C’est notre dernier jour à Alger.
Et il nous reste plein de choses à voir, de gens à rencontrer, d’achats à faire… Nous repartons d’Hussein Dey pour Alger par le métro et allons dans un premier temps au Centre Culturel français où Aquilina aimerait voir le responsable du festival de la bande dessinée d’Alger. Pendant qu’elle essaie de le rencontrer je m’en vais visiter la bibliothèque où je trouve beaucoup de livres sur la période coloniale, dont certains difficilement trouvables en France. Les espagnols dans l’Algérois, 1830-1914, de Crespo et Jordi ou Alger 1951, un pays dans l’attente, d’Étienne Sved. Beaucoup d’étudiants studieux y travaillent. Dehors, après l’orage de grêle de ce matin, le ciel est lavé, d’un bleu profond.
Alors nous repartons vers le port et allons voir le Bastion 23, l’actuel Musée des arts et traditions populaires dont Omphale a cru reconnaître le lieu des deux photographies où je suis, avec ma mère. C’est un très beau palais ottoman, avec des cours intérieures, une ancienne cuisine, un hammam, des salles de réception, d’autres plus intimes. Tout est richement décoré… Mais ce n’est pas le bon endroit. En effet il y a une arcade en moins et pas de fontaine au milieu de la cour.
Le gardien nous indique un autre endroit, Dar Aziza, la Maison de Aziza Fille du Bey, juste devant l’ancienne synagogue. Le lieu ne se visite pas mais nous pouvons quand même en voir la cour intérieure et plusieurs détails ne collent pas. Ce n’est pas là. On nous renvoie vers Dar Khedaoudj El Amia, la maison de l’aveugle, qui est en travaux. L’histoire (morale et sexiste) est amusante… Mais ce n’est pas là non plus. Puis nous essayons de trouver l’ancien musée de la Casbah, mais là, même en montant et en descendant les escaliers, en écoutant les conseils des uns et des autres… nous ne le trouvons pas. Tant pis. Ce sera pour une prochaine fois. Si quelqu’un(e) qui me lit reconnaît cet endroit, je suis preneur.
Dans ce quartier nous trouvons une ancienne devanture de café…
Puis une très jolie petite mosquée, tout en bas d’une série d’escaliers se terminant en cul de sac, avec un chat noir qui nous regarde remonter d’un air hautain.
Alors nous partons regarder la ville depuis la cathédrale. Notre dame d’Afrique vient d’être restaurée. Elle est toute belle et neuve dans son style Sacré Cœur … Cette bonne conscience catholique du 19ème siècle qui à Paris, à Lyon, à Marseille, à Alger a érigé ces monuments de laideur triomphante et sûre d’elle-même.
Mais la vue sur Alger y est splendide et en tout point comparable à cette ancienne carte postale retrouvée dans le courrier de Mad.
En dessous de nous les petites maisons des français du quartier Saint Eugène et juste à côté le stade, puis plus loin les immeubles de Bab el Oued, et puis partout cette mer immense qui baigne tout de bleu, cette Méditerranée qui sépare Alger de Marseille, l’Algérie de la France.
Le chauffeur de taxi qui nous a montés et redescendus de Notre Dame d’Afrique nous désigne du doigt les bidonvilles qui s’étagent sur les pentes vertigineuses, vers la côte turquoise, puis les vieilles maisons coloniales avec leurs murs solides entourant des jardins remplis d’arbres et il dit : « Les Français construisaient du solide alors que l’Algérie, qui est un pays riche, laisse ses pauvres s’abriter dans des cabanes, à la merci des glissements de terrains ». Pour un peu il en viendrait à regretter le temps de l’Algérie française, qu’il n’a d’ailleurs vraisemblablement pas connue. « Nous sommes gouvernés pas des pirates ! »
Il nous dépose dans une cohue indescriptible à la place des 3 horloges, dans Bab el Oued. C’est un jour de marché. Et sur la place ce sont les vendeurs d’oiseaux en cage qui vendent des chardonnerets, menacé d’extinction et d’autres canaris mais aussi des graines et des cages. Au-dessus, des centaines de pigeons attendent la fin du marché sur les fils qui traversent le ciel.
Nous mangeons, debout, du camembert avec du pain. Les enfants qui sortent des collèges se moquent un peu de nous. Il y a très peu de bancs ici, (mais pas plus qu’à Toulouse…) Et la saleté des rues n’incite pas à s’asseoir n’importe où. Et comme les bistrots sont, de fait, interdits aux femmes… Je me sens devenir un peu clochard… Les petits vendeurs d’oranges, assis à l’arrière des triporteurs, vendent leurs fruits délicieux. Elles ne sont pas belles les oranges d’Algér, elles sont petites et tâchées, mais elle ne sont pas traitées, elles sont juteuses et leur goût sucré est tellement bon que nous en mangeons près d’un kilo à deux, tout en marchant !
Nous faisons halte à la pointe Pescade. C’est un endroit magnifique. On s’y sent loin, très loin de l’animation folle de la ville, juste derrière l’immeuble blanc, ce grand hôtel qui l’isole. Mais c’est la aussi tellement sale ! Les pêcheurs à la ligne ont les pieds dans les poubelles.
Nous avons rendez vous au Milk Bar de la place Abd el Kader avec un jeune auteur de BD.
Pendant qu’avec Aquilina ils causent de leurs travaux, je m’en vais faire mes derniers achats puis je me promène autour de la Grande Poste et vers le palais du Gouvernement. Celui-ci est totalement bouclé et un flic vient me déloger alors que je cherchais sur le plan comment diable on pouvait accéder à ce haut lieu d’Histoire. Mais il ne comprend pas un mot de français, et si je ne parle pas l’arabe, je comprends vite qu’il faut que je dégage…
Vers les facultés, juste à côté du tunnel, je vais visiter la librairie Audin. L’équivalent algérien des Presses Universitaires de France. Beaucoup de livres, là aussi, sur l’Histoire de la guerre d’indépendance. Mais, me semble t’il, manquant de recul, un peu manichéen, les bons nationnalistes d’un côté, les méchants colonnialistes de l’autre…
Puis je rejoins Aquilina. Elle est trempée car l’auvent du bar, gonflé d’eau de pluie, s’est brusquement déversé sur elle. Je peux parier que cette anecdote sera bientôt reprise sous forme de gag, dessinée ici ou ailleurs.
Nous partons avec d’autres amis, des anciens étudiants de Tizi-Ouzou, prendre un verre au bar du Centre Culturel français. Il commence à faire froid. Aquilina a trouvé plein de contacts pour son projet, nous devons rentrer…
Le soir tombe. Demain nous rentrons en France.
Caillou, 8 mai 2012
À suivre, plus tard, bilans, questions et conclusions.
j’ai aimé votre rédaction sur Alger.
Je devais y retourner en mai mais je ne pourrais pas faute de moyens (j’habite au Brésil)
En 1963 j’ai fêté mes 20 ans à Alger (j’étais alors déserteur de l’armée française…)
Tout cela est bien loin. Je m’étais promis 50 ans après d’être à Alger…
Je suis en train d’écrire un roman en simulant ce voyage en mais 2013 (bateau, Alger,Tipaza,etc)
Si vous voulez mieux me connaitre mes romans sont sur amazon.fr mon nom est
jean-pier charlon .
Un des livres peut vous interesser ,le titre: De l’Algérie au Brésil que mon chemin fut long…
Salutations , Jean-Pier
Bonjour,
Je rentre juste d’Alger et c’est en recherchant le nom de ce même Dar, devant la fontaine duquel vous êtes photographié enfant, que je trouve votre blog. Je pense qu’il s’agit du Dar Mustapha, aujourd’hui musée de l’enluminure. Un très bel endroit!
Bien cordialement.