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Il faisait froid dehors et très chaud dans nos cœurs!

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Il est 8 heure moins le quart. Il fait froid. Sur le bords du canal, à Toulouse, devant la direction régionale de l’ERDF… nous ne serons certainement pas bien nombreux! C’est trop tôt… un jour de semaine… les salarié(e)s ne pourront pas venir… les parents d’élèves non plus car c’est l’heure d’amener les enfants à l’école…
Et puis, quand j’arrive sur les lieux, le rassemblement, dans le noir, n’est finalement pas si maigre! Et il grossit de minutes en minutes. Je reconnais toutes les tendances syndicales, politiques et associatives locales… De quoi s’agit il ?
De défendre un fonctionnaire de l’EDF qui va être sanctionné  pour avoir (peut-être, car il n’y a aucune preuve) remis l’électricité à un couple d’allocataires du RMI. Nous avons été prévenu par des courriels, comme celui-ci:

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Ve 15.01 7H45 ERDF-GRDF Toulouse. ROBIN des BOIS de l’énergie : Procédure disciplinaire contre Dominique LIOT à ERDF-GRDF Midi Pyrénées. Rassemblement, le Vendredi 15 Janvier au 22, bld de la Marquette à Toulouse (entre le Conseil Général et le jardin de Compans Caffarelli sur la gauche), pour celles et ceux qui peuvent se rendre disponibles. Le résultat ne fait pas grand doute. En Commission Secondaire la sanction votée par la direction a été unanime : 1 mois de mise à pieds et sur la convocation de Vendredi, c’est toujours 1 mois de mise à pieds. Motif essentiel de la sanction : l’opération Robin des Bois de rétablissement de l’électricité à un couple de RMIstes et leur petite fille de 2 ans. C’est tout le sens du service public qui est en cause, dans ce monde du libéralisme triomphant où la norme et les résultats financiers deviennent le seul objet digne d’intérêt aux yeux des responsables de ces services publics privatisés que sont GDF / Suez et EDF SA. Sanctionné uniquement pour avoir revendiqué cette action au nom de la CGT Energie Midi Pyrénées. Sanctionné pour avoir résisté et soutenu mes collègues comme Rodolphe de Toulouse et Nordine de Paris, toujours licenciés pour faits de grève. Sanctionné pour avoir participé au lancement et à l’animation d’une grève gagnante : arrêt du projet d’externalisation des activités Réseau Electrique et des suppressions de sites, maintien d’un groupe branchements et 129 emplois gagnés. Les témoignages de soutien ont été énormes : associations, syndicats, partis de gauche sans exception, élus de mairies au parlement européen en passant par le président du Conseil Général de la Haute Garonne… L’urgence, pas seulement en période hivernale, de maintenir l’alimentation électrique à ceux qui en ont le plus besoin, amène à proposer ce rassemblement à toutes les associations concernées par ce problème pour dire que oui, il faut interdire les coupures aux personnes démunies et faire évoluer pratiques et lois dans ce sens. Et que non, on n’acceptera pas la criminalisation des Résistants d’aujourd’hui. Tous les soutiens seront les bienvenus ! Merci de faire tourner l’info.

Les médias sont là. Dominique dit quelques mots. liot

On applaudit, puis Dominique s’en va vers les bureaux de la direction.

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Dans quelques jours nous saurons la sanction qu’il recevra. Mais quelle que soit cette sanction, mise à pied, ou pire licenciement, comme son collègue Rodolphe, n’aura rien à voir avec la sanction de l’Histoire.
Oui, je sais, c’est grandiloquent!
La sanction de l’Histoire pour les libéraux, les idéologues des privatisations (voleurs des biens publics), décideurs économiques… qui ordonnent, pour la rentabilité de leurs entreprises, de couper le chauffage et la lumière aux pauvres gens en plein hiver!

De voir que nous étions si nombreux ce matin si froid  m’a fait chaud au cœur.

D’autant que je voudrais rappeler que c’est ce même Dominique qui a, pendant le mouvement des chômeurs en 1997/98, avec “AC!”, mobilisé un petit groupe de militant(e)s, joué les contradictions entre Mairie et Conseil régional, et obtenu, à force d’obstination, la gratuité des transports (métro, bus et train) pour les chômeurs de Haute-Garonne!

Alors chapeau! Et solidarité avec des chics types !

Caillou, le 16 janvier 2010

Résultat, le 21 janvier :
http://www.lematin.ch/flash-info/monde/toulouse-agent-edf-robin-bois-mis-pied-21-jours

Georges

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Georges, en 1945 ou 1946, le regard fou du déporté…

LYON, 1er janvier 2010. Décès de Georges BERNARD
Ancien déporté de Mauthausen, ancien résistant des Maquis de l’Ain et du Haut-Jura,

membre du bureau de l’Amicale Nationale de Mauthausen, membre du comité directeur de la FNDIRP,
vice-président de la Licra Rhône-Alpes, officier de la Légion d’honneur, médaillé de la Résistance.
Georges Bernard ayant fait don de son corps à la science il n’y aura pas de cérémonie
mais un hommage sera rendu ultérieurement. Ayez une pensée pour lui.

Caillou, 6 janvier 2010


Vous parlerez longtemps du résistant, du déporté, de l’homme courageux qu’il a été et vous aurez raison. Oui, Georges a été tout cela, un homme de conviction, toujours aux services des autres et des causes qu’il défendait, hier dans le maquis et dans les camps mais, bien après, dans la lutte contre l’oubli, contre le racisme et l’antisémitisme, pour la justice sociale, la paix et la liberté. Si vous êtes si nombreux aujourd’hui, autour de lui, c’est bien pour lui rendre cet hommage, et c’est bien. Georges était un homme bien !
Mais je voudrais parler de l’homme tout simple, de celui qui se baignait avec ses cousins dans la Loire, de celui qui aimait les huîtres et le vin blanc, de celui qui aimait rire, de celui qui avait peur face à la maladie mais qui ne se plaignait pas… qui ne voulait pas déranger… qui gardait sur le travail des autres le profond respect lié, je crois, à ses convictions politiques. Mais je voudrais parler de l’homme qui doutait, et qui, au soir de sa vie, en faisant le bilan, se jugeait durement. En oubliant que la folie de ce qu’il avait vécu là-bas, à Melk, à Ebensee, l’autorisait à ne pas avoir été raisonnable en se jetant à corps perdu dans le militantisme, en se moquant de construire une carrière professionnelle …
Mais je voudrais parler de cette vie qui lui fut si dure dans toutes ces années d’après guerre, de sa mère devenue folle, qu’il soutenait, de toutes ces visites dans les asiles psychiatriques… Divorce, séparation, solitude, soucis de toutes sortes, mais toujours pour lui l’amitié des copains. Les copains, la liste en est si longue qu’il faudrait un bottin, et il en est tellement aujourd’hui qui ont disparu. Dans toutes ces années où ses compagnons, les rescapés des camps, étaient pour lui si importants, comme si entre eux au moins ils pouvaient se comprendre.
Je voudrais parler de son sens de l’humour, de l’autodérision. Des jeux de mots énormes, des blagues incroyables… Georges parlait de sa vie, après la déportation, comme d’une « portion de rab » qui ne méritait pas qu’on la prenne au sérieux. Je le revois avec Mimile, avec Gilles, avec Blanchard, Ficelle et tous les autres, les hommes de l’Amicale ! Il faudrait retrouver les souvenirs si drôles qu’ils se racontaient entre eux, pourtant issus de l’univers concentrationnaire. Le petit poisson sautant de l’eau et avalé tout cru sous les éclats de rire des camarades, ce juif hongrois du nom de Lazare que vous mettiez en tandem avec un Français du nom de Garcin, pour faire Garcin-Lazare…
Georges était toujours près pour une bonne blague, autour d’une bonne table, avec des bons copains, et il aura, je crois toujours essayer de rire… Alors je te le souhaite du fond du cœur, où que tu sois Georges, de rire très fort avec tes camarades…
Tu n’étais pas seulement un homme bien, réduit à tes faits d’armes, à tes honneurs, à tes décorations, tu étais aussi un homme tendre, avec des doutes, des peurs et des contradictions, un homme tout simple mais droit. Alors pour tout ce que tu m’as donné, pour cette voie tracée, merci, mon père.

Pressé comme un centre d’appel

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Pressé comme un citron contre la vis en verre
Pressé comme un lavement, comme un poisson ouvert
Pressé comme l’usager des transports en commun
Pressé comme un enfant qui ne comprend plus rien

Tu te sens ce matin la bouche pleine d’aphtes
Et couvert d’eczéma de peur que l’on te cafte
Car t’as pris un peu d’temps juste entre deux appels
Juste le temps d’un regard vers le ciel qui t’appelle

Mais la boite est vendue à quelques fonds d’pensions
Elle est maintenant gérée par les Américains
L’Europe l’a voulue, on vole les citoyens
La mise en concurrence est un leurre pour les cons.

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Pressé par des délais devenus autoritaires
Pressé par les contrôles des chefs qui s’exaspèrent
Pressé par l’écouteur vissé dans les oreilles
Le micro sur les lèvres, tu cries dans l’appareil

L’écran devant tes yeux montre le temps qui fuit
Tu dois finir ta phrase dans 2 secondes et demie
Mais ce connard te coupe. Le v’la qui t’injurie
Et tu le prends pour toi. C’est toi qui le pourris

Mais la boite est vendue à quelques fonds d’pensions
Elle est maintenant gérée par les Américains
L’Europe l’a voulue, on vole les citoyens
La mise en concurrence est un leurre pour les cons!

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Pressé d’en terminer tu refais un effort
Le bruit du téléphone traverse tout ton corps
Et tu l’entends crier dans une chambre vide
Pourras-tu dire pas cœur ce discours si limpide ?

La fenêtre est ouverte dehors il fait si beau
Encore une fois rentrer dans le petit studio
Où personne ne t’attend, où personne ne t’aime
Puis revenir demain s’accrocher à la chaîne

Mais la boite est vendue à quelques fonds d’pensions
Elle est maintenant gérée par les Américains
L’Europe l’a voulue, on vole les citoyens
La mise en concurrence est un leurre pour les cons!

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Et c’est encore une fois un client qui raccroche
Le cadre est là debout et les poings dans les poches
On t’as bien dit “sourire”! Tu est bouché ou quoi ?
On fait pas l’objectif et c’est à cause de toi !

Tu avais un métier du temps des télécoms
Tu n’est plus qu’un emploi que l’on peut mépriser
Ton savoir est parti dans les boîtes privés
Et toi tu te sens bête, juste avant qu’on te gomme

Mais la boite est vendue à quelques fonds d’pensions
Elle est maintenant gérée par les Américains
L’Europe l’a voulue, on vole les citoyens
La mise en concurrence est un leurre pour les cons!

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Non ce n’est plus possible, y’a plus de solution
Tu t’approches du vide, c’est au cinquième étage
tu te jettes et tu meurs ! Mais tu sors de la cage
Et pour les grands patrons il n’y a pas de sanction

Le temps se rétrécit et ton sang est très rouge
L’argent devient le maître absolu de nos vies
L’entreprise qui t’étrangle et t’arrache ta vie
Disparaîtra bientôt ! C’est le monde qui bouge

Mais la boite est vendue à quelques fonds d’pensions
Elle est maintenant gérée par les Américains
L’Europe l’a voulue, on vole les citoyens
La mise en concurrence est un leurre pour les cons!

Caillou, 17 décembre 2009

Le rire gras des incendiaires

Eric Besson a annoncé, hier, la création d’un groupe de travail sur les «mariages gris». Une nouvelle expression créée pour l’occasion par le ministre de l’Immigration. Elle qualifie l’union d’un(e) Français(e) avec une personne étrangère qui l’aurait manipulé dans le simple but d’obtenir la nationalité française.

Le rire gras des incendiaires
et les sourires des commentaires
les appels fiévreux du matin
les voix qui viennent et s’entrechoquent
sur les visages et les portes
les bras levés des enfants juifs
les ombres portées sur les notes
les géants blancs, le noir des bottes :
l’élégance d’un entrefilet

C’est un cauchemar? C’est le silence
lorsque le réveil se dérobe
et que l’insomnie nous dépose.
Il n’y a plus rien! La résurgence
Le ” pas possible!”
d’un retour à la case départ
au rire gras des incendiaires

Ne plus pouvoir fermer les yeux
ne plus savoir comment l’on peut
échapper au phrases des uns
et aux silences des autres enfouis
Les friches sont irrémédiables
Il y a trop de bruit dans la rue.

Caillou, 1984 (Pour rappel, 1984, c’est l’année de l’apparition du FN.)

Juste un moment subtil

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Quand elle chante près de moi et qu’elle est fatiguée
sa voix déraille un peu. Elle est juste pourtant.
Elle est chaude et humaine et précise à la fois.
Quand je l’entends chanter, j’ai envie de pleurer.

Bien plus aigue que moi, elle n’a pas de puissance
mais elle dit beaucoup plus que les mots ne peuvent dire.
Elle dit toutes les comptines murmurées à l’oreille
Elle dit l’histoire lue quand les yeux se referment

Il faut être tout prêt pour pouvoir l’entendre
Prêt à sentir en soi l’enfant qu’on est encore
Ou peut être l’amant à la petite mort

Ce n’est ni mon amante ni ma mère ni ma femme
C’est une amie qui chante dans tout ce brouhaha
Dont parfois j’entrevois le secret de la voix.

Caillou, le 22/11/2009

Lire Montesquieu? Pourquoi pas?

Réflexions…

Après le vote de l’Assemblée Nationale, en juillet dernier, autorisant l’ouverture des magasins le dimanche… (Vous trouverez sur ce blog de nombreuses pages sur ce sujet).
Il ne s’agissait pas d’une décision politique, mais d’une décision idéologique, fondamentale, sur le type de société dans lequel nous voulons vivre.
Caprice du Prince, sans autre justification que celui d’obéir au lobby de la grande distribution…
Ces réflexions m’ont amené, curieusement, à lire Montesquieu. (Je ne dis pas relire! Je ne l’avais jamais lu, juste entendu parler…) Oui, ce Montesquieu que nos gouvernants citent tout le temps, dont ils font tout un plat… Le Montesquieu de l’esprit des lois, celui de la non-confusion des pouvoirs, base de notre Constitution politique. En voici le texte fondateur :

La séparation des pouvoirs
par Charles de Secondat, baron de La Brède et de Montesquieu
Extrait de « De l’esprit des lois »

Il y a, dans chaque État, trois sortes de pouvoirs : la puissance législative, la puissance exécutrice des choses qui dépendent du droit des gens, et la puissance exécutrice de celles qui dépendent du droit civil. (c’est le pouvoir judiciaire!)


Par la première, le prince ou le magistrat fait des lois pour un temps ou pour toujours, et corrige ou abroge celles qui sont faites. Par la seconde, il fait la paix ou la guerre, envoie ou reçoit des ambassades, établit la sûreté, prévient les invasions. Par la troisième, il punit les crimes, ou juge les différends des particuliers. On appellera cette dernière la puissance de juger ; et l’autre, simplement la puissance exécutrice de l’État.


La liberté politique, dans un citoyen, est cette tranquillité d’esprit qui provient de l’opinion que chacun a de sa sûreté ; et, pour qu’on ait cette liberté, il faut que le gouvernement soit tel qu’un citoyen ne puisse pas craindre un autre citoyen.


Lorsque, dans la même personne ou dans le même corps de magistrature, la puissance législative est réunie à la puissance exécutrice, il n’y a point de liberté ; parce qu’on peut craindre que le même monarque ou le même sénat ne fasse des lois tyranniques, pour les exécuter tyranniquement.


Il n’y a point encore de liberté, si la puissance de juger n’est pas séparée de la puissance législative et de l’exécutrice. Si elle était jointe à la puissance législative, le pouvoir sur la vie et la liberté des citoyens serait arbitraire ; car le juge serait législateur. Si elle était jointe à la puissance exécutrice, le juge pourrait avoir la force d’un oppresseur.


Tout serait perdu, si le même homme, ou le même corps des principaux, ou des nobles, ou du peuple, exerçaient ces trois pouvoirs : celui de faire des lois, celui d’exécuter les résolutions publiques, et celui de juger les crimes ou les différends des particuliers.

Aussi, comparons :
Si le Président s’empare de tous les leviers de commande,
(ce qui est le cas avec le Président actuel)
Si on élit les député(e)s en même temps que le Président
(ce qui est le cas avec le quinquennat actuel)
Si les député(e)s du parti du gouvernement ne doivent leur future désignation qu’à la direction de leur parti et que celui-ci est tenu en main par le Président.
Il y a confusion entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif.

Alors, que reste-t-il de Montesquieu dans le régime de Sarkosy ? Le pouvoir judiciaire ? L’indépendance de la justice? Pour combien de temps encore! Il y a quelque chose de pourri dans ce régime ! Mais je ne suis pas un grand connaisseur de ces choses, éclairez ma lanterne, vous mes lecteurs de l’ombre, j’attends vos commentaires…

Caillou, 11 novembre 2009

D’où vient ce son étrange et fort

D’où vient ce son étrange et fort
D’où vient ce son, encore, encore

D’où vient ce son étrange et fort
D’où vient ce son, encore, encore
Je l’entends rouler  sur la plaine
Où les armées sont rassemblées
Rien n’étouffera les cris de haine
De ceux qui ne veulent plus rêver.
D’où vient ce son étrange et fort
D’où vient ce son, encore, encore

Il ne faut pas changer de mesure
Il ne faut monter ni descendre
Rester la tête sous la cendre
Il faut rester là dans l’allure
Et même si cela nous chante
Ne pas céder aux tentations
et camper sur nos positions
Il ne faut monter ni descendre

D’où vient ce son étrange et pur
D’où vient ce son étrange et fort
D’où vient ce son qui crève les murs
Est-ce la colère qui nous mord
On ajoutera des musiques
des sons de basse électronique
peut-être même des grelots
ou des filles qui viendront là-haut

Quand les salariés se suicident
pour échapper à la terreur
Quand ils se jettent dans le vide
se frappent au couteau dans le cœur
se droguent, se saoulent, et deviennent dingues
Sur le silence des décideurs
On veut ce son étrange et fort
On veut crier, encore, encore.

Quand les sociétés anonymes
ayant mangé les subventions
Déménagent toutes les usines
et prennent l’ouvrier pour un con
Alors pour les acteurs du monde
Qui se retrouvent sur le tas
On veut ce son étrange et fort
On veut crier, encore, encore.

J’étais sur la route 66
dans ma Chevrolet vert et bleu
roulant au bord du précipice
je suis arrivé à l’an deux
j’avais laissé les cris de haine
tous les morceaux de la colère
là-bas au loin le vent se lève
je suis arrivé à l’an deux

L’an deux de la révolution
Quand on a détruit le vieux monde
Rien ne s’oppose aux créations
Des futurs riants du bonheur
L’an deux de la révolution
Comme c’est le seul avenir possible
Avec ce son étrange et fort
Nous chanterons, encore, encore.

Mais on ne changera pas de mesure
on ne s’arrêtera pas aux murs
on restera là dans le pur

Un blues à New York

New-York, Greenwich village, Blecker Street.

Il n’y a rien, de simple et pas trop cher pour manger. On finit par aller dans une pizzeria où le serveur nous fait une pizza énorme, avec des anchois. C’est absolument délicieux et finalement on arrive à tout manger jusqu’au bout. Naturellement je me tache la belle chemise blanche ! Je me sens tellement manche avec cette langue à laquelle je ne comprends rien, ces coutumes étranges, cette conversion entre l’euro et le dollart argent qui ne me paraît toujours pas très clair.

Enfin nous arrivons au Terra Blues, la vraie boîte de blues du quartier. Le patron dit d’ailleurs que c’est la seule vraie boîte de blues de toute la ville ! C’est au premier étage, en haut d’un escalier. Nous ne payons pas à l’entrée, mais c’est encore très tôt.

On ne voit presque rien. Le lieu est sombre et rouge avec une décoration affreuse, le genre surréaliste, masques et corps de plâtre blancs s’effilochant en draps de long des voûtes. Un bar face à l’entrée, une scène au fond et entre les deux des petites tables avec des chaises et des banquettes le long des murs. La serveuse nous conduit à une table et l’on s’assoit sur la banquette. Il n’y a pas encore grand monde. Un couple de noirs, au milieu de la salle, qui se roulent des pelles, 3 ou 4 Françaises qui parlent tout le temps et des blancs, des américains, qui sont au premier rang, à gauche de la scène. Eux doivent être de vrais amateurs car ils se taisent et regardent le chanteur qui est assis sur la scène, juste devant eux.

Le vieux type qui officie ce soir c’est Ray Schinnery. Il a une casquette vissée sur la tête et des lunettes ce qui fait que l’on ne voit jamais ses yeux et très peu son visage. L’éclairage de scène ne vient que du haut. Il joue d’une guitare électrique, un jeu un peu rapide, dès fois un peu brouillon, incertain dans les notes, mais dont l’intérêt est qu’il retombe toujours sur ses pattes, dans le temps. Il reprend des blues classiques, parfois lents, parfois plus cognés, à deux ou trois exceptions près, dont une chanson de sa composition, qui a l’air bien triste.

Il chante bien sur et c’est sans effets, sans trémolos, sans artifices, juste un blues dès fois un peu parlé, dès fois plus chanté, qui ne va jamais dans le décoratif. C’est tout juste s’il scande d’un “yeah” certaines fins de phrases, ou d’un rire. Il parle très peu entre les morceaux et regarde juste sa montre et puis il repart… Je reconnais quelques mélodies.

Un papier sur la table indique l’on doit consommer au moins 2 fois par set. Nous prenons 2 bières, des gros demis à la pression, elle est plutôt bonne d’ailleurs… Et l’on se prépare pour une bonne soirée de blues. Le groupe suivant c’est le Saron Creenshaw Band. Il y a un entracte. Avant la serveuse fait passer un seau à champagne en guise de chapeau et annonce que c’est “pour le band”.

Pendant l’entracte, la sono passe des très vieux enregistrements qui grattent. Le public arrive de plus en plus. Un couple d’asiatiques qui se met au premier rang à droite de la scène et qui, sans un regard pour le chanteur revenu, se met à parler et à rire très fort. Il y a toujours les Françaises qui rigolent. Au fond, aussi, de l’autre côté de la salle, vers les fenêtres qui donnent sur la rue, il y a tout un groupe qui gueule !

Ray revenu sur la scène, un couple de New Yorkais vient s’asseoir juste devant nous. La quarantaine bien avancée ils se draguent et ne jettent pas un regard vers le chanteur. Et cela papote, papote. J’ai l’impression d’être dans une volière avec une musique d’ambiance en fond sonore. Pourtant ce vieux bonhomme est tout à fait émouvant. Il est certainement meilleur dans les blues rapides et scandés que dans les ballades lentes, mais je trouve qu’il mérite mieux que ce public de blasés, ce public d’habitués du blues en public…

Du coup cela me met en rogne. Je ne nous vois pas rester pour un deuxième groupe, repayer des bières alors que ma compagne n’en a pas envie… Et malgré tout on se décide à partir… Un peu écœuré.

Sur d’autres dépliants, pour d’autres boîtes de Jazz, il était indiqué qu’il était interdit de parler, ce qui nous avait choqué… Mais maintenant je comprends mieux pourquoi !

Caillou, 17 juin 2009