Madeleine et Pierre ont emménagé dans une chambre qu’il a trouvée, toujours rue de l’Université, une chambre de bonne, claire et bien emménagée. Madeleine part tous les matins à son travail et Pierre, provisoirement, ne fait rien.
Un matin, vers dix heures, Pierre est avec un livre de poche sur le lit et Jacques sonne à la porte. Ils discutent longuement, du Parti, de la situation politique et des copains. Il fait beau sur Paris. L’odeur du café. Puis Jacques lui dit, en riant, qu’il a appris que son copain Yves était parti en mai, à l’étranger je crois… Pierre qui n’a plus remis les pieds au lycée depuis plusieurs mois en est très étonné. Yves est parti ! Et oui ! En beatnick, vers les Indes, et sans laisser d’adresse. Jacques en fait toute une théorie sur l’abandon de la lutte de classe par les anarchistes… puis il s’en va.
Mais Pierre en reste silencieux avec l’ombre de Yves qui s’étend maintenant sur la lumière du jour.
Le soleil au-dessus de la lucarne ouverte, la chaleur de la pièce, la tranquillité de sa vie malgré l’angoisse, et puis maintenant ce départ sans doute définitif, avoir l’impression d’être passé à côté de quelque chose et de ne le savoir que lorsqu’elle disparaît.
En fin d’après midi il va voir Sébastien, un ancien compagnon d’Yves, devenu vendeur de chaussures à l’Inno-Réaumur. Il y aura ce soit une réunion d’anars, dans un local du côté de l’Observatoire. Si Pierre veut venir, la porte est grande ouverte. Il y va, avec Madeleine, mais la réunion est une rencontre de hâbleurs. Ces gens s’écoutent parler.
Ils rentrent vers onze heures, Madeleine au creux de Pierre, car elle se lève tôt le matin. Ils dorment ensemble et c’est une grande joie. Puis, dans la nuit, Pierre est seul avec une insomnie et il se demande s’il n’a pas envie de pleurer, avec des semaines de retard, sur le départ de Yves, parti sans prévenir. Mais tout est donc trop tard !
Grundage est mort. Et dans son lit. Hélène ne le sait pas.
À suivre…
Caillou 1967