Les amalgameurs
Beaucoup de braves gens estiment que les attentats islamistes poussent l’opinion publique à l’amalgame entre Islam et islamisme, entre musulmans et terroristes. Et de fait on constate une vague d’islamophobie générale.
Mais l’amalgame entre Islam et islamisme n’est pas le seul fait d’une xénophobie déguisée sous la notion d’islamophobie. Cet amalgame devient aussi le pivot central d’une pensée de gauche qui, par peur de l’islamophobie, ne veut pas critiquer ou remettre en question l’islamisme politique.
La conférence de Shlomo Sand, à la Bourse du Travail de Toulouse le 11 avril, et son public, chauffé à blanc par un sentiment pro-palestinien sans nuances, en sont une des dernières illustrations locales.
D’un côté nous avons le premier ministre Vals qui assimile l’antisionisme à un antisémitisme et prend donc fait et cause pour le CRIF contre la campagne BDS (et je précise que je suis outré de ces propos !) et de l’autre un orateur qui n’explique la montée de l’islamophobie que par la volonté de détournement des questions sociales ou par des intellectuels de médias dévoyés comme Houellebecq, BHL ou Finkelkraut.
Dans ce concert d’amalgames essentialistes la voie des victimes du terrorisme islamiste algérien (GIA) des années 90 devient inaudible, même si elles étaient souvent de religion musulmane. (200 000 morts !) La voie des féministes (par exemple égyptiennes ou tunisiennes) qui se battent pour la liberté et les droits des femmes contre la terreur des fondamentalistes ne s’entend plus. La gauche radicale se tait dès qu’il s’agit de soutenir les démocrates, les syndicalistes, les féministes et les homosexuels qui, là-bas sont pourchassés par la montée de l’Islam politique.
Par contre, ici, chaque propos maladroit (comme celui de Laurence Rossignol, déléguée des Droits des femmes, qui voulait montrer le caractère d’oppression du voile islamique) est monté en épingle, détourné, réduit au seul discours d’exclusion.
L’émotion populaire qui a suivi des attentats de Paris et de Bruxelles est ridiculisée, uniquement vue comme une manipulation médiatique et politique pour obtenir l’état d’urgence, plus de contrôle social et détourner l’attention des vrais problèmes sociaux
Gouverné par « Le Monde Diplomatique » et « Politis » cette gauche radicale se fourvoie dans l’amalgame qu’elle entend dénoncer. Elle amalgame elle même les musulmans et l’islamisme.
Refuser l’amalgame islam–islamisme d’où qu’il vienne, c’est être aux côtés des syndicalistes tunisiens, des démocrates algériens, des féministes égyptiennes, des homosexuels marocains bref de toutes celles et ceux qui aspirent à la liberté, qu’ils ou elles soient croyants, musulmans, chrétiens, juifs ou non croyants.
Caillou, le 16 avril 2016