Disparaître en Indochine – Chapitre 3
Thierry était muet. Il l’avait aimé le vieil Étienne et sa mort solitaire l’avait vraiment chagriné et il n’avait pas, tout d’abord, réalisé que sa disparition allait d’un coup lui donner plus d’aisance financière, lui permettre de réaliser des projets, le rendre un peu moins pauvre. La maison de la rue des Fontaines représentait une très belle somme. Il en avait besoin, vite, et ce vieux monsieur chinois venait de tout mettre par terre ! Et puis, par-dessus toute cette histoire d’héritage, une question, bien plus importante, se faisait jour. Et si l’oncle Adrien était encore vivant ? Mais c’était impossible. Il aurait eu… 65 ans ! On ne reste pas toute une vie sans donner de ses nouvelles ! Et s’il avait eu des enfants ?
Maître Viannet, en se levant, interrompit toutes ces réflexions. Il allait bien falloir en rester là, au moins temporairement. Thierry lui demanda :
– Mais que va-t-il se passer maintenant, concrètement ?
– Je vais écrire à ce monsieur et lui demander de confirmer ses dires, par écrit, devant un huissier ou dans un commissariat de police, et si sa déposition est valable, il nous faudra demander une enquête.
– Qui prendra combien de temps ?
Le notaire était embêté. Il leva les mains en signe d’impuissance.
– Oh, certainement plusieurs mois, peut-être plusieurs années. Une recherche de personnes disparues en vue d’héritage, c’est épouvantable. Si on trouve des descendants, il leur faudra prouver leurs degrés de parenté avec Adrien Lecourt. En espérant que d’autres, mal intentionnés, ne se mêlent pas à la partie. Dans ce genre d’histoire, les parentés sont difficiles à prouver et il y a des filous partout. On peut arriver à des situations où les recherches engagées et les procès qu’elles entraînent coûtent plus cher que l’héritage escompté.
Dans votre cas, il ne doit s’agir que de la maison. Si le témoignage de ce monsieur est exact et que nous nous engageons dans une recherche trop coûteuse, il vaudra mieux pour tout le monde que votre oncle Adrien soit encore vivant. Dans le cas contraire et s’il a eu des enfants, je crains qu’il ne vous faille abandonner cet héritage avant qu’il ne vous coûte trop cher. Mais nous n’en sommes pas encore là !
Le jeune homme se leva de son siège, lentement, un peu intimidé par cette tirade et demanda :
– Puisque ce Chinois m’écrit, je peux peut-être entrer en contact avec lui, aller le voir, me renseigner moi-même, faire quelque chose ?
– Bien sûr, c’est même une bonne idée, mais attention Monsieur Ranchin, ne parlez pas d’héritage à qui que ce soit. Ne donnez pas l’impression à votre interlocuteur qu’il peut y avoir de l’argent là-dessous, ne donnez pas de mauvaises idées à des gens qui n’en ont peut-être pas. Je vais lui écrire, officiellement. Je vous aviserai de mon côté, donc tenez-moi au courant de vos démarches. Je me tiens à votre disposition.
En partant, Thierry lui demanda s’il avait un trousseau de clef de la maison de la rue des Fontaines, mais le notaire lui répondit qu’il lui semblait que c’était la voisine qui l’avait gardé : « Madame Taillefer, qui habite en face. »
La pluie repartait de plus belle et, devant l’étude, il se mit à courir pour rejoindre sa voiture. Tant qu’à être à Muret il allait visiter la maison du grand-père.
À suivre…
Caillou, 1984