La porte de la cave s’est ouverte lentement, pour ne pas grincer. Il est entré et a posé l’attaché-case sur un carton. Il a plié son pardessus et il s’est assis dans l’angle du mur et il a fermé les yeux. Par le soupirail, il n’y a que la lumière du réverbère de la rue, le jour n’est pas encore levé. Au loin, le train de 7h29 fait crisser ses freins dans la gare. Les voitures qui tournent l’angle de l’avenue se font de plus en plus fréquentes et l’immeuble s’ébroue. Il entend les bruits des pas qui descendent l’escalier commun, la porte d’entrée qui claque, les réveils qui sonnent, les radios qui s’allument dans les cuisines, les enfants qui déjeunent et les voix sourdes des parents qui les pressent.
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L’argent
Caillou blanc: J’avais dit pas d’humour! Pas de second degré!
Caillou noir: Mais laisse tomber, c’est un vieux texte destiné à faire rire des profs pour entrer à la fac en 1988. Et puis c’est de l’ironie, rien de plus.
Caillou blanc se retire en maugréant…
VOYELLES
Le A limpide est un ciel bleu
l’été qui s’étend comme une plaine
un son qui s’entend comme un règne
la bouche ouverte… l’affirmation.
Le E muet est soumission
comme une eau profonde et subtile
partout présent, très utile
les lèvres en avant… c’est un don.
Le I du rire est un rebond
il est des danses et des grimaces
c’est le son dont on fait les farces
il fait sourire… c’est un garçon.
Le O est rouge, révolution
un feu qui gronde en son cratère
c’est un étonnement, la guerre,
le visage tonne… il est tout rond
Le U pur des réflexions
le crépuscule, la magie noire
le son qui pense, la mémoire
l’arrêt des gesticulations.
Caillou, juillet 1986…
PROCLAMATION
Devant la mode blasée
face à l’humour qui passe
avec les veaux bien cleans, les oreilles dégagées
leur Actuel triomphant, leurs p’tites annonces de cul,
leur disco sans paroles
cet art qu’ils ont de ne rien faire qui puisse les engager
je suis et je serai de ceux qui se passionnent
longtemps
Devant les abandons des ex qui cherchent des places
(un peu d’sécurité, on a déjà donné)
la pub à la radio pour ces ex-pirates
les ardents devenus journaleux chez Dassault
les casés, leurs combines, permanents attitrés
De toutes ces causes devenues raisonnables
face à ces futurs beaufs’
je préfer’ais toujours tous les poseurs de bombes
avec l’angoisse
avec la déception
avec la rage.
Même si c’est trop statique!
(N’est-ce pas, ça évolue. il ne faut plus cher ami, analyser la lutte des classes sur les seules conditions de paye et de travail, on intègre maintenant dans ces schémas simplistes un peu de questionnement sur les comportements!)
JE N’ÉVOLUERAIS PAS!
Je serais juif, arabe et noir et haïtien
Je serais l’honnête homme à qui on coupe le gaz
ou bien fils d’immigré, chômeur, paranoïaque,
exclu et asilaire,
et même l’enfant pleurant qu’il y a dans le K
mais je ne serai pas vautré dans l’indulgence
qu’on s’donne à quarante ans pour les actes de vingt!
Et c’est avec fierté
qu’à leur dédain gauchiste issu du désespoir
qu’à tous les ex recentrés
qu’aux nanas lutte de classes devenues séparatistes
qu’aux très bientôt bourgeois du papier ou des ondes
et qu’à tous les blasés qui courent dans les mouvances
j’annonce la couleur:
elle est rouge, elle est noire
et elle n’a qu’un seul nom:
Vive la révolution!
COMPAGNONS D’INSOMNIES
Aux fantômes décharnés, les yeux fixes, dantesques
aux chevaliers hirsutes, armés de mille éclats
aux moutons enragés chantants, ivres de joie
« nous ne sauterons pas »
aux enfants faméliques qui ne parleront pas
à mes guérilleros, aux combats dans la jungle
et à tous les passants oubliant tous leurs pas
je n’vous écrirai plus.
Aux temps toujours futurs qui ne viendront jamais
aux rives de tant d’espaces qui res’tront cloisonnés
aux monts de mes merveilles jamais réalisées
je n’vous écrirai plus.
Je n’en ai plus le temps, je ne pense plus qu’à elle
le temps me fait défaut de vivre ainsi mon temps
je n’ai plus d’insomnies, je ne dors pas assez
son lit est tellement grand, vous n’y pourriez rentrer
elle est, cela suffit. Vous n’êtes que des angoisses
Elle rit, cela tout contre vos mines à faire pleurer
vous étiez compagnons, elle fait partie de moi
Je ne lui écris pas!
Je lui dis, je lui pense, je lui joue, je lui danse
Elle est comme un pivot, vous m’étiez extérieurs
Elle est comme un palais reculé dans l’oubli
Vous étiez trop présents, je ne vous souvenais pas
Viendra peut-être un jour où je vous retrouv’rai
mais pour l’heure il me plait de lui dire que je l’aime
et quand elle me sourit…
vous êtes loin de moi.
Caillou 24/9/1982
Vive la production populaire
Un vieux texte de 1982, du temps des utopies d’autogestion.
Ma compagne le trouve un peu puéril mais pour moi il y a 2 phrases qui le sauvent de l’oubli de ma vielle malle. À vous de juger.
Ceci dit j’annonçais la glaciation et non le réchauffement de la planète!
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LA NUIT
La nuit se crève en lambeaux gris
la rue s’échappe aux cris des grues
la pluie s’étale sans un bruit
l’ombre de ta main qui se pose
au macadam de mon désir
éveille un silencieux sourire
au calme noir de la nuit
Caillou 1982