Georges

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Georges, en 1945 ou 1946, le regard fou du déporté…

LYON, 1er janvier 2010. Décès de Georges BERNARD
Ancien déporté de Mauthausen, ancien résistant des Maquis de l’Ain et du Haut-Jura,

membre du bureau de l’Amicale Nationale de Mauthausen, membre du comité directeur de la FNDIRP,
vice-président de la Licra Rhône-Alpes, officier de la Légion d’honneur, médaillé de la Résistance.
Georges Bernard ayant fait don de son corps à la science il n’y aura pas de cérémonie
mais un hommage sera rendu ultérieurement. Ayez une pensée pour lui.

Caillou, 6 janvier 2010


Vous parlerez longtemps du résistant, du déporté, de l’homme courageux qu’il a été et vous aurez raison. Oui, Georges a été tout cela, un homme de conviction, toujours aux services des autres et des causes qu’il défendait, hier dans le maquis et dans les camps mais, bien après, dans la lutte contre l’oubli, contre le racisme et l’antisémitisme, pour la justice sociale, la paix et la liberté. Si vous êtes si nombreux aujourd’hui, autour de lui, c’est bien pour lui rendre cet hommage, et c’est bien. Georges était un homme bien !
Mais je voudrais parler de l’homme tout simple, de celui qui se baignait avec ses cousins dans la Loire, de celui qui aimait les huîtres et le vin blanc, de celui qui aimait rire, de celui qui avait peur face à la maladie mais qui ne se plaignait pas… qui ne voulait pas déranger… qui gardait sur le travail des autres le profond respect lié, je crois, à ses convictions politiques. Mais je voudrais parler de l’homme qui doutait, et qui, au soir de sa vie, en faisant le bilan, se jugeait durement. En oubliant que la folie de ce qu’il avait vécu là-bas, à Melk, à Ebensee, l’autorisait à ne pas avoir été raisonnable en se jetant à corps perdu dans le militantisme, en se moquant de construire une carrière professionnelle …
Mais je voudrais parler de cette vie qui lui fut si dure dans toutes ces années d’après guerre, de sa mère devenue folle, qu’il soutenait, de toutes ces visites dans les asiles psychiatriques… Divorce, séparation, solitude, soucis de toutes sortes, mais toujours pour lui l’amitié des copains. Les copains, la liste en est si longue qu’il faudrait un bottin, et il en est tellement aujourd’hui qui ont disparu. Dans toutes ces années où ses compagnons, les rescapés des camps, étaient pour lui si importants, comme si entre eux au moins ils pouvaient se comprendre.
Je voudrais parler de son sens de l’humour, de l’autodérision. Des jeux de mots énormes, des blagues incroyables… Georges parlait de sa vie, après la déportation, comme d’une « portion de rab » qui ne méritait pas qu’on la prenne au sérieux. Je le revois avec Mimile, avec Gilles, avec Blanchard, Ficelle et tous les autres, les hommes de l’Amicale ! Il faudrait retrouver les souvenirs si drôles qu’ils se racontaient entre eux, pourtant issus de l’univers concentrationnaire. Le petit poisson sautant de l’eau et avalé tout cru sous les éclats de rire des camarades, ce juif hongrois du nom de Lazare que vous mettiez en tandem avec un Français du nom de Garcin, pour faire Garcin-Lazare…
Georges était toujours près pour une bonne blague, autour d’une bonne table, avec des bons copains, et il aura, je crois toujours essayer de rire… Alors je te le souhaite du fond du cœur, où que tu sois Georges, de rire très fort avec tes camarades…
Tu n’étais pas seulement un homme bien, réduit à tes faits d’armes, à tes honneurs, à tes décorations, tu étais aussi un homme tendre, avec des doutes, des peurs et des contradictions, un homme tout simple mais droit. Alors pour tout ce que tu m’as donné, pour cette voie tracée, merci, mon père.

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