J’ai revu cette nuit dans un rêve un vieil oncle
Nostalgique pour toujours de l’Algérie française
Qui me parlait du sud, des dunes, du Sahara
Des sauvages bédouins groupés en fantasia
de ces bleds perdus où on le recevait
comme un roi et sa cour en offrant des méchouis
On lui avait donné le plus beau yatagang.
Il n’avait jamais vu la misère aux pieds nus
Les enfants illettrés les mouches et la famine
Les meilleures terres volées, les gourbis reculés
l’immigration vécue comme une humiliation
Après l’indépendance il était devenu
poinçonneur des Lilas
Il a vécu longtemps dans cette France-là
puis il a disparu
comme nous le ferons tous
Ce texte est écrit avec une contrainte de 6 mots, donnés par Claude:
Yatagang, bled, fantasia, regroupement, nostalgie, méchoui.
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Caillou le 2 mai 2020
Et le texte de Maryse
Ici et là bas…
Yatagan était rentré fourbu d’avoir porté et soulevé tant de pavés. Dix ans déjà qu’il était parti abandonnant femme et enfants au bled. Deux ou trois voyages en dix ans et à chaque retour la nostalgie. Ce soir elle envahissait tout son être car demain, là-bas, aurait lieu le grand regroupement annuel. Il n’avait pas faim, il mangea quelques restes de la veille, but un verre de raki et s’allongea sur son lit. Très vite il s’endormit et le rêve l’enveloppa.
“Allez Ali, dépêche toi, il faut y aller”.
C’était la première fantasia de son fils, il était prêt.
Ils arrivèrent sur le site. Des tentes blanches avaient été dressées sous lesquelles les équipes enfilaient leurs costumes. Ali rejoignit ses coéquipiers, Yatagan sur ses talons. Il aida son fils à enfiler sa djellaba blanche, noua le turban sur sa tête et vérifia le moindre détail. Puis, il les laissa entre eux et se dirigea vers l’enclos où Aga Khan, le cheval qu’il lui avait offert en économisant sou après sou, attendait son cavalier. Il avait été harnaché dans la tradition, portant les couleurs rouge et or du village. Il était magnifique.
Tour à tour, les équipes sortaient des tentes. Ali apparut, il était le plus jeune. Il ne regarda pas son père et se dirigea fièrement vers l’enclos. Il donna une tape sur l’encolure d’Aga Khan, vérifia que la selle était bien accrochée et d’un bond sauta sur son dos.
Ils se tenaient tous alignés retenant fermement leurs montures piaffant d’impatience. L’équipe d’Ali était reconnaissable au turban bleu que portaient les cavaliers. Yatagan pria pour que tout se passa bien. Le départ fut donné, ils s’élancèrent faisant tournoyer leurs moukhalas pour enfin tous tirer à la même seconde la salve de la victoire.
La sonnerie du téléphone le réveilla. C’était Ali.
”Papa, papa j’ai réussi”
. “Je sais, je suis très fier de toi”
. Il avait du mal à digérer le méchoui qui avait clôturé les festivités, avala une tasse de thé bien chaud, enfila son bleu et partit sur le chantier.
Bravo ! Belle poèsie . Je vois enfin le Yatagang ! C’est bien d’avoir mis des images. J’attends le prochain avec impatience !
“Ici et là bas”
en 1870, après le passage des cosaques à Paris “vischtra” ( et que ça saute!) devint bistrot en français.
En 2020, après le passage de Maryse ” yatagan” l’arme de poing, s’humanise et devient
Yatagan, le travailleur émigré.
Joli tour de passe-passe, raccourci fort de la vie d’un émigré.
“les bienfaits de la colonisation”
l’auteur ne pouvait pas manquer cette perche tendue, ce rendez-vous sur mesure.
Brossé en peu de mots mais justes, adéquats (brossé, mais un peu vite, peut-être?),
le portrait, de ce colon…comme tant d’autres, qui finit quand même chez Gainsbourg.
Bravo!