Chapitre 20
– Robert Chenières. La dernière fois que je l’ai vu il tenait une galerie d’art, à Lyon, dans la presqu’île. Mais c’était il y a tellement longtemps… Je ne sais pas, peut-être en 55 ou au début 56 ?
Augustin avait le regard perdu.
– Et c’est là que vous avez emmené Adrien ? À Lyon ?
– Oui. Ensuite je suis redescendu à Marseille et je n’ai plus jamais entendu parler de ce Adrien. Par contre Robert je l’ai rencontré à des réunions entre responsables de la sécurité du Parti. Et surtout quelques mois plus tard après l’assassinat de Marcel et de son épouse.
Thierry posa timidement la main sur son bras. C’était un geste tendre entre le jeune homme et le vieil espagnol.
– Comment est-ce arrivé ?
– Nous avons été prévenus par un camarade, un voisin, qui habitait dans la même rue, vers l’Estaque. Les deux corps gisaient étendus dans la cuisine, la maison était sens dessus dessous, mais il ne manquait rien, même pas les pauvres bijoux de Gabrielle, rangés dans une boîte en fer sur le buffet du salon. Ils ont été abattus de 6 balles de 6,35 : quatre pour Marcel, dont une dans la nuque et deux pour Gabrielle. Curieusement personne n’avait rien entendu et leurs corps ont été découverts le lendemain matin, le 11 août , je crois. Et leur assassin n’a jamais été retrouvé !
– C’est étonnant. Qu’est-ce que disait la police ?
– Que c’était un travail de professionnel, un tueur…
– Et le PCF, il a réagi comment ?
– En fait, un peu discrètement. Il a élevé une protestation formelle mais sans lui donner trop d’ampleur. Il fallait protester mais pas remuer trop de vagues pour que la presse ne mette pas trop son nez dans nos affaires. On nous avait assassinés deux de nos militants, nous nous savions bien que les journalistes, informés des responsabilités secrètes de Marcel et Gabrielle ne se seraient pas privé de les salir dans leurs colonnes. Tu sais petit, c’était vraiment une sale période !
– Et il y a eu une enquête interne alors ?
– Bien sûr, mais là aussi cela n’a rien donné. Par contre ce document change tout. Le traître a un nom.
– Vous lui aviez envoyé ma lettre ?
– Oui, à l’adresse de cette galerie, mais je n’ai pas reçu de réponse… Il a certainement déménagé depuis très longtemps. De toute façon je ne sais rien de lui depuis 1956, quand il a été exclu…
Thierry réfléchissait
– Dans ce cas la lettre vous serait revenue avec la mention NPAI : n’habite pas à l’adresse indiquée !
Ils se levèrent et Thierry serra longuement la main de Chavez.
– Bon, merci Augustin. Merci vraiment. Je vous tiens au courant dès que j’ai du nouveau.
Le soir même il téléphonait à Blanchard. Le vieux flic lui conseilla d’attendre deux jours avant de monter à Lyon, le temps qu’il puisse le rejoindre. Il devait voir son docteur le mercredi et ne pouvait pas se libérer avant.
– Il vaut mieux que nous soyons tous les deux, crois moi ! Profites de ces deux jours pour faire des recherches sur cette galerie d’art.
– Tu es toujours suivi ? demanda Thierry.
– Il me semble bien mais je n’en suis pas sûr. Et comme je sors très peu… Allez petit, à jeudi matin à 10h 30 gare Perrache…
À suivre…
Caillou, 1984