Tous les articles par Caillou

Hubris* en 35 m2

Le canapé est un château, si j’en tombe c’est les crocodiles, qui me mangeront en ratatouille.
Déjà des heures que ma Juliette, qui a 6 ans, chante en criant cette scie qui m’arrache la tête.
Sœur Anne ne vois tu rien venir ?  Je lui réponds de plus en plus faiblement : Je ne vois rien que le soleil qui poudroie et l’herbe… 

Depuis déjà plusieurs semaines nous avons les enfants dans le studio.  
Mais c’est quoi cette magouille ? Je lève les yeux de mon clavier. Elle me réclame de nouveau des chatouilles ? 
Son frère Arnaud attaque les murs, avec des feutres. Il gribouille. J’ai beau crier qu’il ne faut pas le faire, même avec des feutres lavables, il me faudra bien retapisser plus tard. Je ferais venir un artisan, à moins que je les pose moi-même tous ces rouleaux de papiers peints. Il faudra que je patouille dans la colle. Rendre le studio en état. 

Leur mère s’isole sous la douche, le seul endroit où l’on est seul, avec les toilettes bien sûr. Je repense au journal d’Anne Franck*où l’adolescente se moque de ce monsieur qui y passe des heures. 
Et moi j’essaie bien de bosser sur mon ordinateur rebelle mais le wifi se met en veille. 
Je n’en peux plus ! Des heures pour télécharger 2 feuilles A4 ! Le télétravail, facile à décider dans l’Olympe des dieux et leurs bureaux ministériels et bien plus difficile à mettre en place dans mon studio de 35 m2
Alors vivement qu’on sorte, tous les quatre, hurler dans la rue. 

* Hubris : Orgueil et démesure
* https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Journal_d’Anne_Frank#Personnages

Ce texte est écrit avec une contrainte de 6 mots, donnée par Yves:
Chatouille, gribouille, patouille, ratatouille, magouille et rebelle
Vous pouvez m’en envoyer 6 autres.

Caillou le 18 avril 2020

Et un autre texte envoyé par Annick

Pour la énième fois Gribouille grésille sur le disque usé
tandis que d’une main nonchalante, Elle gratouille le cou du chat
qui n’apprécie plus du tout les chatouilles depuis qu’Elle lui a interdit de sortir
De patouilles en ratatouilles, elle se dit qu’elle pourrait bien 
s’énerver, se révolter, s’anarchiser, mais ce n’est pas une rebelle 
et reprend d’une main nonchalante les gratouilles et les papouilles.

Derrière la fenêtre

Elle a le front posé sur le frais de la vitre. Elle observe la rue qui descend vers le fleuve. Il fait encore bien froid dehors et le soleil qui peine à percer les nuages n’a pas encore chauffé la ville qui s’éveille. Mais voilà les enfants qui partent pour l’école. Après ces longues semaines d’enfermement enfin pouvoir se retrouver. Elle entend les rires et les portes qui claquent. Elle suit de son regard les mamans qui les mènent, qui se saluent, heureuses, de pouvoir se revoir, échanger sur le temps, se donner des nouvelles… 
Une radio, derrière elle, lui parle de Christophe, celui qui vient de disparaître, ce chanteur marqué par les années d’excès. Il l’avait fait rêver, il l’avait fait danser, bien des années plus tôt quand elle dansait encore. Et on entend son chant qui prend bien tout l’espace, dans la chambre peut-être, surtout dans ses souvenirs.
Les enfants à l’école, la rue se met au calme. Les fenêtres ouvertes se parent de tous les draps. On aère. On secoue. Le printemps est partout. Les murs vêtus de brique se colorent en rouge sous la caresse chaude de ce très beau matin. Elle y voit un chemin. 
Comme un message, juste un moment de grâce. Sentir l’instant présent, en jouir pour ce qu’il est, sans chercher à le retenir. Tourner le dos, définitivement aux regrets qui la hantent. Ne plus se souvenir et ce matin, choisir enfin la vie. 

Ce texte est écrit avec une contrainte de 6 mots, donnée par Josette:
Soleil, chant, rouge, chemin, regrets, vie.
Vous pouvez m’en envoyer 6 autres.

Caillou, le 17 avril 2020

Première sortie

Le chemin sentait la noisette. Nous étions en octobre 2020 et pour la première fois l’homme sortait se promener, seul, dans ce bois, le long du fleuve. Âgé, grand, mince, il marchait un peu vouté, d’un pas lent, comme exténué par ces quelques huit mois d’immobilisation forcée. Sa marche était celle d’un grand convalescent faisant ses premiers pas dans les couloirs des hôpitaux. Les cheveux, très longs, cachaient son front et on ne pouvait voir que ses yeux puisqu’un masque en tissu lui mangeait littéralement le visage. 

Dans sa maison, pour fêter cette libération, ils avaient bu un peu de champagne en grignotant quelques toasts aux crevettes. La veille au soir, le président avait annoncé la levée partielle du confinement sanitaire au journal télévisé. Et ils avaient préparé cet apéritif pour en fêter le premier jour. Allait-on retrouver le sentiment de faire partie de la société ? D’être utile ? D’être fort ? Il ne le croyait pas. Presque certain que cette assignation à résidence avait cassé en lui bien plus que sa vitalité musculaire, il avait voulu sortir seul, pour la première fois. 

L’homme qui marchait dans le sous bois retrouvait cette sensation ancienne : la liberté, celle d’aller où il voulait. Mais il avait compris que cette liberté ne serait plus jamais, pour lui, associée à l’innocence et à l’inconscience de sa propre faiblesse. Il n’y aurait plus jamais de nudité face au soleil. 

Ce texte est écrit avec une contrainte de 6 mots, donnée par ma compagne: noisette, masque, champagne, crevette, nudité, soleil.
Vous pouvez m’en envoyer 6 autres.

Caillou, le 16 avril 2020

« Face à la pandémie, retournons la « stratégie du choc » en déferlante de solidarité ! »

Habits d’un médecin soignant la peste vers 1656
Gerhard Altzenbach • Public domain
 

Je relaie cette tribune et je signe cette pétition
car cela me paraît très important
pour la réflexion et l’action.
Caillou, le 22 mars 2020

https://covid-entraide.fr/signe-la-petition-pour-lentraide/

Face à l’ampleur du bouleversement provoqué par la pandémie Covid-19, près de 230 médecins, infirmiers, réanimateurs, paysans, artistes, chercheurs, scientifiques, syndicalistes, éditeurs et autres personnalités appellent à l’entraide et à l’auto-organisation dans cette période de confinement : « Il n’y aura pas de “sortie de crise” sans un bouleversement majeur de l’organisation sociale et économique actuelle » 
Depuis une semainela France est entrée dans une nouvelle réalité vertigineuse. Le Covid-19 n’est plus une « petite grippe », selon nos gouvernants, mais la « pire crise sanitaire depuis un siècle ». Un choc intime qui nous fait trembler pour nos proches et toutes les personnes particulièrement fragiles. Une secousse géopolitique qui fait s’effondrer la mondialisation néolibéralecomme un château de cartes. 2019 avait été une année d’incendies ravageurs en Australie, Amazonie et ailleurs, et d’immenses soulèvements populaires. 2020 a d’ores et déjà les traits d’une paralysie totale, une crise systémique majeure.

Cette pandémie achève de rendre irrespirable la vie dans un système politique et économique délirant, néfaste, mais surtout inutile au moment où un immense besoin de soin se fait sentir. Après être resté attentiste pendant un mois et demi, Emmanuel Macron a promis, pour ne pas perdre la face, que « l’État paiera […quoi qu’il en coûte ». La « mobilisation générale » est décrétée. « Nous sommes en guerre », paraît-il, contre un « ennemi invisible ».

Face à cette rhétorique militariste, nous affirmons une autre logique. À « l’union nationale » nous préférons l’entraide générale. À la guerre, nous opposons le soin, de nos proches jusqu’aux peuples du monde entier et au vivant. En France, comme dans les autres pays, nous allons tenir ensemble pour faire face à l’épidémie. Nous allons transformer l’isolement imposé en immense élan d’auto-organisation et de solidarité collective.

Avec nos voisin-e-s, nos ami-e-s, nos familles, nos proches, nos collègues ; dans nos immeubles, nos rues, nos quartiers, nos villes et nos villages ; notamment en utilisant les réseaux sociaux, nous allons construire l’entraide à la base. Pour aider les plus fragiles qui ne peuvent pas sortir à obtenir de la nourriture. Pour garder les enfants de celles et ceux qui doivent continuer de travailler. Pour partager des informations vérifiées sur la situation. Pour se donner des nouvelles et se réconforter dans cette situation déchirante. Pour soutenir les plus précaires dans leurs luttes pour vivre. Pour faire face à une crise économique, bancaire et financière qui s’annonce dévastatrice malgré les annonces faussement rassurantes des banques centrales. En restant chez nous pour le moment, mais dans la rue dès que possible.

Face à l’ampleur du bouleversement, même Emmanuel Macron appelle à « innover dans la solidarité ». Mais nous ne sommes pas dupes du fameux « en même temps » : l’entraide que nous construisons n’est pas l’auxiliaire d’un État néolibéral défaillant. Elle ne sera pas le cheval de Troie d’une future « stratégie du choc » à base de télétravail, de « volontariat citoyen » dans des services publics détruits, et de poursuite dans la destruction des acquis sociaux au nom de « l’état d’urgence sanitaire ».

Notre solidarité est celle du peuple, de ceux d’en bas, qui se serrent les coudes pour survivre et pour vivre dignement. Elle n’a rien à voir avec celle des élites mondiales – facilement dépistées, elles -, qui se retranchent dans leurs palais dorés, protégés et désinfectés pendant que les soignant-e-s sont « au front » sans moyens et fabriquent leurs propres masques de protection en prenant tous les risques.

Pendant que les travailleurs-euses et instituteurs-trices gardent leurs enfants, sans consigne officielle pour se protéger, s’exposant à une contamination. Pendant que les plus précaires, les sans logis, sans papiers, sans réseaux sociaux, les intérimaires sans chômages partiels, les « indépendants » contraints au travail en danger ou sans activité, seront encore plus frappé-e-s par la crise. Pendant que les « déjà confiné-e-s », les migrant-e-s enfermé-e-s en centres de rétentions et les prisonnier-e-s voient leur situation encore aggravée.

Jamais l’alternative n’a été si claire, le scandale si palpable : nous jouons notre vie pendant qu’eux gèrent l’économie.

L’entraide que nous allons construire s’inscrit dans le sillage du soulèvement des peuples partout dans le monde au cours des derniers mois, du Chili au Liban, de l’Algérie au Soudan. Cette vague a répandu sur la planète la nécessité de mettre nos corps en jeu. Le Covid-19 rend indispensable, pour l’heure, leur confinement. Mais révolté-e-s ou confiné-e-s, nous mourrons d’un système qui recherche le profit et l’efficacité et pas le soin, le pouvoir et la compétition et pas l’entraide.

Cette épidémie ravageuse n’est pas une simple réalité biologique. Elle est amplifiée par les politiques néolibérales, la destruction méthodique de l’hôpitalet de l’ensemble des services publics. Si ce virus tue autant, c’est aussi parce qu’il n’y a plus assez de soignant-e-s et de lits, pas assez de respirateurs ou parce que l’hôpital tend à devenir une entreprise à flux tendu. Et si nous applaudissons chaque soir à 20h les soignant-e-s, c’est aussi pour contenir notre colère contre les gouvernant-e-s qui savaient que la tempête arrivait depuis deux mois sans rien faire.

Nous appelons donc à renforcer la solidarité et l’auto-organisation pour faire face à la pandémie et la crise systémique, partout où c’est possible, sous toutes les formes imaginables, tout en respectant la nécessité absolue du confinement pour freiner la propagation. Plus particulièrement, nous appelons à rejoindre le réseau de solidarité auto-organisé #COVID- ENTRAIDE FRANCE (https://covid-entraide.fr/)qui se constitue dans des dizaines de lieux depuis une dizaine de jours. Nous invitons à créer des groupes d’entraides locaux en ligne et sur le terrain, de notre hameau à notre village, de notre immeuble à notre ville. Nous appelons à recenser les centaines d’initiatives qui se créent à travers une cartographie collaborative (https://covidentraide.gogocarto.fr).

Ne restons pas sidéré-e-s face à cette situation qui nous bouleverse, nous enrage et nous fait trembler. Lorsque la pandémie sera finie, d’autres crises viendront. Entre temps, il y aura des responsables à aller chercher, des comptes à rendre, des plaies à réparer et un monde à construire. À nous de faire en sorte que l’onde de choc mondiale du Covid-19 soit la « crise» de trop et marque un coup d’arrêt au régime actuel d’exploitation et de destruction des conditions d’existence sur Terre. Il n’y aura pas de « sortie de crise » sans un bouleversement majeur de l’organisation sociale et économique actuelle.

Il y aura un avant et un après. Nous sommes pour l’instant confiné-e-s, mais nous nous organisons. Et, pour sûr, nous reprendrons les rues, les jardins, les outils de travail, les moyens de communication et les assemblées, ensemble.

La stratégie du choc doit s’inverser. Cette fois-ci le choc ne servira pas à affermir le contrôle, le pouvoir central, les inégalités et le néolibéralisme, mais à renforcer l’entraide et l’auto-organisation. À les inscrire dans le marbre.

bannie-re-covid-entraide

INFOS : 

LIEN VERS LA PÉTITION : https://covid-entraide.fr/signe-la-petition-pour-lentraide/

Signature pour les associations et organisations : merci d’envoyer votre signature à entraidepandemie@riseup.net(en précisant l’organisation dans l’objet du mail)

Premiers signataires :

Corinne Morel-Darleux, autrice, élue régionale et militante éco-socialiste
Pablo Servigne, chercheur in-terre-dépendant
Éric Beynel, co-délégué général de Solidaires
Cécile Gondard-Lalanne, co-déléguée générale de Solidaires
Hugo Huon, pour le Collectif Inter-Urgences
Matthieu Bellahsen, psychiatre et praticien hospitalier
Sarah Kilani, médecin anesthésiste-réanimateur
Benoit Blaes, président du Syndicat National des Jeunes Médecins Généralistes (SNJMG)
Sayaka Oguchi, médecin généraliste, trésorière du SNJMG
Emmanuelle Lebhar, interne en médecine générale, chargée de mission au SNJMG
Julien Aron, médecin néphrologue, chargé de mission au SNJMG
Vladimir Adrien, interne de l’AP-HP
Jonas Pochard, anesthésiste réanimateur
Amaury Delarge, réanimateur
Françoise Brun, infirmière
Catherine Fayet infirmière
Benjamin Royer, psychologue clinicien 
Franck Prouhet, médecin généraliste
Claire Bourgogne, médecin généraliste
Marcy Pondi, anesthésiste-réanimatrice
Joachim Müllner, médecin psychiatre 
Amina Ben Salah, médedecin doctorante en Neurosciences
Sabrina Ali Benali, médecin à Paris
Ben Omrane Choukri, médecin à Paris
Stéphane Lerivray, infirmier anesthésiste
Michel Robin, infirmier
Marie Llorens, infirmière urgences
Mathilde Martinot, psychiatre en hôpital public
Dominique Seydoux, médecin retraité
Aurélien Barrau, astrophysicien
Annick Coupé, secrétaire générale d’Attac
Aurélie Trouvé, porte parole d’Attac
Raphaël Pradeau, porte parole d’Attac
Maximes Combes, porte parole d’Attac
Nicolas Girod, porte-parole de la Confédération Paysanne
Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole du Droit au Logement
Cyril Dion, réalisateur
Geneviève Azam, essayiste
Benoît Teste, secrétaire général de la FSU
Annie Déan, porte-parole du MAN
Jean-François Pellissier, porte-parole d’Ensemble!
Josep Rafanell i Orra, psychologue et écrivain
Patrick Farbiaz, cofondateur du collectif Pour une Ecologie Populaire et Sociale (PEPS)
Virginie  Maris, philosophe
Christophe Bonneuil, historien
Leslie Kaplan, écrivaine
Dominique Méda, sociologue
Céline Pessis, historienne
Baptiste Monsaingeon, sociologue
Ludivine Bantigny, historienne
Johan Badour, éditeur
Cervaux non Disponibles
Partager c’est Sympa
Miguel Benasayag, philosophe
François Cusset, philosophe
Dominique Bourg, philosophe
Jean Gadrey, économiste
Samuel Hayat, politologue
Isabelle Cambourakis, éditrice
Jean-Marie Harribey, économiste
Audrey Vernon, comédienne
Xavier Ricard Lanata, essayiste et haut-fonctionnaire
Yves Cochet, président de l’institut Momentum
Pierre Khalfa, économiste, Fondation Copernic
Catherine Zambon, autrice
Serge Quadruppani, écrivain
Nathalie Quintane, écrivain
Sezin Topçu,  sociologue
Alain Damasio, écrivain
Jérôme Baschet, historien
Bernard Friot, sociologue
Stéphane Lavignotte, théologien
Elise Lowy, cofondatrice de PEPS
“L’1consolable”, rappeur
Kolin Kobayashi, journaliste in-terre-dépendant
Jean-Jacques Delfour, philosophe
Gauthier Chapelle, chercheur in-Terre-dépendant et co-auteur
Paul Ariès, politologue,
Dénètem Touam Bona, écrivain-artiste
Vincent de Gaulejac, président du réseau international de sociologie clinique
François Jarrige, enseignant-chercheur en histoire
Arnaud Muyssen, médecin à Lille
Anne Thebaud Mony, sociologue
Jacques Fradin, économiste
Laure Noualhat, documentariste
Pierre André Juven, sociologue de la santé
Cyril Pedrosa, auteur de bande dessinée
Anne-Sophie Novel, journaliste
Fabrice Flipo, philosophe
Sophie Gosselin, revue Terrestres
Maxime de Rostolan, fondateur de Fermes d’Avenir
Frédéric Boone, chercheur en astrophyisque
Vanessa Morisset, critique d’art et enseignante
Federico Tarragoni, sociologue
Sofia Meister, chercheuse IRD
Lucie Davy, avocate membre du Syndicat des Avocat de France
Annie Ghiloni, militante du MAN
Louis-Marie Barnier, syndicaliste, sociologue du travail
Lecomte Gabrielle, sociologue
Antoine Back, conseiller municipal à Grenoble
Léna Dormeau, chercheuse en philosophie politique
Laurent Cauwet, auteur, éditeur
Julien Théry, historien
Anne Marchand, chercheuse en socio-histoire
Fabrice Vigne, écrivain
Rose-Marie Lagrave, sociologue
Stéphane Douiller, professeur émérite de philosophie de l’Université Paris 8
Gérard Bras, philosophe
Aurélien Gabriel Cohen, revue Terrestres, Université de Paris
Philippe Boursier, professeur de SES
Loïc Steffan, co-fondateur La Collapso Heureuse
Pierre-Eric Sutter, co-fondateur de l’OBservatoire des VEcus du COllapse (OBVECO)
Marie Didier, écrivain médecin
Ana Rougier, journaliste indépendante
Alexis Judic, artiste plasticien
Roger Champ, militant de la Confédération Nationale du Logement
Nelly Massera, artiste et réalisatrice
Camille Riquier, scénographe
Fred Ortuno, association Art Factories
Étienne Ciapin, sociologue
Anthony Laurent, journaliste scientifique, co-fondateur de Sciences Critiques
Lola Ostier, médiatrice socio-éducative
Patrice Bride, coopérative “Dire le travail”
Anne Jollet, historienne
Jean-Luc Gautero, enseignant-chercheur
Raphaelle Doyon, maîtresse de conférences
François Jacquet, ingénieur de recherche
Gilles Guégan, scénographe-jardinier
Cyril Piou, chercheur en écologie
Agnès Valentin, comédienne
Coraly Zahonero, comédienne
Nicolas Le Coq, professeur des écoles
Sandrine Costamagno, directrice de recherche CNRS
Philippe Merlant, journaliste et conférencier gesticulant
Grégory Poinsenet, cofondateur de Sorry Children
Pierre Charrier, cofondateur de Sorry Children
Fabienne Brugel, metteuse en scène
Raphaël Sarfati, libraire
Pierre-Jean Heude, régisseur
Guillaume Bagnolini, philosophe
Saskia Cousin, anthropologue
David Dupuis, anthropologue et psychologue clinicien
Delphine Schmoderer, plasticienne
Josépha Dirringer, juriste
Makis Solomos, musicologue
Leïla Frouillou, sociologue
Igor Babou, professeur à l’université Paris Diderot
Stéphane Bikialo, enseignant-chercheur en littérature
Gwen de Bonneval, auteur de bande dessinée
Bernard Schéo, enseignant-chercheur
Olivier Roueff, sociologue
Sidi Mohammed Barkat, enseignant-chercheur
Guillaume Lecamus, metteur en scène
Stephen Bouquin, sociologue
Sarah Mekdjian, enseignante-chercheure
Myriem Augier, sociologue
Hélène Tordjman, économiste
Kolja Lindner, politiste
Antoine Leblois, économiste
Solène Derrien, plateforme pyrénéenne d’observation atmosphérique
Laurence Protteau, sociologue
Laurence Charlier, anthropologue
Mari Oiry Varacca, géographe
Clément Barthélémy, docteur en écologie
Jean-Michel Hupé, chercheur CNRS en neurosciences et écologie
Mattia Paco Rizzi, architecte
Denys Piningre, cinéaste
Rosemary Faulkner, traductrice
Pascal Maillard, univesitaire et syndicaliste
Othmar Eipeltauer, paysan arboriculteur
François Gèze, éditeur
Christelle Rabier, maîtresse de conférence
Pierre Lénel Sociologue
Rada Iveković, universitaire
Julien Wosnitza Fondateur Wings of the Ocean
Thomas Berther, fédération Habicoop
Nicolas Voisin, La Suite du Monde
Christophe Masutti, chercheur
Stuart Pluen Calvo, éditeur
Audrey Boulard, le Vent se Lève
Floryan Reyne, naturopathe
Chantal Charlot, formatrice
Sonja Dicquemare, architecte enseignante
Samuel Pinaud, sociologue
Françoise Bressat-Blum, présidente de l’Université Populaire de Lyon
Philippe Arnaud, co-secrétaire de Solidaires 33
Anne Macou-Lescieu, el’cagette Roubaix
Adèle Cassigneul, chercheuse
Mikael Motelica, enseignant-chercheur
Philippe Birgy, enseignant-chercheur
Claude Crestani, psychologue du travail
Maria da Fonseca, enseignante-chercheuse
Brian Padilla, écologue
Philippo Michel, association LESA
Frédéric Verhaegen, université de Lorraine
Guillaume Pellerin, physicien et informaticien
Marjorie Keters, association ACIDES
Agatha Frankowska-Thuinet, professeur des écoles
Sophie Hoarau, comédienne
Benoît Hodeu, archéologue
Emmanuel Ferrand, association La Générale
Sarah Labelle, maîtresse de conférence
Jean Fauché, pour Alternative et Autogestion
Philippe Eustachon, metteur en scène
Tunvezh Gwlagen-Grandjean, journaliste radio
Amel Dahmani, secrétaire de Sud Collectivités Territoriales
Florence Vallero, intermittente du spectacle et auteure
Cyril Dutech, chercheur en biologie évolutive
Anthony Pecqueux, sociologue
François Piquemal, enseignant en lycée professionnel
Jean Bourdoncle, animateur de Lien et Changement
Laurent Eyraud-Chaume, comédien
Anne Isla, économiste
Jérémy Bonner, enseignant
Frédérique Bey, ingénieure
Julien Jourdan, enseignant
Stéphane Pauvret, artiste scénographe
Étienne Gérard, sociologue
Marie-Paule Frisot, trésorière du Man Moselle
Katja Ploog, enseignante-chercheuse
Anne-Emmanuelle Berger, universitaire
Josiane Bru, anthropologue
Jim Petit, musicien
Sibylle d’Orgeval, réalisatrice
Catherine Scheer, anthropologue
Antoine Lamer, Data Scientist
Nicolas Paris, informaticien
Stéphanie Mariette, chargée de recherche à l’INRAE
Marina Sou, pour Libres Apprenants du Monde
Frédéric Bourdon, conseiller municipal de Vitry-sur-Seine
Jules Desgouttes, coordinateur de Art Factories
Hélène Oblet, ingénieure territorial
Marie Cuillerai, professeure des universités
Nadine Forte, enseignante
Françoise Bénet, professeur de danse
Jacques Pabst, comédien
Monique Dental, réseau féministe Ruptures
Franck Gaudichaud, enseignant-chercheur
Thierry Élias, docteur en optique-atmosphérique
Philippe Élusse, réalisateur
Laure Teulières, historienne
Jimmy Markoum, enseignant
Marc Pion, paysan gesticulant
Martine Minne, pour Attac Flandres

Cette tribune est publiée simultanément sur plusieurs médias : Médiapart, Reporterre, Bastamag, Lundi-Matin, Terrestres, Politis,Rapports de Force, Mouvements, Regards et Contretemps

Le train fatal ? Pourquoi ? Ce virus illustre la fin d’un monde.

Abandon. photo MB

La remise en cause du progrès infini du genre humain est en marche.
Le progrès, qui était une caractéristique de la gauche politique et sociale, est battu en brèche par les découvertes effarantes du gouffre dans lequel le néolibéralisme mondialisé précipite la planète entière: le réchauffement climatique, l’eau de plus en plus rare, la biodiversité qui s’effondre, les guerres interminables, les migrations des plus faibles …  La crise sanitaire actuelle peut-elle nous faire prendre conscience de cette situation ? Sommes nous à l’aube d’une révolution ou d’un effondrement ? Le train lui est en marche.

On peut lire le texte ci-dessous. Bonne lecture. Caillou.

Geneviève Azam : « Ce virus illustre la fin d’un monde »

La crise du coronavirus montre les limites de la mondialisation. Mais selon l’économiste Geneviève Azam, aucune solution ne sera efficace sans une remise en question globale.

Une épidémie aura donc eu plus d’écho que le discours altermondialiste, martelé depuis plusieurs décennies. La mondialisation est enrayée et le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, prône désormais la relocalisation des chaînes de production stratégiques, dont certaines ont été délocalisées il y a seulement quelques années. Selon Geneviève Azam, également militante chez Attac et chroniqueuse pour Politis, ces quelques annonces ne suffisent pas. Si le monde est malade du néolibéralisme, il l’est surtout de son rapport au vivant, trop souvent négligé au profit… du profit.

Quelle radiographie le Covid-19 fait-il de la mondialisation ?

Geneviève Azam : On voit l’effondrement des bourses, les difficultés des entreprises, qui pointent les problèmes de la mondialisation et de la dépendance. C’est le symptôme d’une organisation du monde qui peut favoriser la prolifération de ce type d’événement et en faire un événement global et incontrôlable.Cela fait quarante ans que nous sommes sous un régime de globalisation économique absolument forcené avec l’intensification des échanges lointains, de la concurrence et des délocalisations. Un chiffre qu’on a donné est très parlant : 80 % des principes actifs des médicaments sont importés de Chine et d’Inde, contre 20 % il y a trente ans. On entend aujourd’hui qu’il s’agit d’engager une sorte de protectionnisme sanitaire et de relocaliser. Cependant, ce qui est en jeu, c’est bien sûr la globalisation, la délocalisation d’industries polluantes (on le dit peu), mais aussi la modification de notre rapport à la santé. Si on a pu autant délocaliser, c’est parce qu’on a simplifié les besoins de santé, les besoins sanitaires, réduits à un capital santé et à la production de quelques molécules par l’industrie chimique. Au nom d’une vision économique et industrielle, on a simplifié ce qu’est la santé des populations et détruit les barrières biologiques présentes dans la nature.

Plus qu’un nouvel ordre économique, le coronavirus permettrait donc de mettre l’humain au centre des préoccupations ?

Le Covid-19, une maladie aussi économique

  • La baisse des exportations mondiales se chiffrerait à hauteur de 320 milliards de dollars de biens et de services en un trimestre, selon l’assureur Euler Hermès. C’est environ ce qu’avait coûté en un an la guerre commerciale sino-américaine.
  • 350 000 conteneurs ont été retirés du marché selon l’International Chamber of Shipping, alors que la Commission européenne indique que les départs de conteneurs depuis la Chine ont été réduits de moitié ces quatre dernières semaines. Mardi 10 mars, une reprise « encadrée et limitée » du trafic reprenait toutefois en Chine.
  • Dans le transport aérien, Air France enregistre une baisse de 7 % de son activité, et les réservations sur les lignes du groupe ont chuté de 70 %. Selon Le Monde, une note d’information envoyée aux salariés les inviterait à « prendre des congés sans solde ou à anticiper leurs vacances ».
  • En Chine, les particules fines dans l’air ont diminué de 20 à 30 % au mois de février par rapport aux trois dernières années. Une fois l’épidémie maîtrisée, une reprise de l’activité accrue pourrait toutefois annuler cette amélioration.
  • Après une baisse de la demande pétrolière de la Chine, l’entente des producteurs de pétrole volait en éclats et le prix du baril s’effondrait ce lundi 9 mars, passant sous la barre des 30 dollars, avant de rebondir. Combiné à la poursuite de l’épidémie, le phénomène entraînait une dégringolade des indices boursiers d’environ 7 % en moyenne. Pour la première fois depuis 2008, un coupe-circuit, gelant les échanges quelques minutes, a même été déclenché à Wall Street.
  • Tous les secteurs ne sont néanmoins pas perdants. Dans certains pays comme la France, l’Allemagne et surtout l’Italie, la consommation des produits de première nécessité a explosé tout comme le e-commerce.

Pas seulement l’humain, le vivant ! On se rend compte de notre vulnérabilité et de la nécessité de barrières protectrices. Mais lesquelles ? Des barrières protectrices face à l’expansionnisme capitaliste, à sa conquête violente du vivant et pas seulement des droits de douane sur tel ou tel produit. Les virus passent les frontières. Il faut donc revenir à l’idée que nous sommes pris dans un tissu complexe de vivants. Et si nous fracturons ce tissu pour se l’approprier, nous nous exposons à ces menaces. On dit que le coronavirus est transmis aux humains par la faune sauvage. Or nous avons massivement détruit les habitats du monde sauvage, nous avons anthropisé la Terre. L’humain est partout, si bien que les barrières biologiques avec le monde sauvage sont rompues. Cela accroît les potentialités de ce type de virus.

S’arrêter à un questionnement purement économique occulterait donc les aspects écologiques nécessaires pour résoudre cette crise ?

Je suis bien sûr convaincue de la nécessité d’une relocalisation et d’une reterritorialisation des activités. Mais comment et lesquelles ? C’est une question politique. Par ailleurs, qu’est-ce que la santé quand les résistances immunitaires des humains sont dramatiquement diminuées avec les perturbateurs endocriniens, la consommation à outrance d’antibiotiques, une alimentation industrielle polluée et appauvrie, avec les perturbations climatiques et une vie rivée à des écrans ?

Pourtant, l’actuelle remise en cause du système a du mal à dépasser l’aspect économique…

Oui parce qu’il y a des intérêts très forts et un formatage de la pensée. Avec des effondrements boursiers, des problèmes d’emploi, la difficulté d’organiser une production globalisée, où des pénuries à certains endroits bloquent toute la chaîne de production, devient évidente. En se globalisant le système s’est aussi fragilisé. D’où la panique des puissants.

Qu’est-ce que cette crise peut ouvrir comme perspective ?

Espérons que nous allons en tirer les leçons. J’en doute du côté des institutions actuelles. L’Union européenne vient de signer un accord de libre-échange avec le Vietnam. La Chine est devenue plus chère, il y a donc encore la possibilité de délocaliser dans des pays plus « compétitifs ». Il faudrait donc remettre sur la table tous les accords de libre-échange négociés avec l’Asie, l’Afrique ou l’Amérique. Mais relocaliser, encore une fois, pas pour faire la même chose et de la même manière. De nombreuses expériences et résistances de base ouvrent dès à présent des voies en ce sens. C’est la reconstruction de milieux de vie, la communalisation de l’eau, des semences, de la terre, c’est le soin apporté au vivant, humain et autre qu’humain.

Bruno Le Maire parle de réguler, de relocaliser les secteurs stratégiques et dit qu’il y aura un avant et un après cette épidémie sur l’organisation de l’économie. Cela ne témoigne-t-il pas d’une prise de conscience ?

Oui, il parle. Quelle relocalisation ? Trump aussi « relocalise ». Mais s’il s’agit de faire du Trump, bon… On aura des relocalisations compétitives et nationalistes sans répondre aux défis terribles qu’on a devant nous. Un exemple, ce sont les terres rares (1). La plupart des terres rares exploitées sont situées en Chine. Si nous voulons relocaliser, nous le pouvons car il y a des terres rares dans la Méditerranée. Quelle est la solution ? Aller les chercher dans la Méditerranée ? Laisser ces activités polluantes à la Chine ? Ou bien poser en amont la question du modèle industriel dévoreur de ces terres et de la santé des populations ?

Ces changements promis peuvent-ils s’inscrire sur du long terme ?

Le débat présent est centré sur l’organisation dans la panique d’une réponse sanitaire et bien sûr économique. C’est-à-dire sauver les meubles, car ils ont perdu des leviers. Les chaînes de production mondiales sont tellement imbriquées, que ce ne sont pas les discours martiaux de M. Le Maire qui vont permettre l’arrivée des pièces manquantes dans tel ou tel secteur.

Néanmoins, je crois que ce virus illustre la fin d’un monde. Toutes les promesses du néolibéralisme se sont cassé la figure. On arrive à l’étouffement du monde globalisé. Qui pourrait parler avec Alain Minc de « mondialisation heureuse » ? Et, surtout, le discours biologisant du néolibéralisme, avec pour maîtres mots l’adaptation, la mutation, la compétition, la sélection, et pour promesse majeure l’amélioration de la santé et de la vie, est par terre. Ce virus est aussi le symptôme d’une dévitalisation profonde dans tous les domaines, du travail aux milieux de vie. Il peut en rester cependant le renforcement d’une gestion biopolitique des populations, appuyée par les algorithmes, avec contrôles, confinements, tris, autorépression.

On parle de santé, d’écologie, d’économie, mais cette épidémie a-t-elle également une dimension sociale ?

Aux États-Unis, 28 millions de personnes n’ont aucune protection sociale. Ces personnes ne peuvent pas être remboursées des coûts du dépistage, qui peuvent osciller entre 2 000 et 4 000 dollars. Or si des personnes ne peuvent pas faire le test parce que c’est trop cher, ça renforce le risque de propagation du virus. C’est plus qu’une dimension sociale, ce sont des choix politiques et éthiques d’organisation des systèmes de santé.

En englobant tous ces aspects, le coronavirus peut-il permettre un déclic ?

J’étais à Toulouse dans la manifestation des femmes pour le 8 mars. Tonique et vitale. Le coronavirus était ironiquement présent. Une manière de déplacer les peurs et d’identifier les menaces.

(1) Les terres rares sont un groupe de métaux (scandium, yttrium, lanthanides), très utilisés dans de nombreuses industries, en particulier la téléphonie mobile, l’électroménager et les éoliennes.

Geneviève Azam Chercheuse à l’université Toulouse-Jean-Jaurès.

Le train fatal

la chanson
Espagne - 1974 - Photo MB
Espagne – 1974 – Photo MB

Depuis quelques semaines, avec cette épidémie qui arrive, une chanson me trotte dans la tête. C’est mon père qui la chantait. En voici les paroles:

Dans la campagne verdoyante
Le train longeant sa voie de fer
Emporte une foule bruyante
Tout là-bas, vers la grande mer
Le mécanicien Jean, sur sa locomotive
Regarde l’air mauvais Blaise, le beau chauffeur
La colère dans ses yeux luit d’une flamme vive
De sa femme chérie, Blaise a volé le cœur !!

Roule, roule, train du plaisir
Dans la plaine jolie
Vers ton bel avenir
D’amour et de folie
L’homme rude et noir qui conduit
Cette joyeuse foule
Sent de ses yeux rougis
Une larme qui coule

Des heureux voyageurs,
on entend les refrains
Suivant les rails et son destin
C’est le train du plaisir qui roule

Le pauvre Jean, perdant la tête,
Rendu fou par la trahison,
Sur son rival soudain se jette
Criant :”Bandit, rends-moi Lison !”

Le chauffeur éperdu fait tournoyer sa pelle
Jean lui sautant au cou, l’étrangle comme un chien
Et tous les deux rivés par l’étreinte mortelle
Tombent de la machine, abandonnant leur train !
Roule, roule, train du malheur
Dans la plaine assombrie
Roule а toute vapeur
D’un élan de folie

Les paysans, saisis, te voyant
Tout seul fendant l’espace
Se signent en priant
Et la terreur les glace !
Des heureux voyageurs
on entend les refrains
Suivant son terrible destin
C’est le train du malheur qui passe .

Tiens, la chose est vraiment bizarre
On devait s’arrêter ici !
Le train brûle encore une gare
Ah, ça, que veut dire ceci ?
Alors du train maudit, une clameur s’élève
On entend des sanglots et des cris de déments
Chacun revoit sa vie dans un rapide rêve
Puis c’est le choc, le feu, les appels déchirants

Flambe, flambe, train de la mort
Dans la plaine rougie
Tout se brise et se tord
Sous un vent de folie
Les petits enfants, leurs mamans
S’appellent dans les flammes
Les amoureux râlant
Réunissent leurs âmes

Pourquoi ces pleurs, ces cris,
pourquoi ces orphelins
Pour un simple, un tout petit rien :
L’infidélité d’une femme !

Le Train fatal est une chanson française de Charles-Louis Pothier
dont la musique a été composée par Charles Borel-Clerc.
Elle a été interprétée pour la première fois en 1916 par Adolphe Bérard.
Et si on enlève le thème (vieillot et sexiste) de la femme infidèle pour ne garder que la fuite éperdue vers l’effondrement collectif et la mort cette chanson parle tout a fait de ce que nous sommes tous en train de vivre.
Caillou, le 19 mars 2020 

Et un grand merci à Robert
qui m’a permis de remettre cailloutendre sur ses rails

Une porcherie industrielle sur un lieu de mémoire !

Samedi 7 mars 2020, dans le Tarn et Garonne à la gare de Borredon.

En 1939, c’est là que discrètement, loin des villages où les autorités pouvaient craindre l’émotion des voisins, l’Etat français déversait les soldats vaincus de la République Espagnole: pour désengorger les camps du Roussillon, Argelès, St-Cyprien, Le Barcarès, Rivesaltes, et pour les enfermer derrière les grillages du Camp de Jude à Septfonds.

Pour beaucoup ce fut l’antichambre du  camp de concentration nazi de Mauthausen.

 

 

 

 

 

Nous faisons le chemin que ces prisonniers devaient emprunter, sous bonne garde, pour rejoindre le camp.

Une petite troupe marche dans la campagne. Un drapeau catalan…

Le temps est changeant. Presque froid et venteux et puis parfois des éclaircies et un soleil qui réchauffe. Alors on se regroupe, on chante.

Le drapeau de la République espagnole.

Et on repart.

Mais pour moi le cœur n’y est pas. Je m’attendais à une grosse mobilisation. A une arrivée massive de gens indignés par l’insulte faite à la mémoire des camps d’internement. Et nous ne sommes pas très nombreux. Une grande partie venue d’Espagne, des Asturies, de Madrid, de Catalogne et d’autres de plus près. Mais qu’un industriel veuille répandre des tonnes de lisier de cochon juste en face d’un mémorial ne semble pas soulever une colère locale. Triste époque!

Au fond de la prairie les bâtiments de la porcherie industrielle de 10 000 cochons sont déjà construits. Devant, sur cette étendue verte où se trouvait le camp de Septfonds en 1939, vont s’étendre les tonnes de lisier.

Sur une petite colline, voilà tout ce qui reste pour la mémoire. Un monument, des panneaux d’explications, quelques photos.  

 

Vient le temps des discours…

Vient le temps de la colère et de la honte.

Cela peut paraître de l’Histoire mais ce qui se passe en ce moment avec les migrants aux portes de l’Europe et des Etats-Unis relève de la même colère et de la même honte. Les puissants, qui nous dirigent, préfèrent toujours l’Économie (le lisier de porc) aux valeurs d’humanité dont pourtant ils se gargarisent.

 

Caillou, le 10 mars 2020

d’autres images, ici:

RESPECTER L’HISTOIRE : marche pour la dignité, de Borredon à Septfonds (galerie Louis Obis)

RESPECTER L’HISTOIRE : Marche de la gare de Borredon au camp de concentration de Septfonds (galerie Christian Morales)

Algérie : L’artiste-peintre et bédéiste algérien Nime arrêté pour des caricatures politiques.

Le silence des médias français sur ce qui se passe en Algérie en ce moment est assourdissant. Pourtant le mouvement (HIRAK) continue, tous les vendredis, et les arrestations se multiplient.

NIME est un artiste et un brillant manager d’une célèbre agence de communication dans la wilaya d’Oran.
Mardi après-midi, des éléments des services de sécurité ont débarqué dans son bureau et saisi tout son matériel informatique.
Durant son interrogatoire, son facebook a été ouvert et son smartphone décortiqué.
Les services ont tenté de savoir quels étaient ses accointances politiques comme si le désir de liberté était un crime puni par la loi.
Il lui est reproché d’avoir croqué quelques personnalités influentes de la junte militaire et politique qui ont spolié les Algériens de leur soif de démocratie.
 Il sera présenté aujourd’hui au procureur.
NIME EST INNOCENT DE VOS INDIGNITÉS,
 IL EST UN ARTISTE TALENTUEUX,
 IL EST UN ESPRIT LIBRE D’ALGERIE !LIBÉREZ NIME,
 LIBÉREZ LES DÉTENUS POLITIQUES,
ILS SONT LA DIGNITÉ DE L’ALGERIE !

Selon le Comité National pour la Libération des Détenus (CNLD),
l’artiste Abdelhamid Amine a été arrêté le 26 novembre 2019 
dans les locaux de son agence de publicité et son matériel a été saisi.
Il a été présenté ce jeudi 28 novembre devant le procureur du tribunal de la Cité Djamel d’Oran 
et a été placé en détention provisoire.
Les charges retenues contre lui seront précisées lors de l’audition du 5 décembre prochain.
Toujours selon le CNLD, son arrestation serait relative à la publication d’œuvres de caricature politique 
dont celle ci-dessous publiée le 3 novembre, intitulée « L’élu ». 
Évoquant le roman « Cendrillon », elle représentant les cinq candidats à l’élection présidentielle prévue le 19 décembre 2019 
et le Chef d’Etat-Major Ahmed Gaïd Salah chaussant Abdelmajid Tebboune, 
l’un des candidats à l’élection. En arrière-plan, on aperçoit la silhouette du président sortant, Abdelaziz Bouteflika.

Cartooning for Peace suit de près la situation de l’artiste et attend l’audience du 5 décembre pour connaître la raison de son incarcération et pour connaître les charges qui sont retenues contre l’artiste.

“Merlinettes” – La compagnie 808

La broche de Madeleine


Sur l’histoire des Merlinettes,

j’ai reçu une lettre formidable
et j’en fait part, avec leur accord…

Elle m’a été envoyée par l’Association de la Guerre Electronique de l’Armée de Terre.

 

Voici ce que nous savons sur la Cie 808:

Cette Cie fut créée le 1er avril 1943 à partir du Groupement des contrôles radioélectrique (GCR) d’Alger. L’origine de cet organisme remonte au 9 août 1940 (créé par le général Weygand) par le regroupement des éléments et des personnels assurant les écoutes et la radiogoniométrie du temps de paix et du temps de guerre.

Cette Cie participe à la campagne d’Italie au sein des éléments de réserve générale du commandement du Corps Expéditionnaire Français (CEF). Sa tache consiste à rechercher des renseignements par l’écoute et la localisations des stations et des réseaux radio de l’ennemi. Au cours de cette campagne, elle sera renforcée et morcelée selon les besoins opérationnels pour être enfin réorganisée le 1er janvier 1944 en 3 unités.

La 808 CER (Cie Écoute et Radiogoniométrie) en Italie, la 828 SER (Section Écoute et Radiogoniométrie) à Hydra en Algérie  et la 838 CER à Oran.

La 808 CER débarque en Provence le 16 août 1944 et suivra l’Armée du Général de Lattre  jusqu’au bout de son périple en Allemagne et en Autriche. Elle sera dissoute le 1er mai 1945 et la plus part de ses personnels dirigés sur Paris pour affectation au GCR reconstitué début 1945. Quelques uns seront affectés à la Compagnie de Transmissions 815 à Berlin pour effectuer le même travail et un petit nombre de spécialistes seront regroupés avec les autres compagnies de réserve générale pour former le 18ème Régiment de Transmissions en Allemagne.

Ce 18ème RT prendra l’appellation de 42ème RT le 1er juillet 1947. Le reliquat de la 808ème CER donnera naissance, plus tard vers 1949, au sein de la 3ème Cie du 42ème RT à une unité écoute et gonio dont la filiation en ligne directe débouchera sur le 44ème RT aujourd’hui stationné à Mutzig.

Cette Compagnie 808 est considérée comme l’unité mère de toutes les unités de “Guerre Électronique” militaires de l’Armée de Terre (le GCR étant sous la tutelle des services spéciaux).

En ce qui concerne les Merlinettes, en fonction de leur formation, il existe 2 filières.
D’une part, celles qui se sont engagées dans le tronc commun des transmissions, formées sous l’autorité du capitaine COT et de madame TRABUT.
D’autres part, celles qui se sont engagées ou ont été reversées (après les tests d’aptitude) au GCR pour devenir des opératrices d’écoutes, des secrétaires d’analyse ou des interprètes / traductrices. Ces dernières furent assujetties au secret le plus absolu sur leur travail et quasiment aucune n’a transgressé ce contrat même dans les quelques textes mémoriaux qu’elles produisirent!

Les Merlinettes de ces unités (808,828 et 838) furent employées dans de nombreux cas, notamment en Italie, aux postes les plus avancés, parmi les équipes d’observateurs d’artillerie ou camouflées dans des ruines au plus près des lignes ennemie afin de capter ou de traduire les messages des radios à très courte portée en VHF des Allemands.

Cette activité d’espionnage de l’adversaire ne s’arrête jamais, 24 heures sur 24, le casque d’écoute sur les oreilles. Aucun bruits, aucun son, aucune conversation ou aucun appel ne dois échapper à l’opérateur ou l’opératrice. Il faut se faire remplacer pour aller faire pipi ou quoi que ce soit d’autre durant son temps de veille qui dure en moyenne 6 à 8 heures.

Quelque soit l’inconfort des lieux, il faut rester discret, ne pas faire de bruit, ne pas quitter son poste, supporter le bruit de fond permanent du spectre radioélectrique directement dans ses oreilles et manger froid car la fumée, de la nourriture ou de la cigarette est prohibée.

A l’arrière, durant son temps de repos, non seulement il ne faut pas trainer pour les taches quotidiennes (repas, toilettes, lessives et entretient des matériels ou de l’armement) mais il faut aussi se taire! Pas de conversation en société sur l’activité passée, pas même avec une autre membre de l’équipe car il peut toujours se trouver une oreille indiscrète.

Si vous ajoutez à tout cela les problèmes inhérents aux personnels féminins (promiscuité avec les hommes, toilette et lessive intime chaque mois et quelques particularités du paquetage non fournies). Un  accueil particulièrement exécrable de la population Française qui les considère comme des filles à soldats ou des paillassons d’officiers alors que tous les hommes étaient accueillis en Héros. Il faut reconnaitre chez ces jeunes femmes des sacrés doses de courage, d’abnégation et de vaillance que l’on croisent rarement chez les hommes.

A toutes ces Merlinettes et plus particulièrement à celles des compagnies 808 et consoeurs, nous devons un éternel respect, une immense reconnaissance de leurs actions et la sauvegarde illimitée de leurs mémoires!

Bien malheureusement, aucun livre digne de ce nom n’a encore été publié sur leur histoire et même dans les derniers ouvrage parus elles ne font l’objet que de quelques lignes souvent truffées d’erreurs.

J’espère vous avoir apporté quelques précisions bien peu connues sur les quelques années de conflit auxquelles elles ont participé. Ces femmes, dont votre maman, furent des soldats remarquables dont le travail à permis d’épargner de nombreuses vie en décelant chez l’ennemie avec quelques heures, voir quelques minutes d’avance les choix d’attaques ou de bombardements permettant ainsi de soustraire les soldats des lignes visées. elles ont également permis, en renseignant précisément le commandement Français sur les moyens et les potentiels de l’adversaire, de mener des attaques décisives ou de choisir des itinéraires improbables.

Notre association est en charge de la partie “historique et mémoire de la Guerre Électronique” par délégation du musée des Transmissions de rennes. A ce titre, nous sommes preneur de toutes copies de documents officiels ou personnels ayant trait à ce domaine.

Cordialement
Éric K.

Et sur l’association:

Depuis début novembre, notre association à participé à plusieurs expositions dans notre région, l’Alsace, pour les commémorations du 11 novembre 1918 puis pour le 75ème anniversaire de la libération de Molsheim et Mutzig (26/11) ou se situe notre siège social.
Lors de ces expositions, la fille d’une Merlinette de la 808 CER, madame Divo, résidant sur place à progressivement mis à notre disposition les archives de sa maman pour en faire des copies numérique. Puis elle nous à offert des pièces d’uniforme et enfin, prenant confiance, elle nous à remis hier les cahiers de route de sa maman contenant force détails, photo et descriptions.
Pour notre association c’est un peu comme si l’on gagne le gros lot du loto sans avoir joué! c’est Noël avant l’heure! Le GRAAL!
C’est aussi la récompense de 15 années de recherche sur la Guerre Électronique Française qui elle aussi n’a pas d’histoire et aucune publication.
Enfin nous allons pouvoir donner corps et âme à ces jeunes filles qui, par devoir, sont restées d’une discrétion infinie sur les plus belles pages d’une histoire extraordinaire qui mérite de sortir au grand jour. Je vous joint deux photos de Merlinette: la première, en tenue de sortie d’hiver, provient du musée de Clerval dans le Doubs, la deuxième en tenue de sortie d’été, sur une base d’uniforme des WAC US perçue fin 1943, est celle que nous avons reçu récemment de madame Divo.

     

 

Et bien merci pour ce travail de mémoire, un grand merci ! 
Caillou, le 28 novembre 2019