Le quotidien d’Oran :
Les hadiths-boys de la culture désormais nationale
par Kamel Daoud
Dans la rue, hier, vers la fin du jour : un jeune homme explique doctement à deux jeunes lycéennes de son âge comment la femme est une « faiblesse naturelle » et comment elle est un être « diminuée », née d’un os. La leçon servie avec sérieux, le jeune homme indiquant avec précision la côte manquante sur son thorax. Les deux jeunes filles acquiescent alors et ne disent rien, consentantes : cela fait partie désormais de la «Vérité».
Et du coup, se poser cette question posée par une internaute : à quoi nous ont servi des milliards de dollars injectés dans les universités, à quoi ont servi les centaines de milliers d’écoles, les budgets et les ministères si, à la fin, on en arrive à ces hadith-boy qui puisent leur culture générale entre Chourouk way of life, un imam de quartier et de vagues sous-produits de fatwas et de religion dégradée ?
L’éducation, les convictions religieuses chez beaucoup d’algériens sont désastreuses et primaires au point de provoquer la stupeur : deux mondes se dessinent et s’excluent : ce que disent et pensent les élites en vase clos, délégitimées par l’usage du français ou de l’arabe trop classique ou déjà accusées de tiédeur religieuse ou cantonnées dans les espaces académiques fermés ; et ce que disent et pensent une majorité d’algériens formatés par les chaînes religieuses wahabites ou chiites, les reliquats folkloriques du FIS devenu salafisme soft, la culture anti-juive en plein boom, le malaise face à l’Occident et la négation de l’algériannité au profit d’un arabisme fantasmé. Et le pire est que cette culture talibane primaire se répand, s’encourage, se reproduit avec force et conviction et devient la culture nationale ambiante avec laquelle les élites composent. Une culture d’intolérance, d’enfermement, buttée et violente et que l’on reproduit comme «Vérité» et conviction et qu’on utilise pour culpabiliser les autres et attaquer les intimités ou imposer ses lois.
C’est donc à des jeunes de 20 ans, convaincus que la femme est une faiblesse, que le monde est un complot juif, que l’Occident est une impiété frustrante, que Dieu leur a parlé à eux et pas aux autres et que «L’islam est la « Vérité », que nous avons abouti après 50 ans d’éducation, de scolarité à budgets sans limites, d’efforts et de réformes.
Et c’est aussi par cette voie que l’on peut espérer un jour s’en sortir : l’école, le savoir et l’Éducation. A réformer au plus vite, à négocier, à revoir et à moderniser. Nous y avons déjà perdu deux ou trois générations irrécupérables et que l’on doit aujourd’hui subir, nous pouvons au moins faire mieux pour les suivantes.
…
Bonjour
Je vous écris pour vous exprimer mon indignation de la position que vous avez prise contre Kamel Daoud. Je passe sur l’accusation indécente de « paternalisme colonial » ou de racisme. Paternalisme colonial pour celui qui a donné une identité à l’Arabe de Camus. Racisme pour celui qui ne veut pas être complaisant avec les siens et qui dénonce «la misère sexuelle dans le monde arabo-musulman, le rapport malade à la femme, au corps et au désir».
Mais suprême accusation : islamophobe ! C’est aujourd’hui le terme qu’utilise les snippers pour tirer dans le dos sur tous ceux qui osent critiquer l’islamisme et la xénophobie salafiste. Du haut de vos chaires parisiennes, de Floride ou d’ailleurs, vous ne vous rendez certainement pas compte que vous désignez aux couteaux des islamistes algériens la gorge de Kamel Daoud. Quelle est la différence entre votre position et la fatwa d’exécution lancée par le chef islamiste Hammadache ? Aucune.
Si l’objectif était, au minimum, de faire taire une voie originale, un auteur prometteur, un journaliste confirmé, un homme courageux, vous avez réussi. Bravo !
Med KECHIDI
je n’ai jamais dit que Kamel Daoud mentait; oui il dit la vérité. J’ai simplement peur que ses écrits soient une bonne raison de taper sur les Arabes, en cette période où les gouvernements et la plupart des Français font des “Arabes” leur pires ennemis. Ceci dit, Kamel Daoud reste un militant courageux qui dénonce ce qui ne va pas dans le monde arabe et met sa vie en danger pour que la vérité éclate.
100 pour 100 ok !
la dérive dans laquelle nous entraîne un antiracisme mal compris est inquiétante.
Le fait de mélanger sciemment nation, race et religion que ce soit pour l’islam , pour le judaïsme,comme pour le christianisme, l’indouisme ( voir actualité en inde) nous ramène aux idées de la fin du 19° siècle qui ont donné l’affaire dreyfus , la guerre de 14, la shoah, le colonialisme… les plus tristes heures de notre histoire mondiale.
Avec toi et avec lui
amitié
alain
les personnes de “culture musulmane ” qui critiquent les positions de certains islamistes radicaux , qui plombent les esprits de la jeunesse et qui n’ont aucun égard pour les femmes , sont traités de mécréants par les uns et d’islamophobes par les autres.
mais tous ceux qui ne penchent ni d’un côté ni d’un autre , ne tombent pas dans ce manichéisme .
finalement le courage est toujours et encore une valeur à haut risque . c’est ce qui se passe pour Kamel Daoud .