À la suite d’une discussion, je récapitule mes arguments contre la demande de subvention de la part des associations vraiment militantes.
1° La loi fixe un cadre pour beaucoup d’interventions de l’État sur nos vies. Que de soit le permis de conduire ou les impôts on est dans la loi ou hors la loi, en dessous ou au-dessus d’un taux d’imposition, admissible ou non à une allocation familiale ou de logement…. Et personne n’est sensée ignorer cette frontière entre ce qui est autorisé et ce qui est interdit, refusé ou accepté. C’est un principe du vivre ensemble. Or une subvention à une institution est allouée ou refusée en fonction des choix de cette seule institution. Il y a bien sûr des critères d’acceptation de la demande mais on ne peut confondre les critères de la demande et les critères du choix. L’institution, la mairie, les conseils généraux, régionaux, l’Europe donnent ou refusent une subvention selon leur bon vouloir, leurs moyens, leurs réseaux, en dehors de toute loi. La subvention est hors-la-loi.
2° L’octroi d’une subvention dépend de la personnalité de qui la demande, de sa visibilité, de son orientation politique, en rapport avec l’institution à qui elle est demandée. Si on demande une subvention à Israël pour entraîner au maniement du lance-pierre les jeunes Palestiniens des territoires occupés cette demande sera bien évidemment rejetée. L’exemple est énorme, mais toute demande de subvention porte en creux, en non-dit, cette évidence que l’on ne demande que ce qui sera acceptable par celui à qui on la demande. On finit donc, pour obtenir cette subvention à mentir sur les buts réels de l’association qui la demande. La subvention est un mensonge, une auto censure, une acceptation du pouvoir.
3° De l’autre côté l’institution sait lire entre les lignes, prend en compte ce mensonge et n’accorde cette subvention qu’aux associations qu’elle connaît vraiment. Visibilité et soumission sont donc les conditions essentielles pour l’acceptation d’une subvention. La visibilité d’une association n’a souvent rien à voir avec la réalité de son travail. La visibilité peut être celle d’un copinage, d’un voisinage politique. Alors qu’il y a, un peu plus loin, une obscure association de jeunes qui font un travail formidable dans le socio culturel sur un quartier défavorisé qui, invisible, ne recevra aucune subvention. La subvention c’est le clientélisme, la subvention est une corruption.
4° Par ailleurs le très grand nombre d’associations loi 1901, en France, cache de très nombreuses organisations qui n’ont rien à voir avec un militantisme bénévole. Face au don de soi et de son temps, qui était normalement le but des mouvements associatifs, il y a beaucoup trop de détournements de la loi de 1901. Ce sont les associations municipales qui permettent de sous-traiter le travail à des salariés non fonctionnaires. Ce sont les associations privées d’adhérents, mais qui fonctionnent comme des entreprises pour obtenir des emplois à leurs fondateurs. Les subventions deviennent alors une aide directe à des entreprises, avec l’argent des contribuables, ce que normalement l’État impartial ne devrait pas tolérer. La subvention devient alors un dévoiement de l’association, une incitation à la paresse militante.
5° Face à ces arguments j’entends bien la réflexion de bon sens qui voudrait que l’on demande des subventions puisque les autres les demandent, les fascistes par exemple… Avec cette idée simple alors le pacifisme s’écroule : pourquoi appeler au désarmement puisque les autres ne le demandent pas ? La peine de mort revient : pourquoi abolir la guillotine si les assassins n’arrêtent pas d’assassiner. Pourquoi faire grève si tous les salariés ne la font pas ?
Voilà, c’est brutal et provocateur, mais c’est que je pense et je l’assume.
Caillou, le 3 novembre 2011
Tu n’écris pas souvent, mais quand tu t’y mets…
En fait, c’est un programme de colloque pour au moins une semaine…
J’adore cette façon de mettre les pieds dans le plat !
J’aurais plein d’anecdotes qui corroborent ce que tu dis…
Et faudrait remettre tout ça à plat , politiquement, je parle…
Prendre la mesure de l’asservissement que représente les subventions… Vaste programme….
En même temps il y a des questions de survie.. Mais de survie de quoi ?
Quand on se noie on est prêt à se raccrocher à n’importe quelle branche, même si elle est pourrie… Encore faut-il reconnaitre qu’elle l’est…pourrie
Il y a un mot qui me tue toujours, c’est le mot “effort” accolé au principe de subvention.. Quand les institutions déclarent “Nous avons fait, cette année, un effort particulier sur ceci ou cela” Comme si l’institutionnel qui dit ça, avait payé de sa poche sur son budget perso en supprimant l’argent de poche à ses gamins…
Est-ce que ce discours est audible par une asso féministe (que je connais qui s’occupe des femmes victimes de violences ), et qui voit d’année en année ses subventions diminuer… ?
Est-ce que ton discours que je fais mien pour une bonne part, s’il se généralisait , ne faciliterait pas le désengagement des instituions dans pleins de domaines… Ce qui serait aussi catastrophique pour plein de “petites gens”.
On est dans une période où si l’on veut parler, dire les choses, on ne va pas se faire que des ami-e-s… parmi nos ami-e-s…
Bon je vais commencer par divulguer ton adresse perso pour que ceux qui le veulent puisse te balancer quelques Cocktails Molotov;
Ca va te calmer !!!
Sérieux ce travail là il faut le mener au bout, mais ça ne sera pas fastoche ;=}}
Merci pour tout
Pourquoi se gêner à demander une subvention alors que c’est une petite partie de l’argent publique (des impôts, donc de notre poche quelque part ?) qui est reversée ? Pourquoi déciderai-je à l’avance que je n’y ai pas droit ?
C’est comme le droit de vote ou le fait de payer des impôts…
La bagarre est plutôt : faire que la décision d’attribution soit décider démocratiquement, comme la hauteur des impôts et la redistribution de l’argent récoltée (par exemple pour le service public et pas pour renflouer les banques)…
je suis d’accord avec ton argumentaire, et je connais beaucoup d’associations qui ne font aucune demande de subvention pour garder leur indépendance. à+, claire
Je trouve tes arguments malheureux.
– je ne pense pas que les subventions soient l’incarnation du mal.
À utiliser la morale (laquelle d’ailleurs ?) en parlant avec des mots forts comme corruption je pense que tu peux faire fausse route. Encore une fois je dis “je pense que” ce qui signifie que “je peux me tromper”
Alors oui pas de moralisme mal placé, car:
– Nous ne sommes pas dans un monde de bisounours, sans des formes “aidées” par de l’argent public que restera-t-il à la culture, à sa diffusion dans les masses populaires (pour reprendre une expression affectionnée dans notre jeunesse militante) à la création artistique et tutti ???
Rien, sinon le mécénat (comme au bon vieux temps du moyen âge). Rappelle toi la petite brochure que tu avais commis il y a cinq ou six ans sur le sujet (je dois l’avoir dans un carton pas loin) donc mécénat qui est une forme de patronage, de récupération pour l’image de marque des grandes lessives politiques et:ou des grandes compagnies capitalistes.
Rien sinon la disparition pur et simple de ce qui est public (qui peut être contrôlé… en y mettant du temps militant aussi bien sûr) pour le grand bénéfice du tout privé ( je crains de ne pas avoir tout vu…), à l’abri des curieux, entouré de vigiles et bien gardé par la police.
Et dans ce cas, la culture régressera. ce n’est pas au bénéfice des causes émancipatrices.
L’abrutissement et l’avilissement n’ont jamais été un terrain propice aux révolutions, nous le savons tous..
– En parlant avec des mots comme clientélisme, je pense qu’il peut y avoir abus de moralisme
à mon tour je vais en abuser pour faire dans la provoc.
Je pense pour ma part que tous ces putains de salarié-e-s dans notre pays et dans le monde se font acheter…. ni plus ni moins … tous des enf….
ben eh oui, moi aussi je me fais acheter
tous les jours comme un pauvre corrompu
C’est le fondement du capitalisme d’ailleurs.
Alors on s’en débarrasse comment de l’exploitation capitaliste ?
– À propos de subventions, sache qu’aujourd’hui les gouvernants, alors que sont dévoilés leur magouilles et détournements de fric, ont la riche idée de durcir les conditions d’attribution du fric public, d’imposer la transparence des comptes à tout le mouvement associatif et syndical. Certes nous pouvons nous en réjouir (?) mais jusqu’à un certain point. Car la transparence qu’ils exigent ils ne se l’appliquent pas. Et surtout nous n’avons pas, nous, les moyens de vérifier ce que eux font. (Cela ca rejoint d’autres débats sur les perspectives du mouvement ouvrier aujourd’hui….mais c’est une autre histoire)
– Tu peux dénoncer de nombreux abus. J’en serais d’accord avec toi.
Mais nous ne serions pas plus avancés car dans de nombreux domaines ou secteurs d’activité, la forme associative est l’ersatz d’un service public qui pourrait répondre à un besoin des populations. Je pense au secteur de la santé, de l’aide aux personnes dépendantes, de l’organisation des loisirs pour la jeunesse, la liste est longue, très longue….
À nous de faire progresser la nécessité de services publics, l’inscription de tout cela comme des droits imprescriptibles….
– Je me rappelle par ailleurs (en conclusion morale très provisoire), que Marx usait de la plaisanterie prédisant que l’avant dernier capitaliste vendrait sans doute la corde pour pendre le dernier du genre…
Alors oui si des associations peuvent nous aider à tresser les cordes, nous apprenne à le faire de façon autonome en bon communiste (libertaire ou trots) je pense qu’elles n’auront pas voler leur subvention
Vive le macramé !!!!
g.
Ce n’est parce que je crache dans la soupe que je condamne ceux qui en boivent. Pour moi c’est un constat politique me permettant de mettre de l’ordre dans mes idées. Rien de plus. Dans la discussion les idées fusent. Elles sont en désordre et répondent aux réflexions des uns et des autres. Je ressentais le besoin d’y mettre de l’ordre. Par ailleurs c’est ce que je pense depuis des années. Et je me bats à chaque fois pour éviter cette dérive de la demande de subvention.
Je suis d’ailleurs d’accord avec toi pour juger qu’il y a du moralisme la-dessous.
J’aurais préféré que l’on discute d’une transformation radicale du système des subventions vers un système légalisé de droit à un soutien financier de l’État pour des actions vérifiées permettant l’accès à la culture, à l’éducation, aux loisirs, à la santé (quoi que!, Sur ce point c’est à l’hôpital géré par des fonds publics de s’en occuper, pas à la charité) ou à d’autres terrains d’actions des associations. Ah oui, j’ai oublié l’agriculture avec ses subventions aux gros céréaliers de la Beauce !
Système transparent, sur dossier public, avec des lois claires, et dont l’acceptation ou le refus serait motivée. Mais vous voilà en train de défendre un système absurde et vous me rangez dans ceux qui préfère un mécénat encore moins transparent ?
Caillou
Les subventions sont bien évidemment un moyen pour acheter ou favoriser les assocs. Mais certaines subventions peuvent finance des services d’utilité publique : crèche,cirque,etc…etc… C’est bien plus craignos quand celles-ci jouent un rôle politique. A ce stade il faut vérifier s’il s’agit d’une subvention discrétionnaire ou générale. Quand on demande des subventions pour solidaires, c’est en vertu des droits acquis par tous les autres t pas pa&r nous-même en vertu de règles de représentativité (les leurs) et au pourcentage des résultats électoraux. dans ce cas le risque est bien plus dans l’usage que l’on en fait nous-même pour que cela ne devienne pas un objet de pouvoir. EX : la subvention régionale permettant un pouvoir financier dans l’organisation.
Je suis heureux de rencontrer de temps en temps des idées avec lesquelles je suis d’accord à 100%. La subvention: elle est hors la loi, elle est soumission et/ou allégeance au pouvoir, c’est la corruption et le clientélisme et bien sûr c’est la paresse des militants…Pour illustrer mon propos je cite souvent comme exemple le sport et la culture,
Le sport: les subventions au sportifs professionnels atteignent des milliards d’€uros, pourquoi? Le sport professionnel est l’exemple idéologique du patronnat:
– il y a le patron sur le terrain!
– le meilleur mérite plus!
– il travaille beaucoup pour gagner plus!
-l’esprit d’équipe, on l’a vue en afrique du sud!
– la compétition, la volonté de gagner!
– le salaire des sportifs c’est un retour sur investissement!
et ce qui n’est jamais dit c’est que le sport est passé du statut amateur et associatif, c’est à cette époque qu’il a obtenu ses lettres de gloire ou il est généreux et humaniste (Coubertin), pour devenir un marchandise subissant les lois du marketing et être le vecteur (idéologique et publicitaire) de l’impérialisme des grandes groupes industriels et financiers. Regardons de plus près: Les sportifs professionnels sont subventionnés par l’état, les régions, les départements et les villes, ils recoivent de l’argent et bien souvent jouissent de l’exclusivité des équipements sportifs, c’est le contribuable qui paie? Les sportifs professionnels percoivent le mécénat et le sponsoring pour de l’affichage publicitaire: nouvel impôt sur les produits de grande consommation, c’est le consommateur qui paie? et les entreprises déduisent de leurs impôts 50 à80% les sommes allouées aux sportifs et c’est le contribuable qui paie?
La culture: les industries du disque et du cinéma sont gourmandes de subventions. Est-ce qu’on a besoin de financer la construction de “Zenith ou autres” pour permettre à Jonnhy Halliday de ce produire? Est-ce normal que l’Opéra de Paris soit financé par tous les français? Là aussi la marchandisation de la culture est en oeuvre, les pouvoirs ont besoin de controler la vie culturelle, la diffusion des idées? Ils sont comme les curés d’avant 1789! “Il leur faut empécher les travailleurs de vivre leur culture, on ne sait jamais cela pourrait les distraire de l’ordre établi?
Et pour conclure: Les militant ont intérêt à l’indépendance financière…