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On peut tuer le rêveur… mais on ne peut pas tuer le rêve.

Policiers arrêtant des participants lors d’une manifestation contre la ségrégation.
Jackson (Mississippi, Etats-Unis), 24 juin 1966
© 1976 Matt Herron / Take Stock / The Image Works / Roger-Viollet

Hier soir (28/8/13), à l’occasion du cinquantième anniversaire du discours de Martin Luther King « I have a dream » la chaine ARTE diffusait un film : « Bande originale d’une révolution » (79 mn).
Au même titre que la non-violence, le chant fut le pilier, souvent méconnu du mouvement des droits civiques. Face aux exactions de la population et à la répression des autorités dans les villes ségrégationnistes, les activistes du mouvement opposèrent en musique une résistance pacifique. Preuve de leur détermination et signe de ralliement, des morceaux comme « We shall overcome » ou « This little light of mine » devinrent des hymnes à la liberté. Interprétés par des artistes comme Wyclef Jean, Angie Stone ou Mary Mary, ces airs alternent avec des images d’archives des grandes marches retraçant l’histoire de la lutte pour les droits civiques. Les témoignages de militants de cette cause comme Lula Joe Williams et John Lewis complètent ce film passionnant.

Il sera rediffusé le mercredi 11 septembre à 3h10 (donc en pleine nuit)
On peut aussi le voir avec un ordinateur avec « ARTE REPLAY »:
http://www.arte.tv/guide/fr/048918-000/bande-originale-d-une-revolution?autoplay=1

C’est bête, je sais, mais j’en ai chialé tout seul devant mon écran et les larmes, c’est pas du tout bon pour le clavier.

Caillou, le 29 août 2013

 

Lettre à un garçon

Salut, garçon !
On ne se connaît pas, mais ce n’est pas un problème, c’est peut-être même un avantage : on peut se dire des choses qu’on n’oserait pas dire à un père, à un frère et même, parfois, à ses meilleurs amis. On ne se connaît pas, c’est Florence qui m’a demandé de t’écrire. Une amie qui habite à Paris et qui s’occupe de Zéromacho, un réseau d’hommes engagés pour l’égalité femme-homme.

Ainsi donc, tu t’es pris un râteau. Ou tu as peur de t’en prendre un. Tu la vois de loin, cette fille de ta classe, la jolie blonde aux longs cheveux, qu’elle ramène souvent vers l’arrière, d’un geste vif de la main, quand elle rigole avec ses copines. Depuis la rentrée tu la regardes du coin de l’œil et, tu peux bien l’avouer, elle hante tes nuits. Quand tu éteins la lumière, avant de t’endormir, elle est sur tes genoux, nue bien sûr, et elle ramène ses longs cheveux blonds d’un geste vif en souriant, tandis que tu découvres son corps et qu’elle aime ça… Bon, j’arrête là. La suite, tu la connais, pas la peine de te faire un dessin.

Sauf que rêve et réalité, c’est totalement différent. Dans la journée, cette fille ne te voit pas. Tu es transparent pour elle. Un parmi tous les autres, dans un groupe qu’elle fait semblant d’ignorer : les garçons de la classe. Eh bien, détrompe-toi !

Elle est comme toi ! Elle sait très bien qui tu es. Elle aussi elle rêve de garçons le soir en s’endormant. Peut-être pas de toi, peut-être d’un autre, mais elle en rêve aussi. Elle s’endort avec l’idée qu’un garçon découvre son corps et le trouve beau, qu’elle puisse elle aussi toucher le corps de l’autre. Les filles ne sont pas des statues. Elles ont aussi des désirs et des envies. Les idéaliser ne te sert à rien.

Il y aurait, paraît-il, une petite différence : elles y mettent de l’amour. Elles n’imaginent pas faire l’amour sans amour. Pour les filles, le corps, le sexe, ce doit être très bon mais seulement si c’est avec autre chose : une attirance, de l’amour. Et il paraîtrait que les garçons se sentent ridicules quand on parle de ça ? Les garçons ? C’est vrai, je peux en témoigner. Au pluriel, les garçons en rigolent. Mais au singulier ? Toi, garçon, avoue-le, si c’est cette fille-là que tu observes tout le temps, et pas une autre, si c’est celle-là que tu rêves de sentir nue sur tes genoux, si c’est de celle-là surtout que tu crains de te prendre un râteau, c’est bien parce que tu l’aimes. C’est aussi de l’amour que tu parles. Mais tu ne le diras pas à tes potes.

D’autant que ce n’est pas d’amour que parlent les films que tu regardes sur l’ordinateur. C’est de pornographie et cela n’a rien à voir, ni avec l’amour, ni avec la sexualité. C’est du théâtre où rien n’est vrai. Des bites d’une longueur pareille ? Tu regardes ton sexe et tu te dis que ce n’est pas le même ! Tu as raison. C’est le tien qui est vrai. D’abord parce que c’est ton pénis et que tu vis avec, et pas celui d’un autre que tu n’as jamais vu ailleurs que dans ces films. Ensuite parce les producteurs ont mis des années avant de les trouver, ces très rares types aux sexes surdimensionnés. Enfin, parce que si tu vois plusieurs de ces films tu remarqueras que ce sont très souvent les mêmes acteurs qui jouent avec leurs bites. Non, mon garçon, ton pénis est comme ceux de l’immense majorité des hommes, il est normal, et ces films mentent. Et puis ces filles, si jolies, qui rient alors qu’elles se font enfiler par tous les trous, tu les crois vraies aussi ? Eh bien non, ce ne sont, dans la réalité, que  des femmes poussées par la misère, maquillées, coiffées, qui font ce qu’on les paie pour faire, pour te faire croire, à toi, garçon, que ce qu’elles subissent est vrai et qu’elles aiment cela. Alors que c’est un simulacre qui n’a rien à voir avec la sexualité. Les femmes n’aiment pas les « gang bang » ni les éjaculations faciales, ni les fellations, pénétrations, sodomisations à la chaîne, ni les humiliations, ni la souffrance. Et tout cela est très loin de cette jeune fille blonde qui est dans ta classe, et que tu aimes (sans te l’avouer).

Alors, pris entre les rires gras des copains, la pornographie, la ségrégation de fait qui, dans la classe et dans la vie, sépare les garçons et les filles, pris entre ce désir de jouir, le fait qu’il ne se réalise pas tout de suite, et cet amour que tu n’oses pas avouer et t’avouer, tu as peur d’elle et tu peux devenir haineux. Tu peux te réfugier dans le mépris des femmes.

J’ai autre chose à te proposer. Changes ton regard sur ton propre désir !

Vas-y sincèrement et courageusement ! Sachant qu’elle aussi te regarde et qu’elle en a peut-être envie, propose-lui d’aller avec elle discuter sur un banc, montre-lui le monde, écoutez ensemble les oiseaux dans les arbres, regardez le soleil qui se couche ! Elle craint peut-être ton appétit sexuel de garçon ; alors, oublie ce rôle qu’on veut t’imposer et prends ton temps ! Laisse-toi aller à ces confidences et ces sourires où rien d’autre ne se dit que le plaisir d’être ensemble. Tu n’es pas un garçon parmi les autres puisque tu es toi, un être unique avec tes craintes et tes richesses. Mais elle aussi n’est pas une fille parmi d’autres. Elle aussi est unique. Rejetez ces groupes où on se compare et où on se contrôle ! Et vous deviendrez peut-être autre chose : un couple ! Mais vous avez tout le temps. Prends la vie comme elle vient ! Et avec elle vous arriverez ensemble à faire l’amour.

Allez, vas-y, elle t’attend peut-être avec autant d’impatience que toi !

Si ce n’est pas ce qui se passe, si elle te rejette dès que tu l’abordes, tu seras triste. Tu voudras pleurer. Mais parce que c’est elle que tu aimais, parce qu’elle t’attirait, parce qu’elle était (à tes yeux) si belle, ce sont de bonnes raisons d’être triste.

La mauvaise serait que ton orgueil en prenne un coup.
La mauvaise ce serait de te rejeter dans un camp contre l’autre.
Courage ! Tu as toute la vie devant toi.

Je t’embrasse.
Caillou
Un vieux type qui est passé par là. Ce qui est le cas de tous les hommes autour de toi.

Caillou, le 3 mai 2013

Samarcande

J’irai à Samarcande quand j’aurai 18 ans
Quand la vie s’ouvrira devant moi comme un fleuve
dont les flots impétueux emportent ceux qui peuvent
Se libérer vraiment de la loi des parents.

J’irai à Samarcande. La route de la soie
Sous le soleil d’argent m’emmènera vers la ville.
Ses coupoles vert émeraude ont des rêves immobiles
Qui attendront un peu que je trouve un emploi.

J’irai à Samarcande, quand j’en aurai le temps
Quand les enfants auront le pied à l’étrier
Et qu’ils seront partis pour aller travailler
Je verrai dans le ciel l’étendard rouge sang

J’irai à Samarcande pour la retraite. Enfin
Plus d’horaires, ni contraintes, ni de chef ni de lois
Avant que d’être vieux j’irai suivre ma voie
Errer dans ses ruelles pour sentir le jasmin

Dans le bleu indigo pour un dernier voyage
Tu déposeras mes cendres dans le sable endormi
Puis tu repartiras pour vivre à fond ta vie
J’irai à Samarcande quand je n’aurai plus d’âge.

Caillou, 5 avril 2013

Avec les 6 mots de Christiane:
bleu indigo / vert émeraude / rouge sang / soleil d’argent / jasmin / Samarcande.
Merci pour elle

Les euphémismes mous.

Une chanson, avec « la teigne », jouée en samba…

Les euphémismes mous c’est la langue bâtarde
Car les mots sont des armes qui servent aux vainqueurs
C’est la démocratie des mots c’est le pouvoir
De tous les mots anciens il n’est plus rien resté

J’entends prolétariat devenu salarié
L’ouvrier disparaît vive le personnel
le collaborateur ou même l’employé
n’est pas celui qui fait mais celui qui reçoit.

J’entends le balayeur technicien de surface
La caissière fait hôtesse, le flic gardien d’la paix
Et patron c’est un mot qui ne fait plus très classe
Devenu entrepreneur, il nous fera rêver.

L’aveugle est malvoyant, le sourd mal entendant
Le handicap une chance pour être différent
Et ne plus dire arabe ou noir mais issu de
Ce mot énigmatique qu’est la diversité

Le vieux c’est troisième âge, plus vieux c’est quatrième
Après il n’a plus rien et la mort s’accompagne
Et des soins palliatifs nous voilà rassurés

J’entends licenciement en restructurations
Plan social, pôle emploi… Le chômeur disparaît
Dans un parcours d’accès à l’emploi désiré
Le clochard n’est plus là devenu SDF

L’usine n’existe plus c’est un établissement
J’entends mouvement social pour des occupations
La grève a ses otages, les grévistes fainéants
La bourse a des valeurs, on ne dit pas pognon !

J’entends l’argent devenu les valeurs capitales
La culture qui se vend comme une consommation
La santé qui se gère comme une belle entreprise
Trop de charges, trop d’impôts, laissez nous respirer

Caillou, 20 février 2013

On peut lire à ce sujet: LQR la propagande au quotidien
d’Éric Hazan publié en 2006 chez Raisons d’agir

Le pâté aux alouettes.

Réminiscence. Dans les années cinquante, j’avais entendu cette blague, et elle a un drôle de goût aujourd’hui.

Deux types se rencontrent à un passage clouté. Ils se reconnaissent. Ce sont des anciens copains de régiment. Mais si le premier est habillé tout à fait modestement, en blouson et casquette, l’autre est en costard taillé sur mesure, manteau d’alpaga avec col de fourrure, chaussures italiennes, lunettes de soleil de marque et sac en croco. Continuer la lecture de Le pâté aux alouettes.

Moi je fais semblant de dormir.

Une chanson écrite et qui doit être chantée par une femme…

Moi je fais semblant de dormir
Dans ce grand lit qui devient froid
Et je t’entends toi qui t’en vas
Ce que tu m’as dit était pire

Mais nous ne vivrons plus ensemble

J’entends la porte qui se ferme
Je sais que tu ne reviendras pas
J’ai ton odeur dans mes draps
De notre amour c’était le terme

Et nous ne vivrons plus ensemble

Dans le couloir qui résonne
le bruit de ton pas qui décroît
creuse mon cœur comme un effroi
et je sens que je déraisonne

Car nous ne vivrons plus ensemble

J’entends le bruit de ta voiture.
Comment vais-je vivre sans toi ?
Tu pars vers d’autres aventures
Vers d’autres lits et d’autres bras

Et nous ne vivrons plus ensemble

Et le silence qui s’installe
face au tumulte de ma peur
est épais comme une clameur
il a la lourdeur d’une dalle

Mais nous ne vivrons plus ensemble

Puis

Je vais me lever tout à l’heure
faire du café et repartir
me reconstruire un autre avenir !
Tu ne méritais pas mes pleurs.

Caillou le 10 février 2013

LA SALAMANDRE

Il était une fois, dans une grande maison au bord de l’océan, trois filles qui passaient des vacances heureuses, avec leurs parents. Elles faisaient beaucoup de bêtises. Juliette était courageuse, Emma était savante, Nahia était maline.
Un après-midi où tout le monde dormait en faisant la sieste, attendant qu’il fasse moins chaud pour aller sur la plage, elles jouaient dans le jardin. Nahia eut l’idée d’aller ouvrir la porte du cabanon, où les habitants de la maison rangeaient leurs outils de jardin.
Elles entrèrent donc toutes les trois dans l’ombre, un peu poussiéreuse. Derrière la vieille tondeuse à gazon, Juliette trouva une cage un peu rouillée et dedans un drôle d’animal, tout petit, tacheté de jaune et de noir, qui dormait profondément.
« Oh, regarde comme il est mignon… Qu’est-ce que c’est ?»
Emma répondit : « Avec ses petites pattes, je crois que c’est une salamandre… Elle dort, et pourtant nous avons fait beaucoup de bruit ! »
Juliette, inconsciente du danger, n’ayant jamais vu ni entendu parler des salamandres, ouvrit la porte de la cage et passant la main à l’intérieur, elle caressa tout doucement la tête de la petite bête.
« C’est un peu chaud ! »
Celle-ci ouvrit un œil, mais, n’ayant pas mangé depuis très longtemps, elle n’avait pas de forces et elle continua à somnoler.
« Viens, on va jouer dans l’herbe… Elle n’est pas drôle cette bestiole … » s’écria Nahia, et elles retournèrent à leurs rires, jouant à se cacher dans les hautes herbes tout au fond du jardin.
Mais Juliette avait oublié de refermer la porte de la cage…

Plus tard, quand leurs parents se réveillèrent, elles allèrent à la plage. Jouer dans le sable, creuser des tunnels, monter des tours de châteaux, ramasser des coquillages, à quelques pas des vagues si puissantes qui se fracassent avec des bruits énormes, c’était super ! Les petites filles ne pouvaient pas vraiment se baigner, mais il suffisait de rester quelques temps les pieds dans l’eau pour se retrouver toutes mouillées.
En fin d’après-midi, en rentrant à la maison et en remontant sur la dune, Emma remarqua dans le sable une piste toute fine, une trace toute en s, qui se dirigeait vers l’océan. Mais elle ne dit rien, ayant complètement oublié le petit animal de la cabane à outils.

« Il faudrait peut-être coucher les enfants, il doit être tard ? » Demanda la maman de Nahia. Regardant sa montre, la mère d’Emma répondit : « C’est incroyable ! Il est déjà 22 heures… »
« Et le soleil n’est pas couché ? » constata celle de Juliette.
Tous les adultes regardèrent le ciel. Il était encore tout clair et les quelques nuages qui tout doucement le traversaient étaient nimbés de rouge.
« Il devrait faire nuit depuis longtemps ! » Les grandes personnes étaient interloquées. Et brusquement l’un des papas s’écria : « Il faut aller voir ce qui se passe ! Allez les enfants on s’habille et on y va. »
Juliette, Nahia et Emma allèrent, sur les épaules des grands, bien emmitouflées dans leurs vestes polaires. Sur le chemin qui menait à la dune et à l’océan, ils rencontrèrent d’autres vacanciers qui se dirigeaient comme eux vers le coucher de soleil. Et arrivés là, au sommet de la dune, elles découvrirent une foule immense.
Toute la ville était là qui regardait le soleil à moitié enfoncé dans la mer, là-bas, au loin, sur la ligne d’horizon.

coucher de soleil salamandre

La grosse boule du soleil, devenue un peu ovale, était d’un très beau jaune, mais elle ne descendait plus.
Et les enfants virent bien que le soleil était mordu par une petite ombre, toute rouge et qui se débattait.
La maman de Nahia s’étonna :
« Mais c’est un serpent qui s’est emparé  du soleil et qui l’empêche d’aller se coucher ! »
Les fillettes étaient bien embêtées car elles avaient reconnu la salamandre.
Juliette se décida la première et elle se pencha vers l’oreille de sa maman pour lui murmurer : « Je crois que nous avons fait une grosse bêtise. Je n’ai pas refermé la cage… »
« Quelle cage ? » Les parents s’affolèrent…
« … dans la cabane au fond du jardin »
Un monsieur, assis à côte d’eux, dans le sable, avait allumé un transistor et tous les vacanciers écoutaient les informations.
D’un bout à l’autre du monde, le soleil était immobile. Il était suspendu au zénith à San-Francisco en Amérique. Il n’arrivait plus à se lever juste au-dessus de la mer de Chine. Et même en Iran les habitants se rendaient bien compte que la nuit ne bougeait plus …

Et puis le téléphone mobile d’un des adultes, un petit gros moustachu, se mit à sonner.
« C’est la  propriétaire de la maison, c’est Véronique, … Elle demande à parler aux enfants… »
C’est Emma, la plus savante qui pris le portable à l’oreille.
La dame lui demanda si elles n’auraient pas libéré l’animal dans la petite cage au fond du jardin.
La petite fille avait peur de se faire gronder mais elle lui répondit qu’effectivement…
« Alors, retournez tout de suite à la maison… »
Et tout le monde se mit à courir.

Les trois fillettes foncèrent dans le jardin.
Elles s’agenouillèrent devant la cage vide et firent comme l’avait demandé Véronique.
Nahia prit la clef et la fit glisser  sur les barreaux : « Didididididiging, Didididididigingn Didididididiging »
puis elle la donna à Juliette: « Didididididiging, Didididididigingn Didididididiging »
et Emma fit de même à sa suite « Didididididiging, Didididididigingn Didididididiging »

Puis on alla se coucher, et le lendemain, le soleil était revenu au même endroit (il avait dû courir pour rattraper le temps perdu), et la salamandre dormait tranquillement dans la cage, avec encore un petit morceau de soleil rouge entre les dents.

Et mon histoire, elle est finie.

Caillou, 29 septembre 2012.

​Derrière la fenêtre

Vers 16 heures, tu es rentré dans la chambre. Avec le store baissé, celle-ci était un peu dans la pénombre. Marie était seule et semblait dormir. Heureusement qu’elle était disponible cette chambre pour personne seule, à cet étage de l’hôpital. Marie était allongée sur le dos, soulevant à peine les draps, avec les bras bien allongés, le long du corps. Et avec tous ces tuyaux qui la maintenaient en vie.

Entends le bruit sourd des machines
Qui pompent qui surveillent et qui trient
Le goutte-à-goutte d’une perfusion
Le temps qui passe et qui s’enfuit.

Elle ne parlait plus depuis déjà plusieurs heures. En augmentant les doses d’antalgique, le chef de service avait choisi : « plus de douleur mais peut-être plus de conscience non plus. ». Vous étiez d’accord. Marie avait sombré dans un sommeil tout d’abord agité puis de plus en plus calme. Elle n’en sortait plus que pour de courts instants où son regard suivait encore ceux qui étaient, peut-être, pour elle devenus des ombres. Mais elle ne parlait plus. L’infirmière t’a laissé seul en disant : mais, parlez lui. Elle comprend le son de la voix, la musique, la tendresse des intonations même si le sens des mots lui échappent certainement. Vous entendre lui fait du bien.

Alors je parle pour ne rien dire
Je donne des nouvelles des amis
Mais sans réponse, tout tombe à plat
Je ne sais plus quoi dire aujourd’hui

Ses yeux s’ouvraient, elle cherchait du regard et c’est ta voix qui la guidait. Tu t’es penché sur son visage, sentant de tout près son haleine et tu as plongé, une dernière fois peut-être, dans son regard. Tu étais juste là au-dessus d’elle. Et tes mots n’avaient plus aucune importance. Tu caressais sa main tout doucement. Marie ne réagissait plus que par son regard

Je me lève, ton regard me suit.
Je parle pour toi, questions-réponses.
Je te raconte des conneries.
Que veux-tu dire ? Je t’aime aussi ?

Et puis, elle a refermé les yeux. Elle semblait partie déjà très loin dans cette course dont tu connaissais l’issue. Il y eut un long silence, et tu t’es levé pour aller vers la fenêtre. Le store n’en était pas complètement baissé et tu t’es penché pour voir le paysage depuis ce dernier étage de l’hôpital Larrey. On y voit tout le sud de la ville, jusqu’aux collines de Fonsegrive, la vallée de l’Hers et Montaudran.

Quand il pleut derrière la fenêtre,
Comme un linceul de draps mouillés
Dont les plis vibrent d’eau vivante,
Tu poses ton front, le verre est froid.

Cette ville, où vous aviez vécu ensemble toutes ces années de découverte, et qu’elle allait laisser. La vie trépidante, les bagnoles repartant au feu, les avions qui striaient le ciel, les gens courant sur les trottoirs mouillés, tous ces petits bouts d’individualité dans une géante fourmilière grouillante de vie et Marie, derrière la fenêtre, centrée sur sa douleur, acceptant peut-être de partir. Et tu te souviendras longtemps de ce contraste entre la douleur, ton angoisse, le calme de cette chambre d’hôpital, cette fin imminente et la visible continuité du monde. Entre les deux, juste une fenêtre…


Caillou, 25 septembre 2012

Prostitution, toujours…

Université d’été d’ATTAC.- Toulouse
26 Août 2012 – Atelier Prostitution et Mondialisation. 

Présenté par Sandra et Huayra pour la Commission genre d’Attac et Judith Trinquart, médecin

L’organisation de la prostitution à l’échelle mondiale
La commission genre d’ATTAC a travaillé sur la question de la prostitution depuis un certain temps et a publié un livre intitulé « Mondialisation de la prostitution, atteinte globale à la dignité humaine » en 2008.
Pourquoi revenir encore sur cette question en 2012 ?

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