Le médecin :
La zone est interdite aux pompiers, aux ambulances, aux flics, et aux services sociaux. Ils se font caillasser par des bandes d’adolescents dès qu’ils entrent dans le quartier. C’est grave que l’on ne puisse plus aller secourir des gens ! Pas seulement les malades du covid19, mais tout le monde… *1
Le philosophe :
Que voulez-vous dire par zone ? La banlieue de la fin du XIXème siècle, derrière les fortifications de Paris où vivaient les chiffonniers dans des baraques où grouillait la vermine ? *2
La résistante: (ricanante)
Mais non ! Il désigne avec mépris ce que j’appelle moi les quartiers populaires !
Le médecin : (en aparté : Mais quelle glu celle-là !)
J’entends par zone ce que l’on appelle maintenant avec un euphémisme : les quartiers sensibles, les banlieues difficiles… Ces grands ensembles où il n’y a plus aucune mixité sociale ou ethnique et où s’entassent les pauvres, les difficultés… et la délinquance.
La résistante :
La délinquance ? Mais vous n’y connaissez rien ! Vous l’avez lu dans le journal ! C’est une infime minorité de la population des quartiers !
Le médecin :
Mais ce que disent les journaux est grave !
Le philosophe : (docte)
Le confinement a entraîné l’arrêt brutal du trafic de drogue. C’est toute une économie souterraine qui s’est effondrée. Et pour les personnes qui travaillent, et ce n’est pas là qu’il y a beaucoup de télétravail, les emplois se sont raréfiés. Économie informelle et économie réelle sont toutes les deux à l’arrêt. Jusqu’à quand ?
La résistante :
Jusqu’au 11 mai, peut-être ! Mais après, la reprise du travail se fera par les emplois les plus subalternes. Du genre qui se lève tôt et s’entasse dans le métro pour faire vivre des gens comme vous. Les habitants de la zone comme vous dites, vont donc remettre leurs enfants à l’école parce qu’ils n’auront pas le choix !
Le médecin et le philosophe:
Bon ! Vous êtes contre tout. Il faut bien faire quelque chose ! Vous étiez contre le confinement, maintenant vous êtes contre le dé-confinement !
La résistante :
C’est vraiment le bal des faux-culs.Le coronavirus frappe tout le monde mais ses conséquences ne sont pas les mêmes suivant qu’on est puissant ou misérable. Moi je rêve d’une insurrection des quartiers populaires ! *3
Le médecin :
C’est vrai qu’avec tous les voyous qui y règnent en maître, vous avez l’habitude des émeutes.
Le philosophe :
Mais calmez vous. Vous avez un peu raison tous les deux ! Vous n’allez quand même pas en venir aux mains.
La régie :
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*1 https://www.ladepeche.fr/2020/04/20/fusees-cocktails-molotov-grosses-pierres-des-policiers-pris-au-piege-dimanche-soir-a-toulouse,8854450.php
*2 http://peccadille.net/2014/02/04/avant-le-periph-la-zone-et-les-fortifs/
*3 https://www.revolutionpermanente.fr
Ce texte est écrit avec une contrainte de 6 mots, donnés par Agnes:
Zone, Philosophe, Glu, Bal, Résistante, Médecin.
Vous pouvez m’en envoyer 6 autres
Caillou le 3 mai 2020
Et le texte d’Annick
Bal Balbon est encore médecin
Mais plus pour plus longtemps
On vient de lui annoncer un cancer
Une véritable glu celui-là
Il ne l’a pas lâché depuis six mois
Rongé de l’intérieur qu’il est
des petits trous, un peu partout
des voiles aussi qu’ils disent
C’est drôle parce que signe du cancer
et ascendant cancer
Ca devait arriver
Son corps est devenu un territoire hors de contrôle,
Une menace diffuse
Une zone grise, résistante, un problème à combattre
mais il n’en a pas la force
Alors depuis qu’il sait Balbon philosophe,
Balbon soliloque, c’est normal parce qu’il vit seul
le vide s’est installé autour de lui,
trop caractériel lui a t on dit
trop ceci trop cela
SEUL.
Qu’est ce que ça change ?
Sa femme ne reviendra pas. Usée, fatiguée
De s’être ennuyé pendant vingt ans
Seul, terriblement seul
Heureusement, il travaille encore
Ses collègues ont déjà commencé
Trop de malades, trop d’urgence.
On l’attend.
Ainsi que le texte de Maryse:
Le repas improbable
Le bal battait son plein. Les couples se formaient sur la piste et alternaient tangos langoureux et rocks endiablés.
La zone avait été délimitée : une table, éloignée des flonflons près du bar. La table avait été mise avec soin, on avait sorti la porcelaine et l’argenterie, quelques bouquets d’anémones en ornaient le centre.
Le philosophe, la résistante et le médecin se tenaient debout à bonne distance.
Le problème était que : le philosophe refusait de se trouver à côté de la résistante “c’est une véritable glu” disait il. Le médecin en grand spécialiste des corps estimait incompatible de s’asseoir près du philosophe qui n’était pour lui qu’un agitateur d’idées. La résistante, elle, n’envisageait pas une minute de s’asseoir à côté du médecin par crainte d’un nouveau diagnostic qui s’avérerait une fois de plus hasardeux. Elle aurait volontiers posé ses fesses à côté du philosophe au charme certain (bien qu’il ne veuille pas d’elle) mais dans ce cas elle aurait été assise à côté du médecin.
Bon… Si vous avez la solution……
A trois ils nous font la quadrature du cercle! Seraient-ils tous cinquantenaires ?
Mais sans blague, on s’y croirait, bien vu
Caillou, ta table ronde est une très bonne analyse de la situation. Bravo !
Annick, très beau texte, émouvant.
Très bien vu les 3 textes, et les 3 utilisations du mot glu m’ont beaucoup amusé