Pourquoi poser ses valises et arrêter le temps pour, par exemple, dessiner l’église romane de Fillols ou le massif du Canigou ? (Pyrénées-orientales)
Ce serait si simple et pratique d’en faire une image avec son portable puis, après l’avoir vaguement regardée une ou deux fois, de l’enfouir dans la mémoire de son ordinateur.
Et bien je crois que ce n’est le résultat qui compte mais le chemin pour y parvenir.
Et je préfère perdre mon temps… essayer de m’exclure du temps qui passe… pour retrouver l’observation minutieuse du monde et essayer d’en dessiner chaque parcelle, chaque feuille tremblotante, chaque pierre.
Sur cette notion du temps, je suis en train de lire l’excellent petit livre de Sylvain Tesson: Éloge de l’énergie vagabonde. Ce récit de voyage est traversé de fulgurances qui me laisse rêveur. En voici une:
L’énergie humaine se nourrit de changement. Selon Bergson, l’ « immense efflorescence d’imprévisible nouveauté » allège la lourde marche de la « durée ». 1° Dans une vie, le feu routant de la nouveauté brise les chaînes de la monotonie et donne aux jours leur puissance. L ‘énergie de l’existence se trouve contenue dans la propre incertitude de son déroulement. Comme il est impossible de prédire ce qui va advenir, chaque instant se crée et se recrée et abolit ainsi toute fatalité. La joie de l’expérience intérieure est de se laisser féconder comme un terreau propice, par des émotions inconnues, portées par le vent des hasards. Au delà des destinés individuelles la grandeur de l’Histoire, sa liberté, se tient dans cette imprévisibilité des actes humains 2° Une décision politique provoquera ainsi une cascade de conséquences inconnues. La vie des hommes n’est pas une science exacte, elle échappe aux lois de la physique qui conditionnent l’évolution du monde. Nul déterminisme pour la guider. Elle est dangereuse car imprédictible. Le principe qui s'oppose le plus radicalement à l’énergie de la nouveauté jaillissante c’est l’habitude. L’enfermement de l’être sous le couvercle d'heures et de lieux épuisés de se ressembler trop. Peguy soutient qu'« une âme morte est une âme tout entière envahie par l’encroutement de son habitude, par l’incrustation de sa mémoire ». 3° L’énergie déserte les êtres qui connaissent trop bien les recoins du labyrinthe de leur vie, ceux qui n'attendent plus rien des instants à venir et ceux qui, par peur de l’inattendu, s’enferment dans le mur de l’habitude. À chaque tic-tac de l’horloge du temps, les parois leur renvoient l’écho du tic-tac précédent au lieu de leur chanter la musique de l’inconnu ! 1° Henry Bergson, la pensée et le mouvement. 2°Sur cette notion : Hannah Arendt, le concept d’histoire la crise de la culture 3° Charles Peguy, Note conjointe sur Monsieur Descartes
Bonnes vacances!
Caillou, le 7 août 2016
Plaisir de retrouver tes dessins, car même s’ils évoquent quelques “recoins du labyrinthe de [ma] vie”, ils en révèlent un regard nouveau. Et puis il y a des fôtes d’ortograf trop belles, l’âne envahie par l’encroûtement de son habitude en particulier !! Hi-han. Bises.
Yves
Magnifiques dessins. Je suis bien installée sur le pont d’un splendide bateau à Gruissan et bien que j’attende beaucoup des instants à venir, je profite un max de l’instant présent !
Bises
Maryse
Caillou,tu as bien raison et tes dessins sont superbes. J’aime surtout tous les petits détails, tu as vraiment du talent !
Bisous, Michèle