Archives de catégorie : Mémoire

EUPHORIQUE

Un poème de Mad

Et la vie coulait, comme roule,

Au Pont Neuf, la Seine,
Bien large, douce, et pleine…

Il la voyait tous les matins,
La Seine
Et ça lui
faisait
Un cœur si
Léger
Qu’il dansait devant
Lui quand il marchait…

Il savait cela provisoire
Et que la Joie
ne fait jamais que suivre
La Tristesse,
La Liberté
Précéder l’Esclavage…

Mais, à cause de tout cela
Qu’il volait à la Vie,
Entre son Passé et son Avenir,
Il faisait danser sa joie dans sa main,
comme une pièce ronde et neuve,
Qu’il donnerait au premier pauvre,
lequel l’irait boire au premier café…

Madeleine. Rue Mazarine, janvier 47.

OH-OH-HOCHIMIN CHE-CHE-GUEVARA…

Je me souviens quand tu courais, le long du trottoir, pendant une manifestation contre la guerre du Vietnam. Des milliers de gens autour de nous hurlant : OH-OH-HOCHIMIN CHE-CHE-GUEVARA…  En sautant comme des fous. Et toi, Madeleine, ne pouvant pas courir avec tes talons, sautillant, à coté, sur le trottoir. Nous étions des milliers et je ne me souviens que de toi. Je me retournais pour voir si tu suivais. Nous étions en chaînes. Nous avions vingt ans. Nous allions détruire le vieux monde et tu étais avec moi ! Si tu savais ce qu’il est devenu le vieux monde !

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Militantisme ou temps perdu ?

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Une lettre de Madeleine, de 1949: Militantisme ou temps perdu ?

C’est dimanche, un dimanche comme les autres.
Voila juste 5 heures que tu es parti à ta réunion de cellule. Vers midi 30, après avoir lavé et nourri le bébé, j’ai sorti du feu mon riz cuit à point et je me suis mise à t’attendre. Depuis, de demi heure en demi heure, j’ai remis, ôté, remis sur le feu mon riz refroidi, brûlé, desséché, immangeable… Puis j’ai commencé à tourner en rond comme un lion en cage. Tu ne rentrais toujours pas; le bébé s’était mis à pleurer, de ce petit cri énervé toujours le même qui, doucement, tout doucement vous rendrait fou. Exactement au même rythme, ma rage commençait à tout envahir, à tout étouffer…

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Merlinette!

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Ta gourmette avec ton matricule gourmette-petit

C’est sur une photographie prise pendant le débarquement en 1944 sur une plage de Provence… un peu ridicules avec le casque de travers et ces énormes sacs à dos, les musettes, les pantalons trop larges… qu’apparaissent les premières femmes dans l’Armée Française. Et tu en étais.
Madeleine, Merlinette! C’était ta fierté mais tu n’en parlais pas, très peu. Juste l’œil un peu brillant, en 64, pour le vingtième anniversaire de la libération de Paris. J’ai retrouvé tes insignes, ton carnet de chants, quelques lettres, des photos, des cartes postales. J’ai reconstitué un peu de cette histoire oubliée : La France libérée par une armée d’arabes, de noirs, de métèques, de pieds-noirs, et… de femmes !

L’Armée d’Afrique ?
Si vous savez déjà tout sur l’Armée
d’Afrique, le C.E.F.I, la Première Armée Française, puis Rhin et Danube… vous pouvez sauter l’article suivant, en rouge, et passer tout de suite à l’article sur les Merlinettes, en vert.

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Orly

 

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Je me souviens.

À la mi-février 1962 nous sommes partis avec Denise, une de tes amies, dans sa voiture, pour aller chercher ta grand-mère maternelle à l’aéroport d’Orly. Elle était veuve depuis longtemps et avait vécu, dans un minuscule appartement au coin de la place du gouvernement, à Alger, juste en dessous de la casbah. Elle t’écrivait depuis 1952, et presque tous les jours, des lettres de plus en plus difficiles à déchiffrer, et aussi de plus en plus terrorisées par la guerre civile, les attentats, les meurtres. Ta grand-mère que tu appelais Mamichka. Continuer la lecture de Orly