Le chemin sentait la noisette. Nous étions en octobre 2020 et pour la première fois l’homme sortait se promener, seul, dans ce bois, le long du fleuve. Âgé, grand, mince, il marchait un peu vouté, d’un pas lent, comme exténué par ces quelques huit mois d’immobilisation forcée. Sa marche était celle d’un grand convalescent faisant ses premiers pas dans les couloirs des hôpitaux. Les cheveux, très longs, cachaient son front et on ne pouvait voir que ses yeux puisqu’un masque en tissu lui mangeait littéralement le visage.
Dans sa maison, pour fêter cette libération, ils avaient bu un peu de champagne en grignotant quelques toasts aux crevettes. La veille au soir, le président avait annoncé la levée partielle du confinement sanitaire au journal télévisé. Et ils avaient préparé cet apéritif pour en fêter le premier jour. Allait-on retrouver le sentiment de faire partie de la société ? D’être utile ? D’être fort ? Il ne le croyait pas. Presque certain que cette assignation à résidence avait cassé en lui bien plus que sa vitalité musculaire, il avait voulu sortir seul, pour la première fois.
L’homme qui marchait dans le sous bois retrouvait cette sensation ancienne : la liberté, celle d’aller où il voulait. Mais il avait compris que cette liberté ne serait plus jamais, pour lui, associée à l’innocence et à l’inconscience de sa propre faiblesse. Il n’y aurait plus jamais de nudité face au soleil.
Ce texte est écrit avec une contrainte de 6 mots, donnée par ma compagne: noisette, masque, champagne, crevette, nudité, soleil.
Vous pouvez m’en envoyer 6 autres.
Caillou, le 16 avril 2020
Très réaliste et nostalgique et pas seulement du passé… Peut-on être nostalgique du futur???
Très joli texte
Je te propose 6 mots : soleil, chant, rouge, Chemin, regrets, vie
Merci pour ton partage
Bravo Caillou,
J’ai tellement l’impression que j’aurais pu écrire ce texte!
Il me touche énormément !
C’est vrai, notre innocence en a pris un coup ! Franchement, je ne vais pas pleurer pour ça !! Je te propose chatouille, gribouille, patouille, ratatouille, magouille et rebelle, parce qu’il en faut bien un. Quant au futur, selon le physicien Philippe Guillemant, il existe déjà sous forme de plusieurs possibles que notre état de conscience actuel rend effectif ou pas.