Chapitre 11
Augustin Chavez se taisait, il avait allumé sa cigarette, les yeux dans le vague, face à la mer. Au loin, un grand bateau disparaissait dans la lumière rouge du couchant.
– Écoutez-moi bien jeune homme. Moi je vous comprends, vous cherchez votre oncle disparu, je veux bien répondre à toutes vos questions, mais il y a quand même un problème. Bien que tout ce que je vous raconte soit de l’histoire ancienne, vous remarquerez que je ne vous ai donné aucun nom. Oui il y a prescription, mais il vous faut bien comprendre que d’une certaine façon nous trahissions. Nous aidions l’ennemi. La France c’est mon pays d’adoption, elle n’a pas vraiment voulu de moi, je m’y suis réfugié sans avoir pour elle la moindre amitié. Nous avions même du mépris pour ce pays, ce pays des droits de l’homme, qui nous avait abandonnés en 1936, mais la France est devenue mon pays, quand même. Nous soutenions un idéal de libération des peuples colonisés, mais aux yeux de la police nous étions des traîtres. Nous étions passibles de la cour de sûreté de l’État. Quand je vois tout ce qu’ils ont essayé de faire à cet universitaire parisien qui, dans sa jeunesse, avait été dans les maquis vietnamiens, je me dis que les plaies, dans l’armée française, ne sont toujours pas refermées. Continuer la lecture de Disparaître en Indochine – 11 →