Je passe rapidement sur des films de Wellman qui me paraissent moins importants, voir carrément mauvais, mais bon, c’est subjectif.
Frisco Jenny qui date de 1932 raconte l’histoire d’une mère maquerelle qui se retrouve confrontée à un procureur et à qui elle ne peut pas dire qu’il est son fils, abandonné plusieurs années auparavant.
Le thème est rebattu dans la littérature de gare “sentimentale”. Par ailleurs les costumes que portent l’héroïne et ses “filles” sont on ne peut plus ridicules, dans le genre plumes et frisottis. Tout cela baigne dans l’invraisemblance et le tape à l’œil. Reste, en contraste, le portrait sans maquillage de l’héroïne (Ruth Chatterton) juste avant son exécution, qui me fait penser à la Jeanne d’Arc de Dreyer (1928).
Tout aussi sentimental mais en plus délirant le film Safe in Hell (1931) très mal traduit à sa sortie par le titre La Fille de l’enfer mais qui serait plutôt Sauvée en enfer, raconte l’enfermement sur une petite île des Caraïbes d’une ancienne prostituée, Gilda (Dorothy Mackaill) accusée d’un meurtre qu’elle croit avoir commis. Elle y attend son sauveur, un brave marin, dans un hôtel au milieu d’une bande de mâles en rut. Un ramassis d’escrocs réfugiés, comme elle, sur cette île dont le gouvernement n’a signé aucun accord d’extradition. Tous les personnages sont un peu stéréotypés ainsi que le flic qui les surveille. Cela sent le carton pâte et les jeux d’acteurs trop appuyés, peut-être encore ceux du cinéma muet ?
Un blues, Sleepy Time Down South sauve un peu le film. Il est chanté par Leonie (Nina Mae McKinney) on peut l’entendre ici, mais pas tout au début, attendre un peu :
Un film de guerre, patriotique Thunderbird,
traduit par Pilotes de chasse avec Gene Tierney.
Il date de 1942.
Les couleurs en sont affreuses, les blagues stupides, l’intrigue sans intérêt. Il s’agit d’une œuvre de propagande destinée à soutenir l’armée américaine dans l’effort de guerre.
Avec quelques belles vues d’acrobatie aérienne ce film peut plaire aux amateurs d’aviation. Mais je conseille de le regarder en réglant son téléviseur sur noir et blanc…
Et puis le superbe Wild boys of the road.
C’est un film qui date de 1933.
Deux jeunes garçons insouciants, lycéens d’une petite ville du Middle West, réalisent que la crise économique frappe maintenant directement leurs propres familles. Une mère veuve qui fait des ménages et a travaillé “quatre jours en cinq mois” pour l’un, une famille effondrée par le licenciement du père et qui ne peut plus payer aucune traite pour l’autre, l’obligation de se nourrir à la soupe populaire… il est évident qu’ils doivent quitter le lycée et même partir ailleurs pour chercher du travail.
Les photos de Dorotéa Lange et Walker Evans
Nous sommes dans l’époque de “la grande dépression” américaine, celle “des raisins de la colère” (Steinbeck) des photos de la FSA (Dorothéa Lange,Walker Evans…) et des chansons de Woody Gurthrie.
Ils prennent donc un train de marchandises en marche et après une nuit glaciale et sans savoir du tout où ils se trouvent ils font la connaissance d’un troisième larron qui s’avère être une fille.
Le film nous montre que tous les trains de marchandises sont pris d’assaut par les migrants à la recherche d’emploi. (Calais?) Mais les arrêts dans les gares, voir même en pleine cambrousse, sont le lieu des arrestations musclées par les nervis de la police ferroviaire (Menton) et des milices. (le col de l’Échelle). On les appelles des “Hobos”
Il leur faut tout le temps courir pour fuir les coups de matraque et l’un d’entre eux y perdra d’ailleurs une jambe. Voir clip sur youtube
Une autre, isolée, sera violée dans un wagon et les jeunes tueront le chef de train agresseur.
Jusqu’au moment ou ils se révoltent et résistent à l’oppression dans une sorte de camp retranché au milieux des poubelles. Ils bombardent les flics avec des cailloux.
Mais ils doivent fuir sous les pompes à eaux…
Pourchassés, matraqués, manipulés, rackettés, violées, ces jeunes de 1933 ressemblent beaucoup aux jeunes du collectif “Autonomie” de Toulouse de 2018, ces “jeunes isolés étrangers” jetés à la rue par des services sociaux censés leur venir en aide. Voir sur Médiapart
La fin du film est un happy end stupide, sorte de concession à la morale hollywoodienne, de l’époque, avec, comme dans “Héros à vendre“, une discrète allusion à Roosevelt comme seule perspective d’espoir.
Comme film social, comme film politique, cette œuvre de W.A.Welleman est certainement une des plus fortes et émouvantes. Voici une des dernières phrases du film, elle est d’une brulante actualité:
Pourquoi on rentre pas chez nous? Parce que nos parents sont pauvres et au chômage et qu’on a pas de quoi manger. Pourquoi rentrer chez nous et mourir de faim? La prison est censée nous tenir à l’écart? C’est faux! Vous ne voulez pas nous voir! Vous voulez nous oublier! Impossible! Il y en a des milliers comme moi ! Et il y en a de plus en plus ! Les gens parlent de gens qu’on aide. On aide les banques, les soldats, les brasseries et aussi les fermiers! Et nous? On est des gamins! On parcourt le pays pour trouver du boulot. Vous croyez que c’est par plaisir? Allez-y enfermez moi! J’en ai marre d’avoir faim et froid, marre des trains de marchandises! La prison ne sera pas pire que la rue! Alors allez-y!
Caillou, le 3 mai 2018
PS: Pour répondre à plusieurs “abonné(e)s” de ce blog, la plupart
de ces films sont à la médiathèque José Cabanis de Toulouse.
Certains sont visibles également en VOD sur Internet