attends qu’un événement m’appelle à la surface.
Mais dans le ventre étroit où l’on devient comme sourd
le silence est si froid il m’enserre et me glace.

Les mercredis sont doubles, moitié de la semaine,
moitié de la journée, comme une respiration.
À peine comme un souffle dans le port de la chaîne
avant de revenir à ses macérations.

Les jeudis sont moins lourds car ils sont des guetteurs
à la proue de l’ennui ils voient surgir le jour
mais la mer est étale. Ce n’est pas encore l’heure
où l’on pourra hurler à la vie et l’amour.

Les vendredis sont fastes et remplis de promesses.
La main se fait plus vive, l’oeil se fait moins lourd.
Jusqu’à la délivrance je rêve à des caresses.
À ne plus travailler jusqu’à la fin des jours.

Caillou, le 21 février 2001

Y’a pas de mots pour ça !

Y’a l’État
l’état des lieux
les gens et leur misère.
Il y a les rois
il y a les gueux
qui consomment et se terrent.
mais qu’est-ce qu’on peut y faire ?
Y’aaaaa pas de mots pour ça.

Qu’est-ce que je crois ?
Qu’est-ce que je veux ?
Et dans quel état j’erre…
Qu’est-ce que je vois ?
qu’est-ce que j’y peux ?
Si tout ça m’désespère
Et puis à quoi ça sert ?
Y’aaaaa pas de mots pour ça.

Les mots sont froids
Les mots sont creux
On les tord, on les serre…
Ils sont sans voix
qu’est-ce que j’y peux ?
S’ils ne me servent guère
Je ne peux que me taire.
Y’aaaaa pas de mots pour ça.

Et du coup la suite est chantée en « yaourt »

Caillou, 1998 ou 99…

C’est une chanson de la Teigne avant qu’elle n’existe sous ce nom! Les paroles sont de ma pomme, par contre la mélodie vient d’une méthode d’apprentissage du saxo, qui n’en indiquait pas l’auteur. Je suis preneur de toute information sur cette musique: « Kenny il make it ». D’avance merci

VOYELLES

Le A limpide est un ciel bleu
l’été qui s’étend comme une plaine
un son qui s’entend comme un règne
la bouche ouverte… l’affirmation.

Le E muet est soumission
comme une eau profonde et subtile
partout présent, très utile
les lèvres en avant… c’est un don.

Le I du rire est un rebond
il est des danses et des grimaces
c’est le son dont on fait les farces
il fait sourire… c’est un garçon.

Le O est rouge, révolution
un feu qui gronde en son cratère
c’est un étonnement, la guerre,
le visage tonne… il est tout rond

Le U pur des réflexions
le crépuscule, la magie noire
le son qui pense, la mémoire
l’arrêt des gesticulations.

Caillou, juillet 1986…

PROCLAMATION

Devant la mode blasée
face à l’humour qui passe
avec les veaux bien cleans, les oreilles dégagées
leur Actuel triomphant, leurs p’tites annonces de cul,
leur disco sans paroles
cet art qu’ils ont de ne rien faire qui puisse les engager
je suis et je serai de ceux qui se passionnent
longtemps

Devant les abandons des ex qui cherchent des places
(un peu d’sécurité, on a déjà donné)
la pub à la radio pour ces ex-pirates
les ardents devenus journaleux chez Dassault
les casés, leurs combines, permanents attitrés
De toutes ces causes devenues raisonnables
face à ces futurs beaufs’
je préfer’ais toujours tous les poseurs de bombes
avec l’angoisse
avec la déception
avec la rage.
Même si c’est trop statique!
(N’est-ce pas, ça évolue. il ne faut plus cher ami, analyser la lutte des classes sur les seules conditions de paye et de travail, on intègre maintenant dans ces schémas simplistes un peu de questionnement sur les comportements!)

JE N’ÉVOLUERAIS PAS!

Je serais juif, arabe et noir et haïtien
Je serais l’honnête homme à qui on coupe le gaz
ou bien fils d’immigré, chômeur, paranoïaque,
exclu et asilaire,
et même l’enfant pleurant qu’il y a dans le K
mais je ne serai pas vautré dans l’indulgence
qu’on s’donne à quarante ans pour les actes de vingt!

Et c’est avec fierté
qu’à leur dédain gauchiste issu du désespoir
qu’à tous les ex recentrés
qu’aux nanas lutte de classes devenues séparatistes
qu’aux très bientôt bourgeois du papier ou des ondes
et qu’à tous les blasés qui courent dans les mouvances
j’annonce la couleur:
elle est rouge, elle est noire
et elle n’a qu’un seul nom:
Vive la révolution!

  • Le 24/10/1982
  • Dessin: Le temple de ZEUS à Olympie…olympiezeus

COMPAGNONS D’INSOMNIES


Aux fantômes décharnés, les yeux fixes, dantesques

aux chevaliers hirsutes, armés de mille éclats
aux moutons enragés chantants, ivres de joie
« nous ne sauterons pas »
aux enfants faméliques qui ne parleront pas
à mes guérilleros, aux combats dans la jungle
et à tous les passants oubliant tous leurs pas
je n’vous écrirai plus.

Aux temps toujours futurs qui ne viendront jamais
aux rives de tant d’espaces qui res’tront cloisonnés
aux monts de mes merveilles jamais réalisées
je n’vous écrirai plus.

Je n’en ai plus le temps, je ne pense plus qu’à elle
le temps me fait défaut de vivre ainsi mon temps
je n’ai plus d’insomnies, je ne dors pas assez
son lit est tellement grand, vous n’y pourriez rentrer
elle est, cela suffit. Vous n’êtes que des angoisses

Elle rit, cela tout contre vos mines à faire pleurer
vous étiez compagnons, elle fait partie de moi
Je ne lui écris pas!

Je lui dis, je lui pense, je lui joue, je lui danse
Elle est comme un pivot, vous m’étiez extérieurs
Elle est comme un palais reculé dans l’oubli
Vous étiez trop présents, je ne vous souvenais pas
Viendra peut-être un jour où je vous retrouv’rai
mais pour l’heure il me plait de lui dire que je l’aime
et quand elle me sourit…
vous êtes loin de moi.

Caillou 24/9/1982