Chapitre 25
Thierry remontait la rue de la Charité en se dirigeant vers la place Bellecour lorsqu’il vit Blanchard qui arrivait en sens inverse. Le vieux flic lui fit signe du regard et d’un très léger hochement de tête de ne pas l’aborder. Quand ils se croisèrent le jeune homme vit immédiatement les deux types en blouson de cuir qui arrivaient vers lui en discutant. Le plus petit des deux l’examinait attentivement, faisant semblant d’être captivé par ce que racontait son compagnon. Quelques mètres plus tard, Thierry se retournait et il vit que les deux hommes s’étaient séparés et que le grand était maintenant derrière lui, comme par hasard en train de regarder dans la vitrine d’un droguiste. Il fallait en finir ! Thierry entra rapidement sous une porte cochère et courut se planquer derrière le mur d’une cour intérieure. Lorsqu’il entendit le souffle du type qui arrivait il prit tout son élan, tourna le coin du mur et d’un coup très violent dans le plexus il l’étendit sur le sol. Pendant que son adversaire, au sol, essayait vainement de reprendre sa respiration son souffle il lui murmura, en le fouillant rapidement :
– Continue à me suivre et je te descend !
Sous ses doigts il sentit le froid de l’arme qu’il sortit rapidement du holster. Il lui enleva aussi son portefeuille.
– Il n’y aura pas de prochaine fois ? N’est-ce pas ?
Le grand ne répondait rien, les yeux fermés sur sa souffrance. Alors, en empochant le 6,35 il sortit rapidement du porche et remonta la rue de la Charité en sens inverse.
Blanchard avait toujours le plus petit aux fesses. Mais Thierry les rejoignit rapidement. Maximin tourna dans la rue de Condé. Ils se dirigeaient donc vers la place Carnot et la gare. Tout en marchant derrière eux, Thierry ouvrit le portefeuille et vit immédiatement la carte blanche, barrée de tricolore, « Police Nationale » avec la photo du grand flic qu’il venait de dégommer. Mais était-ce vraiment un flic ?
Il rejoignit l’autre et lui posa une main sur l’épaule.
– Excusez-moi. Ce n’est pas à vous ?
Le bonhomme se retourna brusquement et, attiré par le mouvement de la main, vit le portefeuille de son collègue.
Tout autour d’eux, les passants pressés filaient vers l’escalator et les escaliers de la gare Perrache.
– Tu nous lâches ou je tire ?
Du coin de l’œil, il sentit que Blanchard s’était rapproché d’eux.
– J’ai l’arme de ton collègue dans la poche droite et elle est braquée sur ton bas-ventre. Cela te suffit comme explication ?
L’autre avait les yeux baissés sur la bosse qui déformait le blouson de Thierry.
– Vous faites une connerie les gars, surtout toi, murmura t-il il en jetant un coup d’œil furtif sur l’ancien flic. Dis-lui toi que nous ne faisons que notre boulot !
Thierry lui souffla au visage :
– Fous l’camp, tout de suite !
…
– Décidemment Lyon est une ville fliquée. Déjà la dernière fois ! On ne peut pas y faire un pas sans être suivi par toute la maison poulaga !
– Oui, d’accord, mais toi je trouve que tu changes rapidement. Tu deviens un voyou ma parole! C’est pas des méthodes.
Maximin souriait, les yeux plissés. Thierry le sentait à deux doigts d’éclater de rire.
– Bon, écoutes-moi, il faut aller tout de suite à la galerie, avant qu’ils ne nous retrouvent. Non?
– Bien sûr. Mais tu sais, ils vont changer d’équipe et c’est tout. Je les connais bien. Ce n’est pas tes pratiques d’apaches qui vont les faire reculer !
…
Thierry pénétra dans la boutique. Des toiles froides et sombres étaient accrochées aux cintres sur les murs crépis. Au fond derrière un bureau vide il y avait une porte ouverte sur une autre pièce . Avec Blanchard derrière lui, il s’avança. Ils entendaient du bruit. Et quand il entra dans l’arrière-boutique, il découvrit un vieil homme qui, debout sur un tabouret, était en train de se pendre. Thierry se précipita et l’empêcha de jeter du pied le petit siège. Avec Blanchard ils le posèrent sur le sol. C’était un vieillard sans force. Il ne leur opposa aucune résistance, mais il pleurait, silencieusement.
– Ils m’ont prévenu, mais c’était trop tard !
Thierry et Blanchard se regardèrent, droit dans les yeux.
– Petit, laisse-moi faire. Occupes-toi de l’entrée de la boutique !
Thierry alla fermer la serrure de l’entrée puis retourna l’écriteau indiquant les heures d’ouverture de la galerie sur la porte d’entrée.
Le vieux avait fermé les yeux, mais il continuait à pleurer.
– Vous êtes bien Robert ? Robert Chenières ?
L’autre ne répondait rien, mais il hocha un peu la tête.
– Le jeune homme qui est avec moi s’appelle Thierry Ranchin. Et vous savez ce qu’il cherche ?
– Oui, je le sais. Ils m’ont téléphoné hier soir.
L’ancien commissaire réfléchissait.
– Vous savez aussi pourquoi il le recherche ?
– Oui, il veut retrouver un oncle.
– Adrien Lecourt ?
Le vieillard ouvrit les yeux.
– Comment l’avez-vous appelé ?
Maximin et Thierry répétèrent en chœur :
– Adrien Lecourt !
– Il y a plus de trente ans qu’on ne l’appelait plus comme ça !
– Et comment vous le nommez ?
Il y eut un silence puis le vieil à homme à terre souffla :
– Jusqu’à hier, nous l’appelions Victor.
À suivre…
Caillou, 1984
Bravo vraiment pour cet excellent scénario qui ménage un suspense digne des meilleurs polars ou thrillers. Thierry va-t-il retrouver Simone mais est-elle encore vivante ?
Ce texte dont le thème présente une grande originalité mérite d’être publié. Félicitations encore !